Denis SEGUIN Avocat à Angers Spécialiste en Droit des Etrangers et de la nationalité Spécialiste en Droit de l'environnement http://www.avocats-sk.com/ 15F rue de Létanduère 49000 ANGERS 02 53 57 70 83 denis.seguin@avocats-sk.com Skype: avocatseguin
mardi 12 décembre 2023
Statut de réfugié profil occidentalisé afghan
jeudi 7 décembre 2023
OQTF parent enfant français
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N° 2300976, 7décembre 2023 | (6ème chambre) |
lundi 27 novembre 2023
OQTF 48h personne célibataire vie privée
TA Nantes, 27 novembre 2023, n°2317221:
" Considérant ce qui suit :....................................................................................................................
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (…) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (…) ; (…) ».
3. Il résulte de ces dispositions que l’autorité préfectorale n’est jamais tenue de prendre à l’encontre d’une personne de nationalité étrangère une obligation de quitter le territoire français alors même qu'une telle personne se trouve dans l'un des cas où elle pourrait faire l’objet d’une telle mesure. Il appartient en effet à cette autorité d'apprécier si la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter, pour la situation personnelle de l’intéressé, laquelle ne se limite pas aux éléments d’ordre familial, des conséquences telles que l’appréciation ayant conduit à prendre finalement une telle mesure apparaît entachée d'une erreur manifeste.
4. M. S...est entré régulièrement en France le 9 juin 2018 au moyen d’un passeport revêtu d’un visa d'entrée et de court séjour. Il n’a certes pas regagné son pays d’origine avant l’expiration de la durée de validité de ce visa, mais il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour pour poursuivre des études en France le 6 décembre 2018. Si, le 3 avril 2019, cette demande de titre de séjour a été rejetée par le préfet de Maine-et-Loire et une obligation de quitter le territoire français a été prononcée à son encontre, le pli recommandé contenant l’arrêté formalisant ces mesures n’a pas été effectivement remis à M. S...dès lors que, bien qu’étant domicilié au ........................... à Angers chez sa tante, ce pli a été retourné aux services de la préfecture de Maine et Loire revêtu de la mention "destinataire inconnu à l’adresse". Lors de l’audience, M. S... a indiqué que n’ayant aucune nouvelle quant à l’issue de sa demande de titre de séjour, il a, en vain, interrogé ces mêmes services, pour en connaître l’issue. Dès lors, si M. S... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions précitées du 3° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, cette décision de refus et celle l’obligeant à quitter le territoire français n’ont pas été portées à sa connaissance.
5. Les éléments relatifs à l’insertion sociale et professionnelle d’une personne de nationalité étrangère sont au nombre de ceux qui doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer les conséquences d’une mesure d’éloignement sur la situation de cette personne.
6. M. S..., qui a commencé à être élève du Conservatoire de Musique d’Angers en septembre 2018, a suivi, lors des années 2021-2022 et 2022-2023 un cursus d’apprentissage de la musique jazz au sein de cet établissement. Son directeur atteste de l’assiduité et du sérieux du parcours d’études de M. S...qui a, à l’issue de ce parcours, obtenu le diplôme d’études musicales avec les félicitations du jury. Pour cette obtention, il a été par ailleurs félicité par l’adjoint au maire d’Angers en charge de la culture et du patrimoine. Pour l’année 2023-2024, il suit toujours des cours dans le département jazz du Conservatoire de Musique d’Angers. Intermittent du spectacle, il occupe, depuis le 7 décembre 2022, un emploi de professeur et d’animateur technique au sein de l’Association "Famille rurales de Sainte Gemmes-sur-Loire" avec laquelle il a conclu contrat de travail à durée indéterminée. Le volume horaire annuel minimal de cette activité a été accru à compter du 1er septembre 2023, ce qui témoigne des qualités démontrées par l’intéressé dans l’exécution de son contrat, comme le souligne la présidente de cette association. Il bénéficie par ailleurs d’une promesse d’embauche sous le même statut et dans le cadre d’un même type de contrat au sein de l’association "Gospel Harmony Voices". Il est par ailleurs impliqué en qualité de bénévole au sein de l’association "Minuit Grand Max" depuis le 5 septembre 2021, laquelle lui offre la possibilité de se produire, en groupe, lors de différents concerts. Ainsi, bien que M. S...était en situation irrégulière puisqu’il ne disposait d’aucun titre de séjour, il a fourni des efforts d’intégration conséquents, qui l’ont notamment conduit à obtenir un emploi stable d’enseignant et d’animation dans le domaine de la musique après un parcours d’étude dans le domaine du jazz conduit avec sérieux et succès. Sauf à priver de toute portée la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation, qui a précisément pour objet de décider d’autoriser le séjour en France d’une personne de nationalité étrangère quand bien même elle se trouve en situation irrégulière depuis de nombreuses années, l’autorité préfectorale ne saurait faire état de la circonstance que l’activité professionnelle dont l’exercice est justifié en l’espèce est exécutée illégalement.
7. Les éléments relatifs à la vie privée sont également au nombre de ceux qui doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer les conséquences d’une mesure d’éloignement sur la situation d’une personne de nationalité étrangère. La vie privée peut être distincte de la vie familiale au sens où elle englobe les relations nouées entre des personnes n’ayant pas entre elles de liens familiaux.
8. La lecture des très nombreux témoignages produits par M. S... démontre l’importance et l’intensité de ses relations personnelles, lesquelles ont été d’autant plus faciles à développer que l’intéressé maitrise la langue française. La préfète de l’Allier ne saurait sérieusement prétendre, compte tenu de ces témoignages, que l’intéressé "n’apporte pas la preuve de liens privés qu’il aurait pu tisser en France". Les proches de M. S...attestent de manière précise, circonstanciée et constante de ses qualités humaines et de son engagement au travers notamment des différents projets artistiques auxquels il participe. Le requérant n’est par ailleurs pas dépourvu de toutes attaches familiales en France dès lors que depuis qu’il séjourne dans ce pays, c’est à dire depuis plus de cinq ans à la date de la décision attaquée, il est domicilié chez sa tante à Angers, avec lesquelles il a nécessairement noué des liens.
9. Au regard de l’ensemble des éléments mentionnés aux paragraphes 5 à 7 du présent jugement, quand bien même M. S... est célibataire et sans enfant et qu’il dispose encore de liens familiaux dans son pays d’origine, l’obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre emporte des conséquences sur sa situation qui conduisent à considérer qu’en s’abstenant de ne pas faire usage de son pouvoir discrétionnaire de ne pas prononcer une telle mesure à son encontre, l’autorité préfectorale a commis une erreur d’appréciation qui présente un caractère manifeste.
10. Il résulte de ce qui précède que M. S est fondé à demander l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 19 novembre 2023 par la préfète de l’Allier.
Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions du 19 novembre 2023 privant M. S...d’un délai de départ volontaire, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois et fixant son pays de renvoi, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté du même jour relatif à son assignation à résidence :
11. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation d'une décision administrative emporte l'annulation, par voie de conséquence, des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de la décision annulée.
12. L’article L. 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (…) ». Selon l’article L. 612-2 du même code : « Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (…) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ».
13. Le premier alinéa de l’article L. 612-6 de ce code énonce : « Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (…) ».
14. Selon l’article L. 612-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ».
15. Aux termes de l’article L. 731-1 du même : « L’autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire (…) n'a pas été accordé ; (…) ».
16. Il résulte des dispositions citées aux paragraphes 12, 14 et 15 du présent jugement qu’en l’absence d’obligation de quitter le territoire français opposée à M. S... les décisions le privant d’un délai de départ volontaire, fixant son pays de renvoi et l’assignant à résidence n’auraient pu être légalement prononcées à son encontre. Par suite, il y a lieu d’annuler, par voie de conséquence de l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, d’une part, les décisions par lesquelles la préfète de l’Allier l’a privé d’un délai de départ volontaire et a fixé son pays de renvoi en cas d’exécution d’office de cette mesure d’éloignement, d’autre part, la mesure d’assignation à résidence prise par le préfet de Maine-et-Loire. De même, il résulte des dispositions citées au point 13 qu’en l’absence de décision privant de délai de départ volontaire pour exécuter une obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour sur le territoire français ne peut être légalement prononcée. Dès lors, il y a lieu d’annuler, par voie de conséquence de l’annulation de la décision privant M. S...de délai de départ volontaire, l’interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
17. L’annulation de l’obligation de quitter le territoire français opposée à M. S... implique nécessairement, en vertu des dispositions combinées des articles L. 614-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et L. 911-2 du code de justice administrative, que sa situation soit de nouveau examinée par l’autorité préfectorale et que soit délivrée au requérant une autorisation provisoire de séjour. Eu égard au motif de l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, cette autorisation doit lui permettre d’exercer une activité professionnelle. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre à l’autorité préfectorale compétente, c’est à dire, compte tenu du département de résidence de l’intéressé, au préfet de Maine-et-Loire, de délivrer à M. S...dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. Cette autorisation doit être accordée jusqu'à ce que le préfet de Maine-et-Loire ait à nouveau statué sur son cas, c’est à dire déterminer s’il y a lieu, en tenant en compte en particulier du motif d’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, de procéder à la régularisation de la situation de M. S...au regard de la législation relative au séjour en France".
1) Concernant le droit au respect de la vie privée (article 8): La Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu aux étrangers la possibilité de se prévaloir du droit à la vie privée : « tous les immigrés établis, indépendamment de la durée de leur résidence dans le pays [...], n'ont pas nécessairement une « vie familiale » au sens de l'article 8 : dès lors que l'article 8 protège également le droit de nouer et entretenir des liens avec ses semblables et avec le monde extérieur et qu'il englobe parfois des aspects de l'identité sociale d'un individu, il faut accepter que l'ensemble des liens sociaux entre les immigrés établis et la communauté dans laquelle ils vivent font partie intégrante de la notion de « vie privée » au sens de l'article 8 » (CEDH, grande ch., 18 oct. 2006, aff. 46410/99, Uner c/ Pays-Bas CEDH, 10 avr. 2012, aff. 60286/09, Balogun c/ Royaume-Uni). Ainsi, selon la Cour, indépendamment de l'existence ou non d'une « vie familiale », l'expulsion d'un étranger peut s'analyser en une atteinte à son droit au respect de sa vie privée (CEDH, 15 nov. 2012, aff. 52873/09, Shala c/ Suisse).
Il en va ainsi de l'étranger qui n'est ni un mineur, ni un « jeune adulte », mais un adulte de trente-neuf ans, non marié, sans enfants et qui n'a pas démontré l'existence d'éléments supplémentaires de dépendance, autres que des liens affectifs normaux, vis-à-vis de sa mère, de ses soeurs et de son frère, tous adultes. La Cour n'examinera pas son grief sous le volet de la vie « familiale », mais sous l'angle de sa vie privée (CEDH, 14 févr. 2019, aff. 57433/15, Narjis c/ Italie).
2) Concernant la précédente OQTF: la précédente décision n’a pas été notifiée à l’intéressé, mais pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. Le pli a en effet retourné avec la mention “destinataire inconnu”, alors qu’il s’agissait (et qu’il s’agit encore) pourtant de l’adresse exacte. Cette circonstance ne permet pas d’en déduire une volonté de se soustraire à une mesure d’éloignement (cf en ce sens, alors même que la personne n’avait pas retiré le pli recommandé, CAA Paris, 20 mars 2014, n°12PA01536)
Denis SEGUIN
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit
jeudi 9 novembre 2023
OQTF Demandeur d'asile débouté L.611-1-4° Ceseda Kosovo
Jugement du Tribunal administratif de Nantes N° 2306212 et 2306213 9 novembre 2023 _ |
"1. Mme K, est une ressortissante kosovare est née le 5 juillet 1997. Elle est entrée en France le 3 mars 2021 au moyen d’un passeport revêtu d’un visa autorisant des entrées multiples, délivré par les autorités consulaires polonaises au Kosovo et valable du 23 février 2021 au 31 janvier 2022. Elle a rejoint en France M. K, ressortissant kosovare né le 17 mai 1990 avec lequel elle est mariée depuis le 5 juillet 2018. Par un arrêté du 29 avril 2022, le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa première demande de titre de séjour, a obligé l’intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi en cas d’exécution d’office de cette mesure d’éloignement. M. K a lui aussi fait l’objet d’un refus de titre de séjour portant obligation de quitter le territoire français le 10 novembre 2021.
Leurs demandes d’asile ont été rejetées par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 26 décembre 2022. Par arrêté du 3 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d’office à l’expiration de ce délai. Ils demandent au Tribunal d’annuler ces arrêtés.
……………………………………………………………………………………………..
Sur les conclusions à fin d’annulation :
3. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (…) ».
4. Il ressort des pièces du dossier que la mère de M. K, arrivée en France en 2006 pour accompagner son mari, décédé depuis, à se faire soigner, réside régulièrement sur le territoire français et héberge le requérant, la requérante et leur fille P. Réside également sur le territoire français, avec la nationalité française la sœur du requérant, ainsi que deux de ses oncles, sous couverts de titres de séjours. La plupart des membres de la famille de M. K vivent à Angers ou dans l’agglomération angevine et établissent par les attestations qu’ils produisent, entretenir des liens entre eux. Si le préfet soutient que M. K a longtemps été séparé de sa famille, les attestations produites, dont la teneur n’est pas contestée, indiquent que c’est afin de soigner le père de M. K que ses parents sont partis vivre en France et que ceux-ci ne sont pas parvenus à obtenir des visas pour leur fils. Il ressort également des pièces du dossier que la requérante a perdu trois enfants, lors d’une grossesse et qu’elle est encore fragilisée psychologiquement, avec des crises d’angoisse, comme cela ressort de l’attestation de la psychologue produite. Le requérant et la requérante produisent également une promesse d’embauche, la preuve d’activités bénévoles, celle de la participation à des ateliers d’apprentissage du français, langue que Mme K parle parfaitement et que M. K pratique comme ils ont pu l’un et l’autre le faire au cours de l’audience. Ainsi, alors même que les entrées sur le territoire français du requérant et de la requérante sont récentes, compte tenu du réseau familial existant, de la composition de la famille avec une très jeune enfant, de l’insertion très grande dans la société française des autres membres de la famille du requérant, alors qu’il n’est pas allégué qu’ils conserveraient dans leurs pays d’origine d’autres membres de leurs familles, les arrêtés attaqués ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie privée et familiale normale.
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ni les conclusions à fin de suspension, que les arrêtés attaqués doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
6. Conformément aux dispositions de l’article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les annulations des obligations de quitter le territoire français attaquées impliquent que le préfet de Maine-et-Loire réexamine la situation de M. K et Mme K et qu’il leur délivre une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’il ait à nouveau statué sur leur situation. Il y a lieu de prescrire à cette autorité, ou à tout autre préfet territorialement compétent, d’y procéder dans un délai de deux mois".
lundi 16 octobre 2023
Réunification familiale Soudan date dépôt demande de visa
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES, N°2215759 , (9ème chambre) 16 octobre 2023 _ |
“1. M. A ressortissant soudanais, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision du directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 avril 2018. Son épouse et leurs six enfants ont déposé des demandes de visa de long séjour auprès de l’autorité consulaire française à Khartoum (Soudan) au titre de la réunification familiale. Par une décision du 11 mai 2022, l’autorité consulaire a refusé de délivrer à Mme S, aînée de la fratrie, le visa sollicité et par des décisions du 4 août suivant, des visas ont été délivrés à l’épouse de M. S et à leurs cinq enfants cadets. Par une décision implicite née le 7 novembre 2022, dont Mme S demande l’annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire du 11 mai 2022.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Il ressort du mémoire en défense que, pour rejeter le recours administratif préalable introduit pour Mme S, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France s’est fondée sur l’inéligibilité de la demandeuse à la procédure de réunification familiale, estimant que celle-ci était âgée de plus de 19 ans à la date de la demande de visa.
3. Aux termes de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (…) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire (…) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ». Aux termes de l’article L. 561-5 du même code : « Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais (…) ». Pour l’application de ces dispositions, l’article R. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que : « La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire mentionnée à l'article L. 561-5. Elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident ces personnes ».
4. Il résulte de ces dispositions que l’âge de l’enfant pour lequel il est demandé qu’il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c’est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu’aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu’après son enregistrement par l’autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courriel adressé par le service des visas de l’ambassade de France au Soudan le 15 décembre 2020, que des démarches ont été entreprises par M. S dès cette date en vue de l’obtention de visas de long séjour au titre de la réunification familiale pour son épouse et leurs six enfants. Par ce courriel, il lui a été rappelé, s’agissant plus particulièrement de la situation de la requérante, que le dépôt de demande de visa devait être fait avant qu’elle n’ait atteint l’âge de dix-neuf ans et indiqué que la date d’un tel dépôt était celle à laquelle les échanges avaient commencé avec elle, soit, en l’espèce, ce 15 décembre. Dès lors, à la date du dépôt de la demande de visa, qui, eu égard à ce qui précède, doit être regardée comme étant celle à laquelle l’administration a ainsi répondu à la sollicitation de M. S, Mme S, née le 1er janvier 2002, était âgée de moins de dix-neuf ans. Dans ces conditions, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en refusant de délivrer le visa sollicité pour le motif exposé au point 2.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, que Mme S est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée”.
Denis SEGUIN
avocat
spécialiste en droit des étrangers
docteur en droit
mercredi 4 octobre 2023
OQTF sans délai article 8 cedh entrée en France à 15 ans
Parent enfant malade étranger malade Géorgie
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N°s 2211919 et 2214025 ___________ Mme L.N ___________ 4 octobre 2023 ___________ 335-01-03 C | Le tribunal administratif de Nantes (2ème chambre) |
1. Mme N, ressortissante géorgienne née en 1985, est entrée en France en juin 2021. Sa demande d’asile a été rejetée par une décision du 15 avril 2022 de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d’asile du 11 juillet 2022. Elle a sollicité du préfet de Maine-et-Loire la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 27 juillet 2022. Par un arrêté du 5 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d’office lorsque le délai sera expiré. Mme N demande au tribunal d’annuler ces arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 2211919 et 2214025 concernent la situation d’une même requérante et ont fait l’objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
3. Aux termes de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (…) ».
4. Aux termes de l’article L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ».
5. Pour refuser à Mme N la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet de Maine-et-Loire s’est fondé sur le motif tiré de ce que le fils de la requérante, né en 2016 et souffrant d’une encéphalopathie développementale et épileptique résistante, s’accompagnant d’une régression psychomotrice, peut bénéficier en Géorgie des soins appropriés à son état de santé.
6. La partie qui justifie d’un avis du collège de médecins du service médical de l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence ou l’absence d’un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d’un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l’autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d’apprécier l’état de santé de l’étranger et, le cas échéant, l’accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si l’état de santé d’un étranger justifie la délivrance d’un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. L’avis rendu par le collège des médecins de l’OFII le 13 mai 2022, dont le préfet s’est approprié les termes, indique que, si l’état de santé du fils de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d’entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, celui-ci peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.
8. Il ressort des pièces du dossier que l’enfant T, né en 2016, est suivi dans le service de neurologie et neurochirurgie de l’enfant du centre hospitalier universitaire d’Angers pour une encéphalopathie développementale et épileptique résistante s’accompagnant d’une régression psychomotrice. Il ressort du certificat établi par le Dr V le 20 juillet 2022 ainsi que du certificat du Dr T [médecin géorgien] établi le 4 juin 2021, que les symptômes consistent en des crises de convulsion, la perte de l’usage de ses membres supérieurs, une grande fatigabilité, un bavage, l’impossibilité de marcher sans soutien bilatéral plus de quelques pas, et la perte de la préhension volontaire.
9. Il ressort en outre des pièces du dossier que l’enfant de la requérante suit un traitement médicamenteux à base de Micropakine et Buccolam, des anticonvulsivants, et d’Urbanyl, un anxiolytique. Mme N produit deux prescriptions médicales pour ces médicaments et justifie de l’ajout du cannabidiol audit traitement. Il ressort en outre du certificat médical établi par le docteur T en 2021 en Géorgie, que « compte tenu de la nature résistante de l’encéphalopathie épileptique primaire et développementale, il est conseillé au patient de rechercher des traitements alternatifs à l’extérieur du pays ». Par ailleurs, la requérante produit une capture d’écran du site géorgien de la pharmacie de Tbilissi « Aversi » répertoriant les médicaments disponibles dans le pays selon lequel l’Urbanyl, la Micropakine, le Buccolam et le cannabidiol ne figurent pas dans la liste des médicaments disponibles. Ell
e produit également un document daté du 9 septembre 2022 émanant de l’agence de régulation des activités médicales et pharmaceutiques de Géorgie, dont il ressort que les produits pharmaceutiques contenant du cannabidiol ne sont pas enregistrés sur le marché pharmaceutique de Géorgie, ni ceux contenant du clobazam, y compris l’Urbanyl. Ces éléments, qui ne sont pas contestés par le préfet en défense, sont de nature à établir que, contrairement à ce qu’a estimé le collège de médecins de l’OFII dans son avis rendu le 13 mai 2022, l’enfant de la requérante ne peut pas bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision de refus de séjour d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que Mme N est fondée à demander l’annulation de la décision lui refusant la délivrance d’un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination du 5 octobre 2022.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
11. Le présent jugement implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de munir l’intéressée d’une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois suivant la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
12. Mme N a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Seguin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros.
Article 1er : Les arrêtés des 27 juillet 2022 et 5 octobre 2022 du préfet de Maine-et-Loire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme N une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L’Etat versera à Me Seguin la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Seguin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme N, au préfet de Maine-et-Loire et à Me Denis Seguin".
cf également CAA Bordeaux, 12 janvier 2021, n°20BX02361
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