CNDA, 6 septembre 2022, 5ème section, 3ème chambre, n°21019326:
"3...Il ressort des pièces du dossier et des déclarations de Mme F...et de Mr B..., parents et représentants légaux de la requérante, que son père est de nationalité tchadienne et que sa mère est binationale tchadienne et soudanaise. En effet, la nationalité du père de la requérante n'a jamais été contestée et ressort de l'ensemble des documents produits à l'appui de la demande de sa fille. Par ailleurs, sa mère a versé son passeport tchadien sur lequel il est précisé qu'elle est née au Sud Darfour. Dès lors, sa double nationalité tchadienne et soudanaise peut être confirmée. Partant, il résulte de l'application de l'article 8,2 ° du code de la nationalité tchadienne que la requérante est de nationalité tchadienne par sa filiation paternelle. Par ailleurs il résulte des dispositions de la section 5, (2) du New Sudan Nationality act du 3 mai 1994 que les personnes nées après l'édition de cet acte ne sont soudanaises que si leur père était soudanais au moment de leur naissance. Il résulte de ce qui précède que Mme B...peut uniquement se prévaloir de la nationalité tchadienne. C'est donc à 'égard du Tchad que ses craintes doivent être examinées.
7....Il ressort des sources publiques consultées que les mutilations sexuelles féminines constituent une norme sociale au Tchad dans la mesure où elles sont une pratique très largement répandue dans la plupart des groupes ethniques. Il ressort notamment de l'Enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS6)sur le Tchad sur l'année 2019, paru au mois de janvier 2021, que l'excision frappe 42,8 % des femmes musulmanes et s'élève à 67,5%, chez lez membres de l'ethnie Zaghawa, ethnie de la mère de la requérante. Il ressort en outre de l'enquête démographique précédemment citée que le taux de prévalence de l'excision en milieu urbain et particulièrement à N'Djamena est de 31,8 %. En outre, si la loi du 15 avril 2002 visant à prohiber la pratique des mutilation sexuelles féminines a été promulguée par les autorités tchadiennes, cette dernière demeure largement ineffective. les poursuites ne sont jamais engagées eu égard à la prégnance des traditions sur cette question comme le souligne un article publié sur le site internet de la radio allemande Deutsche Welle, publié le 23 septembre 2020 et intitulé "Tchad: les jeunes filles toujours livrées à l'excision.De plus, selon un article de Radio France Internationale du 12 septembre 2020, intitulé "Bien qu'interdits, les cas d'excision se multiplient au Tchad", l'Eglise catholique tchadienne et la Commission nationale des droits de l'homme se sont alarmées de la recrudescence de la pratique des MGF dans le pays et de ce que "les autorités semblent se désintéresser du sujet", ayant "préféré la pédagogie à la sanction". De fait, le droit coutumier et le droit musulman s'appliquent concuremment avec le droit écrit, et régissent la plupart des aspects de la vie familiale et le statut de la femme, notamment les MGF... Aussi,, les sources citées soulignent que les possibilités de protection pour les victimes de MGF au Tchad demeurent limitées, la législation en vigueur n'étant pas appliquée.
Par suite, il peut être considéré que l'excision s'apparente au sein de la communauté tchadienne à une norme sociale et que les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens de la convention de Genève.
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