“1. M. A ressortissant soudanais, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision du directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 avril 2018. Son épouse et leurs six enfants ont déposé des demandes de visa de long séjour auprès de l’autorité consulaire française à Khartoum (Soudan) au titre de la réunification familiale. Par une décision du 11 mai 2022, l’autorité consulaire a refusé de délivrer à Mme S, aînée de la fratrie, le visa sollicité et par des décisions du 4 août suivant, des visas ont été délivrés à l’épouse de M. S et à leurs cinq enfants cadets. Par une décision implicite née le 7 novembre 2022, dont Mme S demande l’annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire du 11 mai 2022.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Il ressort du mémoire en défense que, pour rejeter le recours administratif préalable introduit pour Mme S, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France s’est fondée sur l’inéligibilité de la demandeuse à la procédure de réunification familiale, estimant que celle-ci était âgée de plus de 19 ans à la date de la demande de visa.
3. Aux termes de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (…) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire (…) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ». Aux termes de l’article L. 561-5 du même code : « Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais (…) ». Pour l’application de ces dispositions, l’article R. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que : « La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire mentionnée à l'article L. 561-5. Elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident ces personnes ».
4. Il résulte de ces dispositions que l’âge de l’enfant pour lequel il est demandé qu’il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c’est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu’aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu’après son enregistrement par l’autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courriel adressé par le service des visas de l’ambassade de France au Soudan le 15 décembre 2020, que des démarches ont été entreprises par M. S dès cette date en vue de l’obtention de visas de long séjour au titre de la réunification familiale pour son épouse et leurs six enfants. Par ce courriel, il lui a été rappelé, s’agissant plus particulièrement de la situation de la requérante, que le dépôt de demande de visa devait être fait avant qu’elle n’ait atteint l’âge de dix-neuf ans et indiqué que la date d’un tel dépôt était celle à laquelle les échanges avaient commencé avec elle, soit, en l’espèce, ce 15 décembre. Dès lors, à la date du dépôt de la demande de visa, qui, eu égard à ce qui précède, doit être regardée comme étant celle à laquelle l’administration a ainsi répondu à la sollicitation de M. S, Mme S, née le 1er janvier 2002, était âgée de moins de dix-neuf ans. Dans ces conditions, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en refusant de délivrer le visa sollicité pour le motif exposé au point 2.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, que Mme S est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée”.
Denis SEGUIN
avocat
spécialiste en droit des étrangers
docteur en droit
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