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OQTF Jeune majeur

 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES, N°2306551, 27 septembre 2023 

“Considérant ce qui suit :  

1. M.N, ressortissant égyptien né le 8 avril 2005, est entré sur le territoire  français en février 2022, alors qu’il était âgé de 16 ans. Il a été pris en charge par le service de  l’aide sociale à l’enfance de Maine-et-Loire le 23 février 2022. Par une ordonnance de placement  provisoire du 11 mars 2022 confirmée par un jugement en assistance éducative du 21 mars 2022,  sa tutelle a été confiée à la présidente du département de Maine-et-Loire jusqu’à sa majorité. A  partir du 8 avril 2023, jour de sa majorité, il a bénéficié d’un contrat d’accueil provisoire jeune  majeur auprès de ce même département. Par l’arrêté du 27 avril 2023 dont M. N demande  l’annulation, le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans  un délai de quatre-vingt dix jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d’office à  l’issue de ce délai.  

Sur les conclusions aux fins d’annulation :  

2. D’une part, aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des  étrangers et du droit d’asile : « L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le  territoire français lorsqu’il se trouve dans les cas suivants : 1° L’étranger, ne pouvant justifier  être entré régulièrement sur le territoire français, s’y est maintenu sans être titulaire d’un titre  de séjour en cours de validité (…) »; 

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 412-1 du code de l’entrée et du séjour des  étrangers et du droit d’asile, « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des  exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d’une carte de  séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par  l’étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 411-1 », de l’article  L. 435-3 de ce code, « A titre exceptionnel, l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance  ou du tiers digne de confiance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie  suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification  professionnelle peut, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une  carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous  réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa  famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de  confiance sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l’article  L. 412-1 n’est pas opposable. » et de l’article L. 611-3 du même code, « Ne peuvent faire l’objet  d’une décision portant obligation de quitter le territoire français : 1° L’étranger mineur de dix huit ans ; » et de l’article R. 431-5 de ce même code, «Si l’étranger séjourne déjà en France, sa  demande est présentée dans les délais suivants 2° Au plus tard la veille de son dix-neuvième  anniversaire, pour l’étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à  L. 421-29, L. 421-30 à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 424-1,  L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 »

4. Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions qu’un étranger mineur entré  irrégulièrement en France doit, pour se conformer à l’obligation de possession d’un titre de séjour  qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois  qui suivent son dix-huitième anniversaire. Il ne peut dès lors faire l’objet d’une obligation de  quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du  séjour des étrangers et du droit d’asile que s’il s’est abstenu de solliciter un titre pendant cette  période. 

5. Il ressort des pièces du dossier que M. N, né le 8 avril 2005, n’a eu dix-huit ans  que le 8 avril 2023. Le 27 avril 2023, moins de deux mois s’étaient donc écoulés depuis son  dix-huitième anniversaire. Il en résulte que le préfet de Maine-et-Loire ne pouvait, sans  commettre d’erreur de droit, prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français  sur le fondement des dispositions du 1° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des  étrangers et du droit d’asile. 

6. Le préfet du Maine-et-Loire demande une substitution de base légale en faisant valoir  que l’arrêté litigieux pouvait légalement être fondé sur le 5° de l’article L. 611-1 du code de  l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Aux termes de l’article L. 611-1 :  « L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se  trouve dans les cas suivants : (…)5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas  régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public  ;(…) ». 

7. Il ressort des pièces du dossier que M. N a été interpellé 27 avril 2023 pour des  faits d’agression sexuelle commise en réunion et usage illicite de stupéfiants. Toutefois, si  M.N. a admis avoir été en possession de 0,58 grammes de résine de cannabis, il n’a pas  reconnu les faits d’agression sexuelle. Or ni l’extrait du traitement d’antécédents judiciaires, ni  le procès-verbal d’audition par les services de police ne suffisent à établir la réalité des faits  reprochés à M. N, lequel ne peut en être présumé coupable avant l’issue de la procédure  pénale. La seule détention d’une très faible quantité de stupéfiants ne suffit pas à caractériser  l’existence d’une menace à l’ordre public. En outre, et au surplus, M. N, qui était mineur à  son arrivée en France en février 2022 et qui n’a eu dix-huit ans que moins de trois semaines avant  l’arrêté attaqué ne peut être regardé comme une personne ne résidant pas régulièrement en France  depuis plus de trois mois, la présence en qualité de mineur ne pouvant être juridiquement  qualifiée de séjour irrégulier en France. Il suit de là que la substitution de base légale demandée  par le préfet du Maine-et-Loire ne peut être retenue. 

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de faire état de l’examen réalisé des  autres moyens de la requête, que M. N est fondé à demander l’annulation de l’arrêté attaqué. 

Sur les conclusions à fin d’injonction

9. Eu égard à ses motifs, le présent jugement implique que le préfet de Maine-et-Loire  procède au réexamen de la situation de M. N, dans un délai de deux mois à compter de la  notification de la présente décision, et lui délivre dans l’attente, dans un délai de dix jours à  compter de cette même notification, une autorisation provisoire de séjour. 

Sur les frais de l’instance

10. M. N ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se  prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi  du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Seguin,  avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat,  de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros.....................................................................................................................


Article 1er : L’arrêté du 27 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire est annulé. 

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-loire de procéder à un nouvel examen de  la situation de M. N.dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente  décision, et de lui délivrer dans l’attente, dans un délai de dix jours à compter de cette même  notification, une autorisation provisoire de séjour. 

Article 3 : L’Etat versera à Me Seguin la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros)  en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du  deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir  la somme correspondant à la part contributive de l'État. 

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. N, au préfet de  Maine-et-Loire et à Me Seguin”..  



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit


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