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Visa court séjour visite familiale refus Sri Lanka

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES, N° 2215755 

(9ème Chambre)

25 septembre 2023

" Considérant ce qui suit : 

1. M. A et son épouse, ressortissants sri lankais, ont présenté, afin de rendre visite à leur fille, à leur gendre et à leurs petits-enfants, des demandes de visa de court séjour pour visite familiale auprès de l’autorité consulaire française au Sri Lanka. Par deux décisions du 7 juillet 2022, cette autorité a fait droit à la demande de cette dernière et refusé de délivrer le visa sollicité par M. A. Par une décision implicite née le 7 novembre 2022, dont M. A demande l’annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre cette seconde décision consulaire. Sur les conclusions à fin d’annulation : 

2. Il ressort de l’accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire adressé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, que pour rejeter la demande de visa de court séjour, la commission de recours s’est appropriée le motif opposé par l’autorité consulaire tiré de ce qu’il existe des doutes raisonnables quant à la fiabilité, à l’authenticité des documents justificatifs présentés ou à la véracité de leur contenu. 

3. Ni la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, qui s’est appropriée le motif retenu par l’autorité consulaire, ni le ministre, qui, dans son mémoire en défense, reste silencieux sur les raisons qui ont conduit à retenir ce motif, n’apportent d’éléments de nature à établir un doute sur l’authenticité des documents justificatifs présentés par la demandeuse de visa ou sur la véracité de leur contenu ou sur la fiabilité de ses déclarations. Dans ces conditions, M. A, dont, ainsi que rappelé au point 1, l’épouse s’est vu délivrer un visa à la suite des demandes qu’ils ont déposées concomitamment et pour les mêmes motifs familiaux, est fondé à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en refusant de délivrer le visa qu’il avait sollicité pour le motif cité au point 2.

 4. Toutefois, pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de l’intérieur et des outre-mer fait valoir dans son mémoire en défense, communiqué au requérant, qu’il existe un risque de détournement de l’objet du visa à des fins migratoires. Ce faisant, il doit être regardé comme demandant implicitement une substitution de motif. 

5. Aux termes de l’article 10 de la convention d’application de l’accord de Schengen : « 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l’ensemble des Parties contractantes. Ce visa (…) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (…) ». Aux termes de l’article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas : « 1. Lors de l’examen d’une demande de visa uniforme, (…) une attention particulière est accordée à l’évaluation du risque d’immigration illégale (…) que présenterait le demandeur ainsi qu’à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d’expiration du visa demandé ». Aux termes de l’article 32 du même règlement : « 1. (…) le visa est refusé : (…) b) s’il existe des doutes raisonnables sur (…) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé (…) ». 

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A dispose d’attaches familiales au Sri Lanka où il vit avec son épouse, depuis de nombreuses années, dans une maison dont elle est propriétaire. Il ressort encore des pièces du dossier que cette dernière est retournée au Sri Lanka le 22 août 2022, avant le terme du visa qui lui a été délivré le 7 juillet 2022 et qu’elle avait, ainsi que rappelé au point 1, sollicité pour les mêmes motifs que le requérant. Dans ces conditions, et alors que ni la situation économique et politique au Sri Lanka, ni la circonstance que la fille de M. A vit en France invoquées par le ministre ne suffisent à démontrer l’intention du requérant de s’installer durablement en France, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre de l’intérieur.  

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les conclusions à fin d'injonction : 

8. Le présent jugement implique nécessairement qu’il soit procédé à la délivrance du visa sollicité, au profit de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens. 

D E C I D E : Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, née le 7 novembre 2022, est annulée. Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer de délivrer à M. A un visa de court séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : L’Etat versera à M. A la somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative".




Denis SEGUIN
Avocat 
Spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit

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