lundi 25 janvier 2021

#référémesuresutiles #apatride #OFPRA

 

Par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun en date du 22 janvier 2021 n°2100058, il a été enjoint à l'OFPRA de statuer sur la demande de statut d'apatride dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance.


Selon l'ordonnance:"...3. il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté par l'OFPRA , que Mr. M... a formé une demande tendant à obtenir le statut d'apatride le 30 mars 2018. Il a été convoqué à un entretien le 28 mars 2019, et à la suite de sa demande de communication des motifs de la décision de rejet implicite, l'OFPRA s'est borné à lui indiquer le 26 octobre 2020 que sa demande était toujours en cours d'instruction, sans autre précision. Mr.M...demande au juge des référés d'enjoindre à l'OFPRA de statuer sur sa demande.....

4. Saisi sur le fondement de l'article L.521-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut prononcer toute mesure, à condition que l'urgence le justifie, qu'elle soit utile et ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Celle consistant à ordonner à l'OFPRA de statuer, dans un délai prescrit par le juge et sous astreinte, sur une demande de statut d'apatride, ne fait en principe aucun obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, et peut être regardée comme utile, dans la mesure où le silence gardé par l'administration ne peut faire naître aucune décision administrative dont en cas d'urgence le juge des référés pourrait être saisi en application de l'article L.521-2 du code de justice administrative. En l'absence d'autres voies de droit permettant au demandeur de statut d'apatride d'obtenir qu'il soit remédié à cette situation, cette mesure relève en conséquence de celles qu'il appartient au juge des référés statuant par application de l'article L.521-3 de prononcer, si l'urgence le justifie.

5. Aucune autre voie de recours, en l'absence de décision implicite née de sa demande, ne permet à  Mr.M...de voir sa demande examinée par l'OFPRA, et la mesure demandée est ainsi utile. L'attente, depuis près de trois ans, qui excède le délai raisonnable d'instruction d'une telle demande, et qui prive l'intéressé des droits statutaires qu'il tiendrait de la qualité d'apatride, suffit à regarder l'urgence comme constituée alors que l'OFPRA, qui n'a pas défendu dans la présente instance ne fait valoir aucun élément permettant d'expliquer de tels délais. Enfin, la mesure demandée ne fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'OFPRA de statuer sur la demande de Mr.M...dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin, à ce stade, d'ordonner une astreinte...."


Note:


Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative: " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais".

 

Selon l’article L.521-3 du code de justice administrative: “En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative”.


L'article L.582-3 (anc.812-3) du Ceseda prévoit  que : « L'Office français de protection des réfugiés et apatrides notifie par écrit sa décision au demandeur du statut d'apatride, par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur. Toute décision de rejet est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.

Aucune décision sur une demande de statut d'apatride ne peut naître du silence gardé par l'office ».


La jurisprudence a précisé que (CE, 8 juillet 2011, n°343901): …“Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut prononcer toute mesure, à condition que l'urgence le justifie, qu'elle soit utile et ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ; que celle consistant à ordonner à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de statuer, dans un délai prescrit par le juge et sous astreinte, sur une demande d'asile, ne fait en principe obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, et peut être regardée comme utile, dans la mesure où le silence gardé par l'administration ne peut faire naître aucune décision administrative dont en cas d'urgence le juge des référés pourrait être saisi en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'en l'absence d'autres voies de droit permettant au demandeur d'asile d'obtenir qu'il soit remédié à cette situation, cette mesure relève en conséquence de celles qu'il appartient au juge des référés statuant par application de l'article L. 521-3 de prononcer, si l'urgence le justifie ; qu'ainsi le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en écartant comme manifestement irrecevable, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, la demande de M. A tendant à ce qu'il soit ordonné, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de prendre une décision concernant sa demande de statut de réfugié ; qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée…”.

 

mercredi 13 janvier 2021

#groupesocial #Tchad #excision #réfugié

 CNDA, 5ème section, 3ème chambre,  12 janvier 2021 n°19010484, n°19010598, n°19010726:


"...5. Un groupe social est, au sens de l'article 1er A,2 de la convention de Genève précité, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. L'appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou s'ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe.

6. Il en résulte que, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants non mutilés constituent de ce fait un groupe social. Dès lors, l'existence de ce groupe social ne dépend pas du nombre des personnes qui le composent mais du regard porté par la société environnante et les institutions sur les personnes appartenant à ce groupe, l'observation des variations des taux de prévalence des mutilations sexuelles féminines parmi les populations d'un pays, qui a pour seul objet de mesurer la présence et l'évolution de ce fait social objectif au sein de ces populations, permet d'établir, parmi d'autres facteurs géographiques, ethniques, culturels, sociaux ou familiaux, le lien éventuel entre cette persécution et l'appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées. ll appartient ainsi à une personne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de refugiée en se prévalant de son appartenance à  ce groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu'elle encourt personnellement de manière à permettre à l'OFPRA et, le cas échéant, au juge de l'asile d'apprécier le bien-fondé de sa demande.

7. Au Tchad, bien que les MGF soient pénalisées par la loi n°006/PR/2002 du 15 avril 2002 portant promotion de la santé de reproduction et l'article 318 du code pénal issu de la loi n°2017-01 du 8 mai 2017, la pratique perdure. En effet, si le rapport de novembre 2019 de l'organisation non gouvernementale 28 Too Many et l'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples au Tchad (EDS-MICS) de 2014-2015 révélaient que les taux de prévalence des MGF avaient sensiblement diminué au Tcahd, les pratiques demeurent encore très répandues au sein de plusieurs communautés. Le taux de prévalence de l'excision est d'environ 38 % au niveau national mais varie considérablement selon les régions et les communautés, pouvant aller de 1 à 96 %. Il ressort en outre de l'enquête démographique et de santé à indicateurs multiples pour le Tchad de mai 2016 que le taux de prévalence de l'excision en milieu urbain plus particulièrement à N'Djamena est de 40 %. Toutefois, pour les tribus arabes, le taux de prévalence de l'excision est de  85,4 % et s'agissant de la région du Ouaddaï d'où le père de MMes H... et F... est originaire, celle-ci est l'une des régions au plus fort taux de prévalence des MGF avec un taux de 82 %. Selon un article de Radio France Internationale du 12 septembre 2020, intitulé "Bien qu'interdits, les cas d'excision se multiplient au Tchad", l'Eglise catholique tchadienne et la Commission nationale des droits de l'homme se sont alarmées de la recrudescence de la pratique des MGF dans le pays et de ce que "les autorités semblent se désintéresser du sujet", ayant "préféré la pédagogie à la sanction". De fait, le droit coutumier et le droit musulman s'appliquent concuremment avec le droit écrit, et régissent la plupart des aspects de la vie familiale et le statut de la femme, notamment les MGF...

8. En l'espèce, les déclarations de Mme D..., agissant en qualité de représentante légale de ses filles, ont permis de déterminer précisément l'environnement familial, géographique et sociologique de celles-ci. Elle a ainsi précisé l'attachement de la mère de son époux et de sa propre famille à la pratique de l'excision, pratique dont elle a elle-même été victime comme en atteste un certificat médical du 22 janvier 2019 établi par un praticien hospitalier à Angers, qui fait état de son excision de type I. De plus, son opposition à cette pratique, liée en particulier aux séquelles de cette mutilation qu'elle subit, a été exposée de manière suffisamment précise et crédible, et correspond par ailleurs à l'opinion de plus de 45 % des femmes tchadiennes âgées entre 15 et 49 ans ainsi que cela résulte du rapport de 28 Too Many cité au point 7. Dans ce contexte, et compte tenu des incertitudes entachant l'attitude de leur père, il doit être admis que Mmes H... et F... qui n'avaient pas fait l'objet d'une MGF à la date du dernier certificat médical produit, s'exposent à des persécutions en cas de retour au Tchad en raison de leur appartenance au groupe social des filles exposées à une mutilation sexuelle féminine, sans pouvoir se prévaloir utilement de la protection des autorités tchadiennes. Dès lors, elles sont fondées à se prévaloir de la qualité de réfugiée..."


Dans le même sens:

CNDA, 17 décembre 2021, 6ème section, 4ème chambre, n°20046184


cf aussi:

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2018/07/groupe-social-tchad-excision-statut-de.html



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit


#protectionsubsidiaire #isolement #vulnérabilité #BasShabelle #Somalie

 Décision de la CNDA du 8 janvier 2021 n°20004724:


"4. Il ressort des pièces du dossier et des déclarations concordantes faites en audience par Mme B...que sa provenance de la région de Bas Shabelle et les faits à l'origine de son départ d'Afgoye sont tenus pour établis. En effet, elle a été en mesure de préciser le nom de plusieurs quartiers de la ville, et a en outre, tenu des propos personnalisés sur la localisation des principaux points d'intérêts de sa vie quotidienne, ainsi que des ouvrages religieux et administratifs présents dans cette localité. Elle a également été en mesure de citer les clans implantés dans la région et a livré des précisions exactes sur le lignage de son clan.

Par ailleurs, elle a tenu des propos cohérents sur les conditions d'ouverture de son échoppe, qui a coïncidé avec le départ de la milice Al Shabab de la ville, et sur les taxes qu'elle a été contrainte de payer à des milices issues de clans majoritaires. Interrogée sur l'origine du conflit avec une famille commerçante membre du clan des Hawiye, à partir de 2016, elle a tenu des propos étayés, revenant spontanément sur l'implication d'un des serveurs dans l'empoisonnement de plusieurs de ses clients et sur les circonstances entourant l'assassinat de son père. Par ailleurs, elle a utilement expliqué avoir vainement cherché de l'aide auprès des autorités traditionnelles et ne jamais avoir cherché à bénéficier d'une protection efficiente des autorités officielles, ce que confirme le rapport de l'Observatory on Conflict and violence prevention sur l'évaluation des conflits et de la sécurité dans le district d'Afgoye, paru en septembre 2015, lequel souligne qu'il n'existait qu'un seul poste de police desservant la ville et ses alentours, et que, proportionnellement à la taille et à la population du district, ni le nombre de postes ni le nombre de policiers n'étaient suffisants pour assurer une sécurité efficace à la population. Enfin, les modalités entourant sa fuite de Somalie ont été l'objet d'un récit exhaustif, et ses explications sur son isolement et sa vulnérabilité en cas de retour en Somalie ont été clairement exprimées.

...elle est recherchée par des personnes privées non pas en raison de son appartenance clanique mais suite à l'empoisonnement de plusieurs de ses clients, il résulte de ce qui précède qu'elle courrait un risque réel, en cas de retour dans son pays d'origine, de subir une atteinte grave de la part des membres des familles des personnes empoisonnées...".


Précisons que Mme B...est membre d'un clan minoritaire des Ashraf, sous clan Hussein.

C'est la protection subsidiaire qui est accordée, au visa de l'article L.712-1 b.



Denis SEGUIN

Avocat

Spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit




#réfugié #Somalie #mariageforcé #groupesocial

 Décision de la CNDA du 8 janvier 2021 n°20003789:

"...4.Il ressort des sources d'information disponibles, notamment du rapport de LaindInfo, Country of Origin Information Centre du 6 juillet 2012 intitulé "Somalia: Al Shabbab and forced mariage" et d'une note de la commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 20 septembre 2007, "Somalie: fréquence des mariages forcés ou arrangés en Somalie; conséquences encourues par une femme qui refuse un mariage forcé ou arrangé", sources qui sont toujours d'actualité, que la pratique du mariage forcé, dont la frontière avec le mariage arrangé apparait très ténue, demeure prégnante, en particulier dans les zones contrôlées par les Shabab, et que, bien que prohibée par la loi, la pratique des mariages imposés persiste en Somalie. A cet égard, les femmes qui refusent de se soumettre à cette pratique risquent des persécutions de la part de leur propre famille ou de leur prétendant, sans pouvoir se prévaloir utilement de la protection des autorités. Dès lors, il apparait que les femmes victimes d'un mariage imposé en Somalie constituent un groupe social au sens de la convention de Genève et sont susceptibles d'être exposées, de ce fait, à des persécutions............................

5...Il résulte de ce qui précède que Mme H...craint avec raison, d'être persécutée en cas de retour dans son pays en raison de son appartenance au groupe social des femmes somaliennes qui se sont soustraites à un mariage imposé. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée..."




cf aussi: 

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2019/10/guinee-mariageforce-cnda.html

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2020/02/tchad-groupesocial-mariageimpose.html


Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit 


#réfugié #Afghanistan #chiite

CNDA 28 décembre 2020, n°19008168:

--
"3. Les déclarations précises, spontanées et empreintes de vécu de Mr H.,

 notamment lors de l'audience, ont permis de tenir pour établis sa

 nationalité afghane, son appartenance à la communauté chiite

 ainsi que les évènements à l'origine de son départ d'Afghanistan.

En particulier l'intéressé a livré des propos étayés au sujet de son

 parcours familial et des circonstances dans lesquelles ses parents,

 originaires de la province de Wardak, se sont installés en Iran pour

fuir la guerre. Il est également revenu avec précision sur les conditions

 dans lesquelles il est retourné une première fois en Afghanistan

 avec sa famille en 2007, ainsi que sur les circonstances

dans lesquelles il y a été expulsé par les autorités iraniennes

en 2013. Mr H... a également livré des propos substantiels

au sujet de l'implantation de sa famille maternelle en Afghanistan,

 a fait montre d'une connaissance étayée de la capitale afghane ,

en revenant notamment sur la composition ethnique de ses différents quartiers.

En outre, l'intéressé est revenu avec précision sur les circonstances

dans lesquelles son père a été assassiné par les taliban, après avoir vu

 ces derniers cacher des armes dans une maison et les avoir dénoncés

à la police. Le pillage du domicile familial lors des funérailles de son père

 a également fait l'objet de propos spontanés et étayés. Interrogé

 sur la probabilité qu'il puisse être reconnu par les taliban, près de treize ans

après les faits, alors qu'il était enfant sur les photos dérobées

par ces derniers, Mr H...a livré des explications cohérentes,

en revenant notamment sur la structure du tissu social afghan et

 sur ses craintes d'être dénoncé par des connaissances. Il est ,

de surcroît, revenu en des termes étayés sur son appartenance à la communauté

 chiite et sur la vulnérabilité qui en découlerait, les insurgés ciblant

particulièrement les membres de cette communauté.

 Il résulte de ce qui précède que Mr H...

doit être regardé comme craignant avec raison d'être persécuté

en raison des opinions politiques qui lui sont imputées et de son

 appartenance à la communauté chiite. Dès lors, il est fondé à

se prévaloir de la qualité de réfugié."


Denis SEGUIN
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit

Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...