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Réunification familiale Refus de visas Autorité parentale

 


TRIBUNAL ADMINISTRATIF  DE NANTES 11ème chambre , N° 2308220,25 juin 2024 :


"...1. Mme N, ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), s’est  vu accorder le bénéficie de la protection subsidiaire par une décision du 29 décembre 2016. Mme  S  et Mme A, ses filles alléguées, ont sollicité la  délivrance de visas d’entrée et de long séjour en France auprès de l’autorité consulaire française à  Kinshasa (République démocratique du Congo), en qualité de membres de la famille d’une  bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par des décisions du 13 mars 2023, cette autorité a refusé  de délivrer les visas demandés. Par une décision implicite née le 31 mai 2023, dont Mme N,  Mme I et Mme N demandent l’annulation, la commission de recours  contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre ces  décisions consulaires. 

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision de la commission de recours contre  les décisions de refus de visa d’entrée en France :  

2. Aux termes de l’article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du  droit d'asile : « Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de  l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de  long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. (…). ». Aux termes de l’article D. 312-8-1 du même code : « En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le  recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est  réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe  le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ». 

3. En application des dispositions précitées de l’article D. 312-8-1 du code de l’entrée  et du séjour des étrangers et du droit d’asile, si le recours administratif préalable obligatoire formé  contre une décision de refus d’une demande de visa fait l’objet d’une décision implicite de rejet,  cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France,  qui se substitue à celle de l’autorité consulaire, doit être regardée comme s’étant approprié le motif  retenu par cette autorité, tiré en l’espèce de ce que le lien allégué avec la bénéficiaire de la  protection de l’OFPRA ne correspond pas à l’un des cas permettant aux demandeuses d’obtenir des  visas au titre de la réunification familiale. 

4. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de  l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et  familiale de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité  publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et  qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité  nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la  prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection  des droits et libertés d'autrui. ». 

5. Il ressort des pièces du dossier que les requérantes ont produit à l’appui des  demandes de visas des actes de naissances dressés en transcription de jugements supplétifs du  tribunal de paix de Kinshasa, ainsi qu’un jugement du tribunal des enfants de Kinshasa/ Gombe du  9 janvier 2022 transférant à Mme N l’autorité parentale à l’égard des intéressées. En  l’absence de mémoire en défense produit dans le cadre de l’instruction, le ministre de l’intérieur et  des outre-mer n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause les identités et le lien de  filiation des demandeuses de visas avec Mme N, qui doivent dès lors, au regard des actes  produits, être tenus pour établis. Dans ces conditions, en refusant à Mme A  d’une part, et à Mme S d’autre part les visas demandés au titre de la  réunification familiale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en  France a porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressées au respect de leur vie privée et  familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des  droits de l’homme et des libertés fondamentales.  

6. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres  moyens de la requête, que la décision attaquée doit être annulée.

7. Eu égard aux motifs qui précèdent, le présent jugement implique nécessairement  qu’il soit procédé à la délivrance des visas demandés par Mme A et Mme  S dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent  jugement.  

L’Etat versera à Me Seguin la somme de 1 200 euros sur le fondement des  dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de  justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au versement de la part contributive de  l’Etat". 



Denis Seguin

Docteur en droit

Avocat spécialiste en droit des étrangers


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