mercredi 24 janvier 2024

Dublin Allemagne femme enceinte Erreur manifeste d'appréciation

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N° 2400480, 2400482 M. IY Mme F Décision du 24 janvier 2024 _ 

 “….Sur les conclusions aux fins d’annulation : 2. M. Ibrahim Y, ressortissant sierra-léonais né le 27 août 1998 et Mme Fanta Y, ressortissante sierra-léonaise née le 5 juin 2000, déclarent être entrés en France le 31 octobre 2023. Le 10 novembre 2023, leurs demandes d’asile ont été enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales des intéressés a révélé qu’ils avaient préalablement présenté une demande de protection internationale en Allemagne respectivement sous les numéros DE1221201NUR00652 et DE1221201NUR00702, où ils avaient été identifiés en ce sens le 1er décembre 2022 et qu’ils avaient préalablement séjourné en Italie où leurs empreintes ont été relevées respectivement sous les numéro IT2AG06TYC et IT2AG06TYD le 20 octobre 2022. Saisies par les autorités françaises le 13 novembre 2023, les autorités italiennes ont refusé de prendre en charge les intéressés par réponse du 5 décembre 2023. Saisies le 13 novembre 2023, les autorités allemandes ont accepté leur responsabilité par accord explicite des 15 et 16 novembre 2023. Par deux arrêtés du 20 décembre 2023, dont M. et Mme Y, chacun en ce qui les concernent, demandent l’annulation, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités allemandes pour l’examen de leurs demandes d’asile. 3. Aux termes de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : « 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (…) / Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable/ (…) ». L’application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l’article 17 du même règlement, aux termes duquel : « 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L’État membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l’État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (…) ». La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d’asile. 4. Il ressort des pièces du dossier que les intéressés sont présents en France avec leurs deux enfants âgés de 3 et 1 an. Il ressort également du certificat médical établi le 10 janvier 2024 par une sage-femme du service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier universitaire d’Angers que Mme Y présente un état de grossesse dont le terme est prévu le 6 mars 2024. Il n’est pas soutenu que M. Y ne serait pas le père de l’enfant à naître. Dans les circonstances particulières de l’espèce, en ne faisant pas usage de la faculté d’instruire en France la demande d’asile des intéressées alors que Mme Y présente un état de grossesse avancé et que son époux et leurs jeunes enfants sont présents en France à ses côtés, le préfet de Maine-et-Loire a entaché ses décisions d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que M. et Mme Yillah sont fondés à demander l’annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 20 décembre 2023 portant transfert auprès des autorités allemandes Sur les conclusions à fin d’injonction sous astreinte : 6. Eu égard au motif d’annulation retenu dans le présent jugement, l’exécution de ce dernier implique qu’il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire d’enregistrer les demandes d’asile de M. et Mme Y en procédure normale et de leur délivrer une attestation de demande d’asile. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d’y procéder dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement. Sur les conclusions présentées au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. M. et Mme Y ont obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Seguin, conseil de M. et Mme Y..."



Denis SEGUIN
Avocat
Spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit.

lundi 15 janvier 2024

Réunification familiale Afghanistan retours en Afghanistan

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF 

DE NANTES 

N° 2308955 


15 janvier 2024 


(10ème chambre)


Considérant ce qui suit : 

“1. M. A…, ressortissant afghan, s’est vu accorder en France le bénéfice de la  protection subsidiaire par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides  (OFPRA) du 24 avril 2018. Des visas d’entrée et de long séjour en France au titre de la  réunification familiale ont été sollicités auprès de l’ambassade de France en Iran pour Mme B  A, M Aet M Adl A, se présentant  respectivement comme son épouse et leurs deux enfants. Ces visas leur ont été refusés par des  décisions du 2 mars 2023. Saisie d’un recours administratif préalable obligatoire formé contre  ces décisions consulaires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée  en France a, à son tour, implicitement refusé de délivrer les visas sollicités par une décision née  le 27 mai 2023, dont les requérants demandent l’annulation au tribunal. 

Sur les conclusions à fin d’annulation

2. Aux termes de l’article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du  droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant  étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la  protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la 

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réunification familiale : /1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union  civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date  d'introduction de sa demande d'asile ; / (…) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant  pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (…) ». Aux termes des dispositions de l’article  L. 561-4 du même code : « Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la  protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une  durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur  cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant  de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection  subsidiaire (…) ». Aux termes des dispositions de l’article L. 561-5 de ce code : « Les membres  de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer  en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des  autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais.  Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux  avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil  ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1  du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des  réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre  de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession  d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à  inscription de faux ». 

3. Il ressort de l’accusé de réception de la commission de recours que la décision  contestée doit être regardée comme fondée sur le même motif que les refus consulaires, à savoir :  « En application de l’article L. 561-5 du CESEDA, vos déclarations conduisent à conclure à une  tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale. ». Le ministre de  l’intérieur et des outre-mer précise le motif opposé en défense en faisant valoir que les demandes  de visas ont perdu leur objet, dès lors qu’une procédure de retrait de la protection subsidiaire a  été engagée à l’encontre du réunifiant.  

4. Pour justifier de l’identité des demandeurs de visas et de leurs liens familiaux  allégués avec le réunifiant, M. et Mme A produisent plusieurs documents d’état civil,  dont le caractère probant n’est pas contesté par le ministre, à savoir la copie d’une fiche d’état  civil datée du 28 octobre 2018 et d’une carte d’enregistrement de naissance datée du 5 janvier  2020, faisant état de la naissance de Mme B A A le 28 octobre 1993 à Logar, une  carte nationale d’identité ainsi qu’une fiche d’état civil faisant état de la naissance du jeune  Mustapha A le 10 septembre 1993 à Logar, et une fiche d’état civil ainsi qu’un acte de  naissance faisant état de la naissance du jeune Mohammad Al A le 7 novembre 2021 à  Logar. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. A a constamment déclaré,  dans son formulaire de demande d’asile comme dans sa fiche familiale de référence, Mme  A comme son épouse et le jeune Mustapha A comme son enfant. Le ministre de  l’intérieur et des outre-mer fait toutefois valoir que la protection dont bénéficiait en France M.  A serait devenue caduque, celui-ci ayant reconnu avoir séjourné en Afghanistan entre les  5 janvier et 5 mai 2021. Toutefois, s’il est constant que M. A a bien séjourné dans son  pays d’origine à ces dates, il n’en demeure pas moins que le courrier que lui a adressé l’OFPRA  le 24 juillet 2023 n’indique pas que le bénéfice de la protection subsidiaire lui aurait été retiré.  Par suite, à la date de la décision attaquée, celui-ci était toujours titulaire d’une protection  internationale et son droit au bénéfice de la réunification familiale n’était pas caduque. Dans ces  conditions, M. et Mme A sont fondés à soutenir que la décision contestée est entachée  d’une erreur d’appréciation. 


5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres  moyens de la requête, que les requérants sont fondés à demander l’annulation de la décision  attaquée. 

Sur les conclusions à fin d’injonction

6. Eu égard à ses motifs, le présent jugement implique nécessairement que des visas  d’entrée et de long séjour soient délivrés à Mme A   ainsi qu’à ses enfants. Par suite, il y a  lieu d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer de faire délivrer à Mme A  ainsi qu’à Mustapha A et à Mohammad A A les visas de long séjour  sollicités, dans un délai de deux mois à compter de sa notification”.  

Sur les frais d’instance


A la date de la décision attaquée, il n’existait aucune décision de l’OFPRA retirant la protection subsidiaire. L’article L.512-3 du Ceseda prévoit les cas dans lesquels l’OFPRA peut mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire. L’article L.562-1 du code précité précise que lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire, il en informe par écrit la personne concernée de l’engagement de cette procédure ainsi que de ses motifs. La personne concernée peut ainsi présenter ses observations écrites avant qu’une décision ne soit prise par l’OFPRA. L’article L.562-3 du Ceseda précise que la décision de l’OFPRA de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire est notifiée avec l’indication des voies de recours (devant la Cour nationale du droit d’asile). S’il existe des motifs de renonciation implicite au statut de réfugié, tels que le retour volontaire dans le pays d'origine afin d'établissement (Conv. de Genève 28 juill. 1951, art. 1er, C, 4), ces motifs de cessation ne sont pas en tant que telles opposables aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (CE, 25 mai 2022, n° 451863 CNDA, 14 nov. 2018, n° 18009542). Il est donc inexact de dire que protection reconnue au requérant serait devenue caduque. En l’espèce, le Ministre de l’Intérieur ne démontre pas que la procédure décrite ci-dessus aurait été engagée, ni d’ailleurs que les conditions de fond seraient réunies pour un retrait de la protection. Par ailleurs, si le Ministre de l’Intérieur affirme qu’une procédure de retrait de la protection subsidiaire aurait été engagée par l’OFPRA, aucune décision n’a été prise par l’OFPRA, ni même aucune lettre d’information prévue par l’article L.562-1 précité. La seule lettre reçue à ce jour par le requérant émanant de l’OFPRA est une lettre du 24 juillet 2023. Cette lettre rappelle certes que l’intéressé a séjourné en Afghanistan pendant 4 mois (pour rendre visite à sa mère qui était gravement malade). Mais, en l’état, l’OFPRA n’a pas pris de décision de retrait, ni même engagé une telle procédure à l’encontre du requérant.

Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...