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Parent enfant malade étranger malade Géorgie

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF 

DE NANTES 

N°s 2211919 et 2214025 

___________ 

Mme L.N

___________ 

4 octobre 2023  

___________ 

335-01-03 


Le tribunal administratif de Nantes 

(2ème chambre)


"Considérant ce qui suit : 

1. Mme N, ressortissante géorgienne née en 1985, est entrée en  France en juin 2021. Sa demande d’asile a été rejetée par une décision du 15 avril 2022 de l’Office  français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale  du droit d’asile du 11 juillet 2022. Elle a sollicité du préfet de Maine-et-Loire la délivrance d’un  titre de séjour sur le fondement de l’article L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers  et du droit d’asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 27 juillet 2022. Par un arrêté du  5 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai  de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d’office lorsque le  délai sera expiré. Mme N demande au tribunal d’annuler ces arrêtés. 

Sur la jonction :  

2. Les requêtes nos 2211919 et 2214025 concernent la situation d’une même requérante  et ont fait l’objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul  jugement. 

Sur les conclusions à fin d’annulation :  

3. Aux termes de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et  du droit d’asile : « L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite  une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une  exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé  dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et  familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (…) ». 


4. Aux termes de l’article L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et  du droit d’asile : « Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues  à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité  parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en  France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de  séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas  opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité  professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de  l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être  satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du  service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions  prévues à l'article L. 425-9. ». 

5. Pour refuser à Mme N la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement  de ces dispositions, le préfet de Maine-et-Loire s’est fondé sur le motif tiré de ce que le fils de la  requérante, né en 2016 et souffrant d’une encéphalopathie développementale et épileptique  résistante, s’accompagnant d’une régression psychomotrice, peut bénéficier en Géorgie des soins  appropriés à son état de santé. 

6. La partie qui justifie d’un avis du collège de médecins du service médical de  l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée  comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence ou l’absence d’un  état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d’un titre de séjour. Dans ce cas, il  appartient à l’autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous  éléments permettant d’apprécier l’état de santé de l’étranger et, le cas échéant, l’accès effectif ou  non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient  d’apprécier si l’état de santé d’un étranger justifie la délivrance d’un titre de séjour dans les  conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 

7. L’avis rendu par le collège des médecins de l’OFII le 13 mai 2022, dont le préfet  s’est approprié les termes, indique que, si l’état de santé du fils de la requérante nécessite une prise  en charge médicale dont le défaut est susceptible d’entraîner des conséquences d’une  exceptionnelle gravité, celui-ci peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. 

8. Il ressort des pièces du dossier que l’enfant T, né en 2016, est suivi dans le  service de neurologie et neurochirurgie de l’enfant du centre hospitalier universitaire d’Angers  pour une encéphalopathie développementale et épileptique résistante s’accompagnant d’une  régression psychomotrice. Il ressort du certificat établi par le Dr V le 20 juillet 2022  ainsi que du certificat du Dr T [médecin géorgien] établi le 4 juin 2021, que les symptômes consistent en  des crises de convulsion, la perte de l’usage de ses membres supérieurs, une grande fatigabilité,  un bavage, l’impossibilité de marcher sans soutien bilatéral plus de quelques pas, et la perte de la  préhension volontaire.  

9. Il ressort en outre des pièces du dossier que l’enfant de la requérante suit un  traitement médicamenteux à base de Micropakine et Buccolam, des anticonvulsivants, et  d’Urbanyl, un anxiolytique. Mme N produit deux prescriptions médicales pour ces  médicaments et justifie de l’ajout du cannabidiol audit traitement. Il ressort en outre du certificat  médical établi par le docteur T en 2021 en Géorgie, que « compte tenu de la nature résistante de l’encéphalopathie épileptique primaire et développementale, il est conseillé au  patient de rechercher des traitements alternatifs à l’extérieur du pays ». Par ailleurs, la requérante  produit une capture d’écran du site géorgien de la pharmacie de Tbilissi « Aversi » répertoriant les  médicaments disponibles dans le pays selon lequel l’Urbanyl, la Micropakine, le Buccolam et le  cannabidiol ne figurent pas dans la liste des médicaments disponibles. Ell


e produit également un  document daté du 9 septembre 2022 émanant de l’agence de régulation des activités médicales et  pharmaceutiques de Géorgie, dont il ressort que les produits pharmaceutiques contenant du  cannabidiol ne sont pas enregistrés sur le marché pharmaceutique de Géorgie, ni ceux contenant  du clobazam, y compris l’Urbanyl. Ces éléments, qui ne sont pas contestés par le préfet en défense,  sont de nature à établir que, contrairement à ce qu’a estimé le collège de médecins de l’OFII dans  son avis rendu le 13 mai 2022, l’enfant de la requérante ne peut pas bénéficier d’un traitement  approprié dans son pays d’origine. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de  Maine-et-Loire a entaché sa décision de refus de séjour d’une erreur d’appréciation au regard des  dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du  droit d’asile.  

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres  moyens des requêtes, que Mme N est fondée à demander l’annulation de la décision lui  refusant la délivrance d’un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant  obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination du 5 octobre 2022. 

Sur les conclusions à fin d’injonction

11. Le présent jugement implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet de  Maine-et-Loire de munir l’intéressée d’une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois  suivant la notification du présent jugement.  

Sur les frais liés au litige

12. Mme N a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son  avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et  37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que  Me Seguin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre  à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros.

Article 1er : Les arrêtés des 27 juillet 2022 et 5 octobre 2022 du préfet de Maine-et-Loire  sont annulés. 

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme N  une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent  jugement. 

Article 3 : L’Etat versera à Me Seguin la somme de 1 500 euros (mille cinq cents  euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du  deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Seguin renonce à  percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. 

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme N, au préfet de  Maine-et-Loire et à Me Denis Seguin". 


cf également CAA Bordeaux, 12 janvier 2021, n°20BX02361










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