"...1. Mme N, ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), s’est vu accorder le bénéficie de la protection subsidiaire par une décision du 29 décembre 2016. Mme S et Mme A, ses filles alléguées, ont sollicité la délivrance de visas d’entrée et de long séjour en France auprès de l’autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo), en qualité de membres de la famille d’une bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par des décisions du 13 mars 2023, cette autorité a refusé de délivrer les visas demandés. Par une décision implicite née le 31 mai 2023, dont Mme N, Mme I et Mme N demandent l’annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires.
Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France :
2. Aux termes de l’article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. (…). ». Aux termes de l’article D. 312-8-1 du même code : « En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ».
3. En application des dispositions précitées de l’article D. 312-8-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d’une demande de visa fait l’objet d’une décision implicite de rejet, cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, qui se substitue à celle de l’autorité consulaire, doit être regardée comme s’étant approprié le motif retenu par cette autorité, tiré en l’espèce de ce que le lien allégué avec la bénéficiaire de la protection de l’OFPRA ne correspond pas à l’un des cas permettant aux demandeuses d’obtenir des visas au titre de la réunification familiale.
4. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ».
5. Il ressort des pièces du dossier que les requérantes ont produit à l’appui des demandes de visas des actes de naissances dressés en transcription de jugements supplétifs du tribunal de paix de Kinshasa, ainsi qu’un jugement du tribunal des enfants de Kinshasa/ Gombe du 9 janvier 2022 transférant à Mme N l’autorité parentale à l’égard des intéressées. En l’absence de mémoire en défense produit dans le cadre de l’instruction, le ministre de l’intérieur et des outre-mer n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause les identités et le lien de filiation des demandeuses de visas avec Mme N, qui doivent dès lors, au regard des actes produits, être tenus pour établis. Dans ces conditions, en refusant à Mme A d’une part, et à Mme S d’autre part les visas demandés au titre de la réunification familiale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressées au respect de leur vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision attaquée doit être annulée.
7. Eu égard aux motifs qui précèdent, le présent jugement implique nécessairement qu’il soit procédé à la délivrance des visas demandés par Mme A et Mme S dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
…L’Etat versera à Me Seguin la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au versement de la part contributive de l’Etat".
Denis Seguin
Docteur en droit
Avocat spécialiste en droit des étrangers
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