jeudi 30 mars 2023

OQTF Jeune majeur Guinée

Jugement du Tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2023 (n°2206014):

"...2. Aux termes de l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile:"Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française". 

Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention "vie privée et familiale", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L.421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 16 ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance d'un titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

3. Aux termes de l'article R.431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: "L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande:1°les documents justifiant de son état civil;(...)". L'article L.811-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier article dispose: "Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française". Ainsi, ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vue de l'ensemble des éléments produits par les parties. De plus, il n'appartient pas aux autorités françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement aurait un caractère frauduleux.

4.Afin de refuser de délivrer le titre sollicité, le préfet de Maine-et-Loire a opposé l'absence de justification de son identité et du caractère réel et sérieux.
5. D'une part, le préfet de Maine-et-Loire reproche au jugement supplétif établi le 15 janvier 2018 produit par le requérant d'avoir été rendu sur requête du même jour laissant ainsi supposer l'absence d'enquête, de méconnaître l'article 555 du code de procédure civile guinéen, d'être revêtu d'un timbre ne correspondant pas au montant de d'acquittement en vigueur et de ne pas avoir fait l'objet d'une sur-légalisation des autorités françaises en Guinée. Il reproche à l'extrait du registre de l'état civil produit par le requérant d'avoir été édicté sur la base d'un jugement "non recevable" et de méconnaître l'article 601 du code de procédure civile guinéen. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant du timbre fiscal dont le jugement supplétif est revêtu en correspond pas à la législation guinéenne. Par ailleurs, le préfet ne s'appuie sur aucune disposition de droit guinéen imposant qu'une enquête doive avoir lieu avant l'établissement d'un jugement supplétif qui, en tout état de cause, ne permettrait pas d'établir en elle-même, le caractère frauduleux du jugement. La transcription du jugement supplétif intervenue avant l'expiration du délai d'appel prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinée et l'absence de formule exécutoire en méconnaissance de l'article 555 du code de procédure civile guinéen, à le supposer applicable aux jugements rendus en matière gracieuse ne sauraient davantage suffire à ôter toute valeur probante aux actes d'état civil produits ni un caractère frauduleux au jugement supplétif. Enfin, à la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. Dans ces conditions, aucune des circonstances invoquées par le préfet, lesquelles pour la plupart entendent remettre en cause la façon selon laquelle le juge a entendu faire application de la loi qui est la sienne, n'est de nature à révéler le caractère frauduleux du jugement supplétif et de l'acte pris pour sa transcription.
D'autre part, l'arrêté attaqué indique que Mr. D. ne justifie pas de l'obtention de son CAP employé de commerce multi-spécialités à l'issue de l'année scolaire 2020/2021, qu'il est en attente d'un employeur pour commencer sa formation de vendeur conseil en magasin au titre de l'année scolaire 2021/2022 et qu'il bénéficie d'un contrat d'accueil provisoire jeune majeur depuis le 24 juin 2021. En se bornant ainsi à rappeler le parcours scolaire  de l'intéressé et alors que le requérant justifie dans le cadre de la présente instance de l'obtention de son CAP, le préfet de Maine-et-Loire ne remet pas en cause sérieusement le caractère réel et sérieux du suivi de la formation de Mr.D. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions".

Annulation du refus de séjour et de l'OQTF et injonction de procéder au réexamen de la situation.



cf également:
 
CAA Nantes, 22 mars 2022, 21NT00194 


CAA Nantes, 1er juin 2022, n°21NT01626


CAA Nancy, 31 décembre 2021, n°21NC01485


et 




Denis Seguin
Avocat spécialiste en droit des étrangers
Docteur en droit







jeudi 9 mars 2023

Somalie Protection subsidiaire Moyen-Shabelle clan Tumal

 CNDA, 7 mars 2023, n°21064298, 6ème section, 2ème chambre:

"...3...Mme M..., née le 21 mars 1970, est originaire du village de Calool Wayne, dans le Moyen-Shabelle, et est issue du clan Tumal...

10...Il ressort de la documentation disponible, notamment du rapport EASO de septembre 2021 sur la situation sécuritaire en Somalie que, si les grandes villes du Moyen-Shabelle sont contrôlées par les autorités somaliennes soutenues par l'ATMIS (anciennement AMISOM), les zones rurales sont contrôlées par les Al-Shabab, de sorte que les grandes villes sont déconnectées entre elles. Par ailleurs, la région du Moyen-Shabelle est considérée par les observateurs internationaux comme "une zone interdite" car elle est utilisée par Al-Shabab comme base arrière pour mener des attaques sur Mogadiscio. Selon les données publiques consultées sur le site d'ACLED, en 2021, 188 incidents de sécurité y ont été dénombrés, pour 423 décès, parmi lesquels des civils, ont été recensés dans la région du Moyen-Shabelle. Par ailleurs, l'infographie périodique du HCR intitulée "Internal Displacements Monitored by Protection & Return Monitoring Network (PRMN)" dénombre 49 000 personnes originaires du Moyen-Shabelle déplacées en 2021, dont 9000 déplacées en raison du conflit armé, alors que 1000 déplacés en raison de l'insécurité sont comptabilisés pour l'année 2020, montrant que l'insécurité persistante dans la région affecte de façon accrue les populations civiles du Moyen-Shabelle...

11.Il résulte de ce qui précède que la situation de violence aveugle prévalant dans la région du Moyen-Shabelle est caractérisée par un degré de violence aveugle, dont l'intensité n'est toutefois par telle qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil court,du seul fait de sa présence dans sa région, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens des dispositions précitées du 3° de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, d'un risque réel pour Mme M...de subir une atteinte grave en cas de retour dans le Moyen-Shabelle.

12. En l'espèce, compte tenu des explications spontanées de Mme M...sur sa vulnérabilité rattachée à sa condition de femme somalienne appartenant à un clan minoritaire, la requérante se trouverait, en cas de retour dans sa localité d'origine et dans le contexte décrit au point 10, dans une situation de vulnérabilité particulière de nature à l'exposer personnellement à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle résultant d'une situation de conflit armé interne, au sens des dispositions de l'article L.512-1-3°, sans pouvoir se prévaloir de la protection effective des autorités...".



Denis SEGUIN

Docteur en droit 

Avocat spécialiste en droit des étrangers


lundi 6 mars 2023

OQTF Jeune majeur Demandeur d'asile débouté

Par jugement du 6 mars 2023, le Tribunal administratif de Nantes (n°2213705) a jugé que:

"3...Il ressort des pièces du dossier que M.C.a été pris en charge à compter du 12 juin 2018 au titre de l'aide sociale à l'enfance alors qu'il venait d'avoir 16 ans, qu'il bénéficie depuis le 12 mai 2020 d'un contrat d'accueil jeune majeur et qu'il suit un cursus au sein du campus du Pouillé à Angers en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP)de jardinier paysagiste, étant inscrit en deuxième année de cette formation au titre de l'année 2022-2023. Si le préfet de Maine-et-Loire n'était pas tenu de faire état dans l'arrêté contesté de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance concernant la situation personnelle de M.C., cet acte ne fait mention d'aucune des circonstances mentionnées ci-dessus qui apparaissent en l'espèce déterminantes aux fins d'apprécier les conséquences de l'arrêté en litige. Cette omission témoigne de ce que le préfet n'a pas entendu procéder à un examen de la situation personnelle de l'intéressé avant de prescrire son éloignement, s'abstenant par là-même d'envisager l'exercice de son pouvoir de régularisation. Par suite, cette décision est entachée d'une erreur de droit...".


La décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée. Il s'agissait d'une OQTF prise en application des dispositions de l'article L.611-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Conformément à l'article L.614-16, il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer dans un délai de 5 jours une autorisation provisoire de séjour.

L'Etat est condamné à verser à l'avocat la somme de 1000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.


Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit




Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...