“…Considérant ce qui suit :
1. Mme G, née le 25 juin 1986, de nationalité sénégalaise, déclarant être entrée sur le territoire français le 22 avril 2021, a déposé une demande d’admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté en date du 14 décembre 2023, le préfet des Ardennes a rejeté sa demande, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée en cas de défaut d’exécution volontaire. Par la présente requête, elle demande l’annulation, pour excès de pouvoir, des décisions précitées.
2. Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme G, présente en France depuis 2021, est mariée à son époux de nationalité sénégalaise depuis le 25 juin 2010, lequel est en situation régulière sur le territoire français [titulaire d'une carte de séjour pluri-annuelle de 4 ans, valable jusqu'en 2026]. Elle soutient partager une vie commune à Vouziers, accompagnés de leurs trois enfants mineurs, scolarisés à l’école primaire. A l’appui de ses allégations, elle produit notamment le certificat du mariage avec son époux, célébré au Sénégal, ainsi que des quittances de loyers, factures d’énergie aux deux noms. Il ressort par ailleurs d’une attestation de la mairie de Châtel-Chéhéry que Mme G résidait avec son mari et ses trois enfants dans cette commune au 23 novembre 2022. La requérante produit également une attestation du brigadier-chef principal de police municipale de Vouziers permettant d’établir qu’ils résident désormais en commun au sein de cette ville depuis le 24 mars 2023. Enfin, il ressort des pièces du dossier, que ses trois enfants mineurs sont scolarisés depuis 2022 à l’école primaire. Dans ces conditions, l’arrêté en litige du préfet des Ardennes porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination doit être annulé.
Sur les conclusions à fin d’injonction
5. Le motif retenu par le présent jugement implique que le préfet des Ardennes délivre un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à Mme G dans un délai d’un mois à compter de sa notification.
Sur les frais exposés à l’occasion du litige :
7. L’Etat versera à Me Seguin, représentant Mme G, la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserves de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle en application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique”.
Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
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