COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE
N° 24027184
17 juin 2025
(1ère section, 2ème chambre)
"Sur la demande d’asile :
1. Aux termes de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »....................................................................................
…….3. Il résulte des sources publiques disponibles, en particulier, de la note d’orientation de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) sur l’Afghanistan publiée en mai 2024 et intitulée « Afghanistan : Country Guidance », que les ressortissants afghans rapatriés en Afghanistan après avoir séjourné en Europe peuvent être perçus, tant par le régime taliban que la société afghane, comme des traîtres ou des infidèles pour avoir adopté des valeurs considérées comme contraires à l’islam et aux traditions afghanes. Ces personnes peuvent être exposées à des persécutions émanant de membres de leur famille, d’éléments conservateurs de la société ou des autorités de fait. L’AUEA identifie, des circonstances susceptibles d’entraîner des risques de persécutions tel que le comportement adopté par le demandeur, sa visibilité, la région d’origine, l’environnement conservateur, le sexe, l’âge lors du départ ou la durée du séjour dans un pays occidental. Ainsi, il incombe au demandeur de nationalité afghane, qui entend se prévaloir, à l’appui de sa demande d’asile, de craintes, en cas de retour dans son pays d’origine et du fait de la prise de pouvoir par les taliban, d’un profil « occidentalisé » ou d’un risque d’imputation d’un tel profil, de fournir l’ensemble des éléments propres à sa situation personnelle permettant d’établir qu’il a acquis un tel profil ou de démontrer la crédibilité du risque d’une telle imputation, notamment en raison de la durée de son séjour en Europe et, en particulier, en France, ainsi que de l’acquisition de tout ou partie des valeurs, du modèle culturel, du mode de vie, des usages ou encore des coutumes des pays occidentaux.
4. En l’espèce, le requérant a su décrire de manière personnalisée son mode de vie en France, notamment au regard de son apprentissage assidu de la langue française, dont témoigne l’attestation datée du 23 août 2024 versée à l’appui de son recours, ainsi que des nombreuses activités culturelles et sportives qui rythment sa nouvelle vie. Il ressort également de ses propos une volonté d’intégration sociale et professionnelle au sein de la société française. En outre, c’est en des termes étayés qu’il a exprimé son rejet de l’idéologie des taliban et son attachement aux libertés qui prévalent sur le territoire français. A cet égard, il a su faire état de l’environnement familial au sein duquel il a grandi, favorable à l’éducation des femmes, dont témoignent les études effectuées par deux de ses sœurs. Par conséquent, l’ensemble de ces éléments est constitutif d’un faisceau d’indices qui permet de considérer que le requérant risquerait d’être identifié comme ayant passé du temps en Europe et de se voir imputer, par les autorités de fait talibanes ou la société afghane environnante, une opposition d’ordre politique ou religieuse. Ainsi, il résulte de ce qui précède que M. N craint avec raison, au sens des stipulations citées ci-dessus de la convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison de son profil « occidentalisé ». Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié.
Sur l’application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. M. N ayant obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Seguin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, il y a lieu de mettre à la charge de l’OFPRA la somme de 1 200 euros à verser à son profit”...
Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
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