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AES Admission exceptionnelle au séjour Salarié

 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES (3ème chambre)N° 2307247 

15 juillet 2024  




“...2. Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du  droit d’asile : « L’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond  à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir  peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur  temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l’article L.  412-1 (…) ». 

3. Aux termes de l’article 5 de la convention du 14 septembre 1992 entre le gouvernement  de la République française et le gouvernement du Burkina Faso : « Les ressortissants de chacun  des États contractants désireux d’exercer sur le territoire de l’autre État une activité  professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de  la possession : 1° D’un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ  […] / 2° D’un contrat de travail visé par le ministère du travail dans les conditions prévues par  la législation de l’État d’accueil. ». L’article 10 de cette même convention stipule : « Pour tout  séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants burkinabè doivent  posséder un titre de séjour. (…) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation  de l’État d’accueil ». 

4. Aux termes de l’article 2.2 de l’accord du 10 janvier 2009 entre le gouvernement de la  République française et le gouvernement du Burkina Faso : « (…) b) Sans préjudice des  dispositions de la législation française visant à l'exercice de certaines professions, un titre de  séjour portant la mention «salarié» est délivré aux ressortissants burkinabé appartenant à l'une  des deux catégories définies à l'alinéa ci-après, titulaires d'un contrat de travail visé par l'autorité  française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi en France, pour  l'exercice d'une activité salariée dans l'un des métiers mentionnés sur la liste figurant à l'annexe  I. Cette liste peut être modifiée tous les ans par simple échange de lettres entre les Parties. / Le  ressortissant burkinabé mentionné à l'alinéa précédent est : - soit un ressortissant burkinabé  résidant au Burkina Faso à la date à laquelle est visé le contrat de travail mentionné ci-dessus et  titulaire d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; - soit un ressortissant  burkinabé justifiant d'une résidence habituelle en France à la date du 20 novembre 2007. c) Pour  permettre aux ressortissants burkinabé d’acquérir des compétences professionnelles nouvelles et  pour favoriser leur accueil et leur insertion, le nombre de titres de séjour mentionnés au b)  susceptibles d’être délivrés chaque année à ces ressortissants est limité à 500. Ce nombre peut  être révisé chaque année d’accord Partie au sein du Comité de suivi. d) Les ressortissants des  deux Parties qui ne pourraient bénéficier des dispositions prévues au a) pour la seule raison d’un  dépassement de la limite chiffrée indiquée au a) peuvent toutefois bénéficier des dispositions de la  législation de l’autre Partie relatives à l’immigration professionnelle. / Il en est de même pour les  ressortissants burkinabés qui ne pourraient bénéficier des dispositions prévues au b) pour la seule  raison du dépassement de la limite chiffrée indiquée au c). (…) ».  

5. Ces stipulations de l’accord entre la France et le Burkina Faso se bornent, en ce qui  concerne l’admission au séjour des ressortissants burkinabé en qualité de salarié, à fixer les  conditions dans lesquelles ces ressortissants peuvent bénéficier, dans la limite d’un contingent  annuel, de la délivrance d’un titre de séjour en cette qualité sans se voir opposer la situation de  l’emploi en France, et à préciser les conditions d’application des dispositions de droit commun en  matière d’immigration professionnelle en cas de dépassement de ce contingent. Si elles ouvrent la  possibilité pour les ressortissants burkinabé qui rempliraient l’ensemble des conditions posées par  le b) de l’article 2.2, en cas de dépassement du contingent annuel, de bénéficier de l’application des dispositions de la législation nationale, elles n’ont pas pour objet ni pour effet de régir  entièrement la situation des ressortissants burkinabé pour l’accès au séjour en qualité de salarié. 

6. Par suite, les stipulations de l’accord entre la France et le Burkina Faso du  10 janvier 2009 n’excluent pas l’application de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour  des étrangers et du droit d’asile relatives à l’admission exceptionnelle au séjour aux ressortissants  burkinabé demandant un titre de séjour en qualité de salarié et ne remplissant pas les conditions  posées par le b) de l’article 2.2 de l’accord, notamment au regard de la liste des emplois énumérés  dans l’accord.  

7. Saisie d’une demande de régularisation présentée sur le fondement de l’article L. 435- 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il appartient à l’autorité  administrative de vérifier, dans un premier temps, si l’admission exceptionnelle au séjour par la  délivrance d’une carte portant la mention « vie privée et familiale » répond à des considérations  humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps,  s’il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d’une  carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ». Dans cette  dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d’une promesse d’embauche ou d’un contrat de  travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des « motifs  exceptionnels » exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l’autorité administrative, sous le contrôle  du juge, d’examiner, notamment, si la qualification, l’expérience et les diplômes de l’étranger ainsi  que les caractéristiques de l’emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation  personnelle dont l’étranger ferait état à l’appui de sa demande, tel que par exemple, l’ancienneté  de son séjour en France, peuvent constituer, en l’espèce, des motifs exceptionnels d’admission au  séjour. 

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme Y…, entrée régulièrement en France en  2015, a exercé la fonction d’ouvrière agricole de février à mai 2016 et de février à mars 2017, celle  de cueilleur de septembre à novembre 2016, puis celle d’employée polyvalente et d’animatrice en  juin 2017 et d’octobre 2018 à mars 2019. Par la suite, elle a été employée dans le cadre de contrats  à durée déterminée par la société Assa Recreamomes de mars à août 2019, puis a conclu avec  celle-ci un contrat à durée indéterminée à temps partiel le 2 septembre 2019. En parallèle, elle a  conclu un second contrat à durée indéterminée à temps partiel, le 18 novembre 2019, avec la SARL  SJSA. Ainsi, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement de l’intégralité des bulletins de  salaires fournis, qu’à la date de la décision attaquée, Mme Y… justifiait avoir exercé  différents emplois dans le cadre de contrats à durée déterminée de février 2016 à juillet 2019, et  deux emplois à temps partiel pour une quotité horaire hebdomadaire de 36 à 39 heures, depuis  trois ans et demi à cette même date. En outre, elle justifie avoir tissé de nombreux liens amicaux  en France du fait de son implication active dans les activités de la paroisse de Beaupréau et a  obtenu un certificat d’aptitudes professionnelles « petite enfance » le 4 novembre 2022. Dans ces  conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de  l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de  Maine-et-Loire a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.  

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de  la requête, la décision refusant à Mme Y… la délivrance d’un titre de séjour ainsi que, par  voie de conséquence, les autres décisions que comporte l’arrêté en litige doivent être annulées. 

10. L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de Maine-et-Loire délivre à Mme Y… un titre de séjour portant la mention « salarié ». Il y a lieu, dans  les circonstances de l’espèce, de lui enjoindre d’y procéder dans un délai d’un mois suivant la  notification du présent jugement.  

Sur les frais liés au litige

11. Mme Y… ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil  peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de  la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que  Me Seguin, avocat de Mme Y…, renonce à percevoir la somme correspondant à la part  contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros à ce titre". 


Denis Seguin

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit


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