“………………………………………………………………………………………………………………………
3. Les pièces du dossier, ainsi que les déclarations écrites et orales de M. A, notamment lors de l’audience s’étant tenue à huis clos, ont permis d’établir les faits ayant présidé à son départ du Soudan, et ses craintes en cas de retour. En premier lieu, ses explications utiles, particulièrement précises et circonstanciées ont permis d’établir qu’il est originaire de Garsila, situé dans le Darfour Central. En effet, il s’est exprimé sur ses conditions de vie dans le camp de Jaddah, mais aussi sur l’organisation du camp et notamment la distribution de nourriture et l’accès aux soins, ainsi que sur la présence d’organisations non-gouvernementales de façon claire, renseignée et particulièrement empreinte de vécu. Par suite, en second lieu, le récit des menaces et agressions répétées pesant sur sa famille, sur lui-même et sur les personnes d’ethnie four, incessamment menacées par les janjawids, au sein même du camp, a emporté la conviction de la Cour au regard de ses déclarations pertinentes et personnalisées. Dans ce contexte, il a su décrire avec précision et pertinence l’évolution de la situation sécuritaire dans la région au cours de l’année 2023. Ainsi, les circonstances dans lesquelles il a été inquiété puis arrêté au sein même de son commerce, situé à Garsila, par des membres des forces d’intervention rapide, puis détenu et relâché en échange de la promesse du versement d’une somme d’argent dans un délai de deux jours ont fait l’objet de développements spontanés et crédibles. Il en va de même de sa décision de quitter le Soudan, face au ciblage récurrent dont il faisait l’objet et à son impossibilité de verser la somme d’argent exigée. Par ailleurs, ses déclarations s’inscrivent dans un contexte établi. En effet, le rapport du ministère de l’Intérieur (Home Office) britannique, intitulé « Sudan: Non
Arab Darfuris », publié en octobre 2021 et non contredit par des sources plus récentes, indique que des membres des ethnies non-arabes du Darfour notamment sont souvent accusés d’appartenir à des mouvements rebelles, ce qui les expose à un risque de torture et d’autres mauvais traitements. En outre, la note d’Amnesty International, intitulée « Que se passe-t-il au Soudan ? », publiée le 21 juin 2019 et qui reste toujours d’actualité, indique que « Les forces d’appui rapide, créées en 2013 et placées sous le contrôle du service de renseignement soudanais, se seraient rendues responsables de nombreuses attaques illégales contre des civils au Darfour. La majorité de leurs victimes sont issues des groupes ethniques four, massalit et zaghawa. Aujourd’hui encore, les forces d’appui rapide et des milices alliées continuent à perpétrer des crimes de guerre au Darfour. Au cours de l’année écoulée, elles ont ainsi détruit, totalement ou partiellement, au moins 45 villages, commis des homicides et infligé des violences sexuelles ». Enfin, selon le rapport de Human Rights Watch sur les événements au Soudan en 2023, « dès le 24 avril, les FSR et des milices arabes ont mené des attaques contre des communautés non-arabes à El Geneina, la capitale du Darfour occidental. Des milliers de personnes ont été tuées et des centaines de milliers de Soudanais, issus pour la plupart de communautés non-arabes et en particulier les Massalit, ont été contraints de fuir au Tchad voisin (…) ». Ainsi, il résulte de ce qui précède que M. A craint avec raison, au sens des stipulations citées ci-dessus de la convention de Genève, d'être persécuté par les autorités en cas de retour dans son pays en raison de son appartenance à l’ethnie four. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié”.
Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
Commentaires
Enregistrer un commentaire