Jugement du Tribunal administratif de Nantes (5ème chambre) du 13 avril 2023, n°2204980:
"...5.Il résulte de l’article 47 du code civil auquel renvoie l’article L 811 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la force probante d’un acte d’état civil établit à l’étranger, peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier et falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un tel acte, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Par ailleurs, il appartient à l’autorité administrative française de tenir compte, sauf à ce qu’il ait fait l’objet d’une déclaration d’inopposabilité par le juge judiciaire, ou a établir l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international, d’un jugement supplétif dont la transcription est assurée par un acte d’état civil.
6. Pour remettre en cause la force probante, au sens de l’article 47 du code civil, des documents produits par le demandeur pour justifier de son état civil, le préfet de Maine-et-Loire a indiqué que "ces documents ont fait l’objet d’une analyse documentaire par les services de la police aux frontières de la Loire-Atlantique qui, dans ses rapports simplifiés en date des 5 janvier 2019 et 24 mars 2021 ont émis des avis défavorables" dès lors que « l’acte de naissance est démuni de numérotation de souche par procédé typographique » ,que « la personnalisation de l’acte est non conforme par le non-respect de l’article 126 du code des personnes et de la famille malien », que « lors du contrôle de cohérence de l’acte de naissance et du jugement supplétif, il est constaté le non-respect de l’article 554 du code de procédure civile, commerciale et administrative » et que concernant la CNI, le rapport simplifié indique qu’il s’agit d’un document illégal, alors qu’il « ressort notamment de ce rapport que l’intéressé avait déjà produit en 2018 un acte de naissance illégal (falsifié) ». Dans son mémoire en défense virgule, le préfet de Maine-et-Loire précise que l’illégalité de la carte nationale d’identité présentée par le demandeur procède de ce qu’elle a été établie sur la base de documents d’état civil qui sont eux-mêmes illégaux et ajoutent que la carte consulaire produite à l’appui de la requête, a également été établie sur la base de ces mêmes documents.
7.
Ni la décision attaquée, ni le mémoire en défense, ni le rapport simplifié d’analyse
documentaire du 5 janvier 2019, établi par les services de la police aux
frontières de la Loire-Atlantique, dont le préfet se borne à reprendre les
conclusions n’explique en quoi l’absence de numérotation de souche, par procédé
typographique, constitue une irrégularité de nature à remettre en cause la
force probante des mentions de l’acte de naissance, lequel a été au surplus
établi sur la base d’un jugement supplétif d’actes de naissance alors par
ailleurs que l’acte de naissance produit correspond au volet numéro 3 de la
souche qui est remis au déclarant et qui comporte le numéro d’inscription dans
les registres de l’état civil du volet de la souche formalisant l’original de l’acte.
Si le préfet de Maine-et-Loire affirme par ailleurs, en reprenant une nouvelle
fois les conclusions du rapport simplifié d’analyses documentaires du 5 janvier
2019 établies par les services de la police aux frontières de la Loire-Atlantique,
que l’article 126 du code des personnes et de la famille malien et que l’article
554 du code de procédure civile, commerciale et administrative ont été méconnus,
ni la décision attaquée, ni le mémoire en défense, ni ce rapport ne précise
davantage les irrégularités alléguées, de sorte que celles-ci ne sont, en tout
état de cause, pas établies. Dans ces conditions, par la production combinée du
jugement supplétif d’acte de naissance numéro 4103 du 17 décembre 2018 rendu
par le tribunal civil de grande instance de la Communauté V du district de
Bamako indiquant que Monsieur K. est né le 6 octobre 2002 et du volet numéro 3
de l’acte de naissance se référant à ce jugement supplétif et qui a été
enregistré sous le numéro 123 1RG 25 2018 dans les registres de l’état civil du
centre secondaire de Kalaban Koura du district de Bamako, le 26 décembre 2018,le
requérant justifie de son identité. Ainsi, le motif tiré de l’absence de
justification de cette identité par le demandeur et de ce qu’il a bien été
confié à l’aide sociale à l’enfance entre 16 ans et 18 ans étant tâché
d'erreurs d'appréciation.
9.Le présent jugement annule la décision, refusant la délivrance à Monsieur K. d’une carte de séjour temporaire dès lors que la seule condition énoncée par l’article L.435-3 du code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile que le préfet de Maine-et-Loire a considéré comme n’étant pas rempli par l’intéressé doit être au contraire regardée comme satisfaite. Par ailleurs, cette autorité reconnaît que les autres conditions mentionnées par les dispositions précitées de cet article sont respectées en l’espèce. Dans ces circonstances, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’un changement de circonstances serait intervenu depuis la décision annulée, le présent jugement implique nécessairement la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en conséquence. Il y a lieu en application de l’article L 911 un du code de justice administrative d’enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de délivrer cette autorisation de séjour dans le délai d’un mois à compter de la notification de ce jugement".
Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
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