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Afghanistan Statut de réfugié opinions politiques imputées professeur d'anglais

 CNDA, 1ère section, 3ème chambre, 28 janvier 2022, n°21024880:


" Il ressort des pièces du dossier et des déclarations précises et cohérentes de Monsieur A qu'ont pu être tenu pour établir sa nationalité,  sa provenance géographique, ainsi que les faits ayant présidé à son départ d'Afghanistan. En effet, le requérant a été en mesure de décrire dès le stade de l'Office son parcours de vie et ses centres d'intérêt dans la ville de Lashkar Gah. À cet égard, il a retranscrit de façon constante son évolution personnelle en l'inscrivant dans une chronologie cohérente et un contexte géographique précis. En outre, il a été en mesure de s'exprimer de façon précise sur les conditions dans lesquelles il a été amené à enseigner l'anglais dans une école de filles située dans son district. À cet égard, il s'est montré en capacité d'expliciter le contexte dans lequel cette association s'est implantée dans sa localité après avoir répondu à l'appel d'offres lancé par une association plus importante, financé par des fonds étrangers. Interrogé sur les conditions de son embauche comme professeur d'Anglais par l'intermédiaire d'un proche travaillant dans une équipe de reconstruction provinciale, Monsieur A... a été en mesure d'apporter des détails tant sur son recrutement que sur ses conditions de travail, l'intéressé ayant notamment pu décrire la méthodologie pédagogique employée  et présenter les supports sur lesquels il s'appuyait afin de préparer ses cours. La production de la lettre de recommandation établit le 19 mars 2020 par la directrice de KHDO qui réside aujourd'hui aux États-Unis, vient utilement corroborer ses déclarations quant à son emploi. Il a également pu revenir de manière détaillée sur les menaces et violences dont les membres de l'association ont fait l'objet, le conduisant à démissionner en août 2015. Ainsi, en raison de son activité professionnelle en Afghanistan, il est plausible que Monsieur A... présente un profil à risque en cas de retour dans son pays d'origine. Dans les principes directeurs du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies relatifs à l'éligibilité dans le cadre de l'évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d'asile afghans, publié au mois d'août 2018, le HCR appelle l'attention des États sur les individus relevant de l'un des profils à risque qu'il énumère. Il considère ainsi que les personnes associées au gouvernement ou à la communauté internationale peuvent nécessiter la protection internationale de réfugiés sur la base d'une crainte fondée de persécution du fait d'acteurs non étatiques en raison des opinions politiques qui leur sont imputées ou pour d'autres fondements conventionnels, combinés avec l'incapacité générale de l'État à les protéger face à de telles persécutions. Comptent au nombre de tels individus les civils associés où perçus comme favorables aux forces militaires internationales et des civils employés par des organisations humanitaires internationales où afghanes, y compris des ressortissants afghans travaillant pour des organismes et les Nations unies. Des employés d'organisation internationale, des agences de développement et des employés, d'ONG nationales et internationales, dont faisait partie Monsieur A... et des particuliers impliqués dans des projets internationaux. Des personnes ayant ces profils auraient été tués, enlevés et intimidés. Dans le même sens le rapport annuel de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (UNAMA), publié en février 2021 (Afghanistan Protection of civilians in armed conflict) et le rapport du Secrétaire général des Nations unies, intitulé "La situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales", paru le 12 mars 2021, s'accordent sur le fait que les attaques des insurgés ciblent délibérément toute personne refusant d'adhérer à leur doctrine en raison des opinions pro-occidentales et pro-gouvernementales qu'ils leur imputent. Enfin, France Info, le 20 août 2021 dans un article intitulé "Afghanistan : les talibans accusés de traquer les habitants ayant travaillé avec les forces étrangères", mettait en outre en exergue que selon un rapport confidentiel de l'ONU rédigé par un groupe d'experts d'évaluation des risques pour l'ONU depuis la prise du pouvoir par les Talibans le 15 août dernier, ces derniers possédaient des listes prioritaires de personnes qu'ils souhaitaient arrêter. Plus récemment, le Bureau européen en matière d'asile souligne dans son rapport de novembre 2021 que "les travailleurs des ONG ont été ciblés par les insurgés parce que leurs activités étaient perçues comme non neutres ou en violation des normes culturelles ou religieuses". Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur A... craint avec raison ou sans des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui seraient imputées par les talibans. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".

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