lundi 20 décembre 2021

Tchad Excision Groupe social

 CNDA, 17 décembre 2021, 6ème section, 4ème chambre, n°20046184:"Les possibilités de protection pour les victimes de MGF au Tchad demeurent limitées, législation en vigueur n'étant pas appliquée. Ainsi, il peut être considéré que l'excision             s'apparente au sein des communautés arabes à une norme sociale et que les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève..."


cf également, CNDA, 5ème section, 3ème chambre,  12 janvier 2021 n°19010484, n°19010598, n°19010726:

"...5. Un groupe social est, au sens de l'article 1er A,2 de la convention de Genève précité, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. L'appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou s'ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe.

6. Il en résulte que, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants non mutilés constituent de ce fait un groupe social. Dès lors, l'existence de ce groupe social ne dépend pas du nombre des personnes qui le composent mais du regard porté par la société environnante et les institutions sur les personnes appartenant à ce groupe, l'observation des variations des taux de prévalence des mutilations sexuelles féminines parmi les populations d'un pays, qui a pour seul objet de mesurer la présence et l'évolution de ce fait social objectif au sein de ces populations, permet d'établir, parmi d'autres facteurs géographiques, ethniques, culturels, sociaux ou familiaux, le lien éventuel entre cette persécution et l'appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées. ll appartient ainsi à une personne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de refugiée en se prévalant de son appartenance à  ce groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu'elle encourt personnellement de manière à permettre à l'OFPRA et, le cas échéant, au juge de l'asile d'apprécier le bien-fondé de sa demande.

7. Au Tchad, bien que les MGF soient pénalisées par la loi n°006/PR/2002 du 15 avril 2002 portant promotion de la santé de reproduction et l'article 318 du code pénal issu de la loi n°2017-01 du 8 mai 2017, la pratique perdure. En effet, si le rapport de novembre 2019 de l'organisation non gouvernementale 28 Too Many et l'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples au Tchad (EDS-MICS) de 2014-2015 révélaient que les taux de prévalence des MGF avaient sensiblement diminué au Tcahd, les pratiques demeurent encore très répandues au sein de plusieurs communautés. Le taux de prévalence de l'excision est d'environ 38 % au niveau national mais varie considérablement selon les régions et les communautés, pouvant aller de 1 à 96 %. Il ressort en outre de l'enquête démographique et de santé à indicateurs multiples pour le Tchad de mai 2016 que le taux de prévalence de l'excision en milieu urbain plus particulièrement à N'Djamena est de 40 %. Toutefois, pour les tribus arabes, le taux de prévalence de l'excision est de  85,4 % et s'agissant de la région du Ouaddaï d'où le père de MMes H... et F... est originaire, celle-ci est l'une des régions au plus fort taux de prévalence des MGF avec un taux de 82 %. Selon un article de Radio France Internationale du 12 septembre 2020, intitulé "Bien qu'interdits, les cas d'excision se multiplient au Tchad", l'Eglise catholique tchadienne et la Commission nationale des droits de l'homme se sont alarmées de la recrudescence de la pratique des MGF dans le pays et de ce que "les autorités semblent se désintéresser du sujet", ayant "préféré la pédagogie à la sanction". De fait, le droit coutumier et le droit musulman s'appliquent concuremment avec le droit écrit, et régissent la plupart des aspects de la vie familiale et le statut de la femme, notamment les MGF...



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