TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N° 2400480, 2400482 M. IY Mme F Décision du
24 janvier 2024 _
“….Sur les conclusions aux fins d’annulation : 2. M. Ibrahim
Y, ressortissant sierra-léonais né le 27 août 1998 et Mme Fanta Y,
ressortissante sierra-léonaise née le 5 juin 2000, déclarent être entrés en
France le 31 octobre 2023. Le 10 novembre 2023, leurs demandes d’asile ont été
enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La
consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales
des intéressés a révélé qu’ils avaient préalablement présenté une demande de
protection internationale en Allemagne respectivement sous les numéros
DE1221201NUR00652 et DE1221201NUR00702, où ils avaient été identifiés en ce
sens le 1er décembre 2022 et qu’ils avaient préalablement séjourné en Italie
où leurs empreintes ont été relevées respectivement sous les numéro IT2AG06TYC
et IT2AG06TYD le 20 octobre 2022. Saisies par les autorités françaises le 13
novembre 2023, les autorités italiennes ont refusé de prendre en charge les
intéressés par réponse du 5 décembre 2023. Saisies le 13 novembre 2023, les
autorités allemandes ont accepté leur responsabilité par accord explicite des
15 et 16 novembre 2023. Par deux arrêtés du 20 décembre 2023, dont M. et Mme
Y, chacun en ce qui les concernent, demandent l’annulation, le préfet de
Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités allemandes pour
l’examen de leurs demandes d’asile. 3. Aux termes de l’article 3 du règlement
(UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : « 1. Les États membres examinent toute
demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays
tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y
compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée
par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre
III désignent comme responsable. / 2. (…) / Lorsqu’il est impossible de
transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme
responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans
cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les
conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement
inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination
de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au
chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme
responsable/ (…) ». L’application de ces critères peut toutefois être écartée
en vertu de l’article 17 du même règlement, aux termes duquel : « 1. Par
dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider
d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par
un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui
incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L’État
membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu
du présent paragraphe devient l’État membre responsable et assume les
obligations qui sont liées à cette responsabilité (…) ». La faculté laissée
aux autorités françaises, par les dispositions de l’article 17 du règlement
(UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d’examiner une demande de
protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays
tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des
critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue
nullement un droit pour les demandeurs d’asile. 4. Il ressort des pièces du
dossier que les intéressés sont présents en France avec leurs deux enfants
âgés de 3 et 1 an. Il ressort également du certificat médical établi le 10
janvier 2024 par une sage-femme du service de gynécologie obstétrique du
centre hospitalier universitaire d’Angers que Mme Y présente un état de
grossesse dont le terme est prévu le 6 mars 2024. Il n’est pas soutenu que M.
Y ne serait pas le père de l’enfant à naître. Dans les circonstances
particulières de l’espèce, en ne faisant pas usage de la faculté d’instruire
en France la demande d’asile des intéressées alors que Mme Y présente un état
de grossesse avancé et que son époux et leurs jeunes enfants sont présents en
France à ses côtés, le préfet de Maine-et-Loire a entaché ses décisions d’une
erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article 17 du
règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. 5. Il résulte de ce qui précède, et
sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que
M. et Mme Yillah sont fondés à demander l’annulation des arrêtés du préfet de
Maine-et-Loire du 20 décembre 2023 portant transfert auprès des autorités
allemandes Sur les conclusions à fin d’injonction sous astreinte : 6. Eu égard
au motif d’annulation retenu dans le présent jugement, l’exécution de ce
dernier implique qu’il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire d’enregistrer
les demandes d’asile de M. et Mme Y en procédure normale et de leur délivrer
une attestation de demande d’asile. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de
Maine-et-Loire d’y procéder dans un délai de quinze jours à compter de la
notification du présent jugement. Sur les conclusions présentées au titre de
l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative : 7. M. et Mme Y ont obtenu le bénéfice de l’aide
juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des
dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L.
761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances
de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros à verser
à Me Seguin, conseil de M. et Mme Y..."
cf aussi:
Denis SEGUIN
Avocat
Spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit.
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