Accéder au contenu principal

Somalie Statut de réfugié Jilib Opinions politiques imputées Persécutions milices Al-Shabab

 CNDA, 1ère section, 1ère chambre, 17 décembre 2021, n°21045518:

".3. En premier lieu, les pièces du dossier ainsi que les déclarations circonstanciées et personnalisées faites en audience publique devant la Cour par Mr M.ont permis d'établir sa nationalité somalienne, sa provenance du Moyen-Djouba et de tenir pour fondées ses craintes de persécutions par la milice Al-Shabaab à son encontre à raison des opinions politiques qui lui sont imputées. En premier lieu, le requérant a livré des informations précises et corroborées par les cartes publiques disponibles, tant lors de son audition de l'Office qu'en audience devant la Cour, sur son environnement géographique, dont il a cité plusieurs villages des environs en rapport avec son histoire personnelle. L'appartenance du requérant au clan sheekhal (sheikhal)a pu également être établie au vu de la forte présence de ce clan à Jilib, selon les sources disponibles d'information, et au vu de ses explications précises, notamment sur les difficultés rencontrées avec la milice extrémiste Al-Shabaab par certains membres de ce clan qui a un statut religieux par héritage mais qui pratique un islam modéré soufi. Concernant son environnement sécuritaire, le requérant a décrit en des termes précis les conséquences sur la vie quotidienne de sa famille du contrôle de Jilib par la milice Al-Shabaab depuis 2007, qui est attesté par les sources publiques, notamment le rapport intitulé "Somalia-Southern regions" publié en septembre 2013 par Conflict Early Warning Reponse Unit (CEWERU)et les rapports du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) sur la situation sécuritaire en Somalie publiés successivement en 2014,2016,2017 et 2021, qui soulignent que Jilib est l'un des bastions de la milice de 2007 à ce jour.

4. En second lieu, le requérant a décrit en des termes précis les pressions exercées  par la milice Al-Shabaab sur les activités économiques de sa famille. Il a en outre exposé de façon personnalisée les circonstances dans lesquelles son frère aîné a été recruté de force par la milice et les recherches faites, en vain, par son père, désespéré pour tenter en vain de retrouver son fils aîné. Il a, en outre, exposé en termes convaincants ses profondes divergences avec la milice sur son rapport à la religion, la pratique d'un islam soufi par sa famille, opposée au fanatisme des Al-Shabaab. A cet égard, ses explications son apparues plausibles au vu des informations contextuelles issues notamment du rapport de l'EASO sur la Somalie centrale et méridionale de 2014 selon lequel "les Ashraf et les Sheikhal sont généralement respectés et protégés comme chefs religieux modérés par les clans parmi lesquels ils vivent". Il a ensuite rapporté en des termes précis et constants les circonstances dans lesquelles il a été recruté de force au début de l'année 2018 par des miliciens Al-Shabaab  ainsi que l'endoctrinement dont il  fait l'objet pendant les trois semaines suivantes. Les propos du requérant relatifs aux circonstances de sa fuite du camp en 2018, à la faveur d'un bombardement aérien contre son camp sont apparues plausibles au vu des informations contextuelles. A cet égard, en effet, les rapports du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) sur la situation sécuritaire en Somalie publiés en 2017 et 2021, indiquent que la majeure partie des incidents de sécurité dans le Moyen-Djouba, et dans le district de Jilib en particulier, sont liés à l'activité anti-insurrectionnelle ciblant la milice Al-Shabaab sous forme d'attaques aériennes des forces armées américaines. Enfin le requérant a fait valoir en termes convaincants ses craintes d'être victime de représailles en cas de retour en Somalie de la part de la milice Al-Shabaab en tant que déserteur. Sur ce point, les sources publiques, notamment le rapport EASO intitulé "Somalia-Target profiles", publié en septembre 2021, souligne que les insoumis et déserteurs des rangs d'Al-Shabaab sont exposés au risque d'exécution sommaire. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mr M.craint avec raison...d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputées par la milice Al-Shabaab sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités".

C'est donc le statut de réfugié qui est reconnu à notre client.


Denis SEGUIN

Avocat 

Docteur en droit

Spécialiste en droit des étrangers


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Mariage ou naissance après une OQTF

  C'est un schéma assez classique. Une personne étrangère a conclu un PACS avec une personne de nationalité française. Elle demande la délivrance d'un titre de séjour en tant que concubin d'une personne française. La préfecture refuse au motif que le PACS est récent. Elle refuse avec un OQTF (obligation de quitter le territoire français). Un recours est formé devant le Tribunal administratif. En cours de procédure, les personnes concernées se marient. Et le conjoint de français a droit à un titre de séjour précisément en sa qualité de conjoint de français (étant précisé qu'il faut quand même un visa de long séjour sauf cas particulier). Attention: le mariage postérieur à l'OQTF est sans incidence sur la légalité de la décision. Mais il peut être de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement. Le contentieux est ce que l'on appelle le contentieux de l'excès de pouvoir: le juge peut tenir compte de circonstances intervenues postéri...

Refus de séjour et OQTF annulation article 8 cedh, 20 ans de présence en France

Par un jugement du 15 septembre 2021 n°2008762 , le Tribunal administratif de Nantes annule un refus de séjour et donc l'obligation de quitter le territoire français du 5 août 2020 concernant un ressortissant camerounais, entré en France à l'âge de 12 ans. Le tribunal a visé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. §3. " Il ressort des pièces du dossier que Mr A.S est entré sur le territoire français à l'âge de 12 ans et s'y est maintenu, qu'il y a bénéficié d'une carte de séjour temporaire, le 23 janvier 2009, à l'âge de 20 ans renouvelée, jusqu'au 21 février 2013. Il en ressort également que si le préfet de Maine-et-Loire soutient, sans être contesté que la demande de renouvellement de sa carte de séjour, formulée par le requérant en 2013, a été classée sans suite faute pour Mr A.S d'avoir complété son dossier, l'intéressé fournit la preuve de sa ...

Refus de séjour OQTF Menace à l'ordre public Incarcération Article 8 droit au respect de la vie privée et familiale

  TRIBUNAL ADMINISTRATIF  DE NANTES  N° 2420046  22 janvier 2025  _ “...Considérant ce qui suit :   1. M. M…, ressortissant mauritanien, né le 31 décembre 1993 est entré  régulièrement en France le 23 juin 2006 lorsqu’il était mineur. Il s’est vu délivrer à sa majorité une  carte de résident valable du 12 avril 2012 au 11 avril 2022. Par un arrêté du 26 septembre 2022, le  préfet de Maine-et-Loire a refusé de renouveler sa carte de résident et lui a accordé un titre de  séjour temporaire valable du 10 août 2022 au 9 août 2023. Le 19 octobre 2023, M. M a  sollicité le renouvellement de son titre de séjour « vie privée et familiale », lequel a été refusé par  un arrêté du 12 décembre 2024 du préfet de Maine-et-Loire, assorti d’une obligation de quitter le  territoire sans délai et d’une interdiction de retour de six mois. Par la présente requête, M. M demande au tribunal d’annuler cet arrêté du 12 décembre 2024. ...