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Sénégal Homosexualité Statut de réfugié


CNDA, 24 décembre 2021, n°21014690, 3ème section, 1ère chambre,


"...2. Un groupe social est, au sens des dispositions de la Convention de Genève constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et alors conscience auquel il ne peut leur être demandé de renoncer et une identité propres perçu comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. En fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, en raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de c'est disposition. Il convient, dès lors, dans l'hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié en raison de son orientation sexuelle, d'apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d'assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle un groupe social du fait de regard que porte sur ces personnes la société environnante où les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d'être persécution être persécuté du fait même de leur appartenance à ce groupe. 

3. Il résulte de ce qui précède que l'octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l'appartenance à un groupe social fondée sur une orientation sexuelle commune ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié. D'une part, le groupe social n'est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l'existence objectif de caractéristiques qu'on leur prête mais par le regard que porte sur ces personnes la société environnante ou les institutions. D'autre part, il est exclu que le demandeur d'asile doivent, pour éviter le risque de persécution dans son pays d'origine, dissimuler son homosexualité où faire preuve de réserves dans l'expression de son orientation sexuelle. L'existence d'une législation pénale qui réprime spécifiquement les personnes homosexuelles permet de constater que ces personnes doivent être considéré comme formant un certain groupe social. L'absence d'une telle législation ne suffit pas à établir que ces personnes ne subissent pas de persécution en raison de leur orientation sexuelle. Des persécutions peuvent en effet être exercées sur les membres du groupe social considéré sous couvert de dispositions de droit commun abusivement appliquées ou par des comportements émanant des autorités ou encouragés, favorisés ou même simplement tolérés par celles-ci.

 

4.Il ressort des sources publiques que l'homosexualité est pénalisée au Sénégal. Ainsi, d'après le rapport du département d'État des États-Unis concernant les droits de l'homme au Sénégal publié en 2020, les relations homosexuelles sont interdites et punies dans ce pays, en vertu de l'article 319 du code pénal, d'une peine d'un an à cinq ans  d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 à 1 500 000 francs FA.
Cette disposition est effectivement appliquée, des cas de poursuites et des arrestations ayant été recensés ces dernières années, comme en témoigne une communication de Human Rights Watche au Comité des doits économiques, sociaux et culturels, datée du 15 janvier 2019, laquelle évoque trente huit cas d'arrestations sur des motifs d'orientation sexuelle au titre de l'article susmentionné, entre 2011 et 2016. Les sources publiques disponibles s'accordent à dire que de manière générale, l'homosexualité est perçue de manière particulièrement négative par la société sénégalaise. Ainsi, il est habituel que les homosexuels soient victimes de violences, y compris de la part de leur propre famille, de menaces, voire de viols, comme le rapporte l'article intitulé "Nous sommes des personnes à abattre";"le sort des homosexuels s'aggrave au Sénégal", publié par France Inter le 23 mai 2021. Dans ces conditions, les homosexuels sénégalais constituent un groupe social dont la caractéristique essentielle, à laquelle ils ne peuvent renoncer est leur orientation sexuelle, et dont l'identité propre est perçue comme étant différente par la société environnante et par les institutions sénégalaises.

6. Les explications personnalisées et circonstanciées de Mr C. notamment à l'audience ont permis de tenir pour établie son orientation sexuelle et les persécutions qui en ont résulté. Il a décrit de façon précise son entourage familial et ses conditions de vie durant son enfance et son adolescence. C'est de manière concrète qu'il a fait part de la prise de conscience de son homosexualité et des relations qu'il a entretenues avec des camarades de classe au cours de sa scolarité. Ses propos relatifs à la résolution de s conflit entre son orientation sexuelle et son éducation musulmane se sont révélés tout aussi pertinents et crédibles. En outre, il a apporté des indications précises sur les circonstances dans lesquelles son oncle et sa tante ont découvert son homosexualité, de même que sur ses conditions de vie actuelles, en particulier la manière dont il a rencontré d'autres hommes depuis son arrivée en France. A cet égard, il a spontanément cité le nom d'applications de rencontre qu'il utilise à cet effet...
La persistance de risques, actuellement pour les personnes homosexuelles au Sénégal, constituent un indice sérieux que le requérant puisse être persécuté en cas de retour dans son pays..."



La qualité de réfugié est reconnue  à Mr C...


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