TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES (5ème chambre)
N° 2200804
25 juillet 2025
"...Considérant ce qui suit : 1. Mme M, ressortissante congolaise née le , est entrée irrégulièrement le 21 novembre 2018 sur le territoire français. Elle a sollicité l’asile auprès de l’office français de protection des réfugiés et des apatrides, lequel a rejeté sa demande par une décision du 16 octobre 2019, confirmée par la cour nationale du droit d’asile le 30 janvier 2020. Elle a sollicité la délivrance d’un titre de séjour, le 27 juillet 2021, en tant que parent d’enfant français en présentant à l’appui de sa demande, un passeport gabonais valable jusqu’au 8 décembre 2022. Par un arrêté du 20 décembre 2021 dont Mme M demande l’annulation, le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande.
2. Aux termes des dispositions de l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (…) ». Aux termes des dispositions de l’article L. 811-2 du même code : « La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil ». Aux termes de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu’un acte d’état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu’il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d’apprécier les conséquences à tirer de la production par l’étranger d’une carte consulaire ou d’un passeport dont l’authenticité est établie ou n’est pas contestée, sans qu’une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme M, le préfet de Maine-et-Loire s’est fondé sur le motif tiré de ce qu’il était impossible de déterminer la véritable identité de l’intéressée, puisqu’après analyse de ses empreintes digitales et consultation du fichier Visabio, il est apparu qu’elle avait obtenu des autorités consulaires françaises au Gabon, en 2018, la délivrance d’un visa de court séjour sous l’identité C M, née le 12 décembre 1985, ledit visa ayant été apposé sur un passeport gabonais n°17GA38371 valable du 12 mai 2018 au 12 mai 2023, alors qu’elle a présenté sa demande de titre de séjour sous l’identité J C C M, née le 19 juin 1983, titulaire d’un passeport congolais n°0A244447 valable du 9 décembre 2017 au 8 décembre 2022.
5. Pour justifier de son état civil, la requérante produit à l’appui de sa requête un duplicata du volet n°1 de son acte de naissance selon lequel elle est née le 19 juin 1983 à Mindouli (Congo) sous l’identité J C C M, ainsi qu’une copie de son passeport congolais n° 0A024447 délivré le 9 décembre 2017 et une copie de sa carte d’identité congolaise délivrée le 11 juin 2011 dont les mentions sont concordantes avec celles figurant sur l’acte de naissance. Elle explique, pour justifier son enregistrement sous une identité différente dans le fichier Visabio, « qu’à l’époque, elle avait laissé ses empreintes digitales à une personne lui ayant promis la délivrance d’un visa, par le truchement d’une fausse identité ». Le préfet de Maine-et-Loire fait valoir en défense que, le 4 février 2022, postérieurement à la prise de la décision attaquée, les services de la police aux frontières ont établi un rapport selon lequel le passeport n° OA024447 de Mme M, s’il répond aux préconisations OACI, la lecture de la puce électronique reprenant en tous points les informations contenues dans le document, ne permet pas, en l’absence de tampon Schengen, de justifier du caractère légal de l’entrée de son titulaire sur le territoire européen et comporte à sa page 5, à hauteur du timbre humide « sortie du territoire du Gabon », une flèche sortie apposée à l’aide d’un stylo. Toutefois, ni ces observations, ni le fait que l’acte de naissance joint par Mme M à sa requête n’a pas été expertisé par le service spécialisé de la police aux frontières ne sont de nature à remettre en cause l’authenticité de cet acte de naissance. Dès lors, la requérante doit être regardée comme justifiant être bien Mme M, ressortissante congolaise née le 19 juin 1983. Par suite, en estimant que l’identité de l’intéressée n’était pas justifiée pour en déduire que sa demande de titre de séjour était entachée de fraude, le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur d’appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme M est fondée à demander l’annulation de l’arrêté par lequel le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour fondée sur l’article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile...".
Note:
- Le préfet avait motivé sa décision de la façon suivante:
« …L’intéressée apparait sous l’identité de Mme CM, née le 12 décembre 1985, de nationalité gabonaise après analyse de ses empreintes digitales sur le logiciel Visabio…
Mme présente à l’appui de sa demande un passeport délivré par la République du Congo… Il ressort d’un examen attentif de l’ensemble de sa situation que Mme a falsifié son identité et détient deux passeports différents ; il n’est donc pas possible de déterminer sa véritable identité ; en application du principe selon lequel la fraude corrompt tout, elle ne justifie pas des conditions fixées par l’article R.431-10 du Ceseda ».
- A titre d'illustration jurisprudentielle, on peut citer:
(CE- 2ème - 7ème chambres réunies - 26 avril 2018 - n° 416550) :
« 1. L'article L. 111-6 [anc.devenu art.L811-2] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
2.Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
3.Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents ».
Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
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