Par une décision du 4 octobre 2019 n°19007408, la Cour nationale du droit d'asile accorde à notre cliente le statut de réfugié à la suite d'un mariage forcé.
La Cour applique la notion de groupe social.
"Dans une population au sein de laquelle le mariage forcé est couramment pratiqué au point de constituer une norme sociale, les jeunes filles et les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté constituent de ce fait un groupe social. L’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres de leur appartenance à ce groupe.Il appartient à la personne qui sollicite la qualité de réfugiée en se prévalant de son appartenance à un groupe social de fournir l’ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques et sociologiques, relatifs aux risques de persécution qu’elle encourt personnellement..."
Elle s'appuie sur la documentation disponible telle que le Rapport de mission en Guinée de l'OFPRA et de la CNDA publié en février 2018, une note de la commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada publiée le 15 octobre 2015 : "...Si la loi coutumière permet de refuser un mariage forcé, la pression familiale est telle qu'il est souvent difficile pour la femme de s'opposer à un tel projet, en raison de l'importance accordée à l'autorité des parents et du rejet auquel une telle soustraction l'exposerait, de la part tant de sa famille que de la communauté.Dès lors, il apparait que les femmes guinéennes qui refusent des mariages imposés, ou tentent de s'y soustraire, constituent un groupe social au sens de la convention de Genève, et sont susceptibles d'être exposées de ce fait à des persécutions..."
Il a été également jugé que (CNDA, N° 15031912 Mme E. 23 juillet 2018, dont les motifs sont repris par la décision du 4 octobre 2019,http://www.cnda.fr/La-CNDA/Actualites/La-CNDA-redefinit-le-cadre-d-analyse-des-demandes-de-protection-fondees-sur-le-refus-d-un-mariage-force ):”Les
craintes alléguées par la requérante en cas de retour dans son pays sont
corroborées par des sources actuelles, pertinentes et publiquement disponibles.
Il ressort en effet du Rapport de mission en Guinée de l’OFPRA et de la cour,
publié en février 2018, que si les articles 281, 282 et 283 du code pénal
guinéen interdisent le mariage forcé en République de Guinée, ce dernier
demeure malgré tout une pratique développée et que le recours à la protection
des autorités reste très difficile en raison notamment du coût financier, de la
longueur de la procédure et de la stigmatisation à laquelle les victimes
s’exposent en s’opposant à une union. Le rapport 2016 sur la situation des
droits de l’homme en Guinée du département d’Etat américain publié le 3 mars
2017 souligne la forte prévalence des mariages précoces en Guinée et relève que
selon le Fonds des Nations Unies pour les populations (FNUAP), 63% des femmes
âgés de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans, ce qui correspond à
la situation de la requérante, contrainte à une union forcée à l’âge de quinze
ans. Il apparaît également que les jeunes filles non scolarisées sont
particulièrement vulnérables et sans moyen de s’opposer à la volonté familiale,
la situation de la requérante, orpheline et déscolarisée par l’ancien ami de
son père l’ayant recueillie, présentant une vulnérabilité similaire. Une note
de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada publiée le
15 octobre 2015, intitulée « Guinée : information sur les mariages forcés, y
compris sur leur fréquence, les lois touchant les mariages forcés, la
protection offerte par l'État et la possibilité pour les femmes de refuser un
mariage forcé (2012-2015) », indique également que le taux de prévalence des
mariages forcés est particulièrement marqué au sein des communautés peules,
malinké et musulmanes, et qu’une « femme rejetant un mariage forcé pouvait se
faire rejeter par sa famille, voire sa communauté ».
Denis SEGUIN
Avocat à Angers
Spécialiste en Droit des étrangers
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