dimanche 24 avril 2022

Somalie Réfugié clan Shekhal Moyen Juba

 CNDA 22 avril 2022, n°22003479:

"...En outre interrogé sur son appartenance clanique, il est parvenu à fournir de façon étayée et personnalisée les éléments caractéristiques du clan shekhal auquel il appartient. Ses explications sur ce point ont pu être corroborées par les sources publiques disponibles, notamment un rapport publié conjointement par l'Austrian Red Cross et l'Austrian centre for Country of Origine an Asylum Research and Documentation, intitulé "Clans in Somalia" et publié en décembre 2009, et un rapport publié par l'organisation non gouvernementale Minority Rights Group International, intitulé "No redress: Somalia's forgotten minorities"publié en 2010.

Par ailleurs, il a rapporte de façon circonstanciée et personnalisée les pressions exercées sur sa famille par les miliciens afin de la contraindre à verser un impôt régulier. Il a également expliqué en des termes sobres et convaincants les circonstances dans lesquelles la relation entre son père et Al-Shabab, déjà tendue, s'est dégradée lorsque ces derniers ont exigé de leur verser la moitié de sa récolte en plus de l'impôt dont il s'acquittait. Il a relaté de manière tout aussi crédible les conditions dans lesquelles son père et son frère ont été tués par les miliciens, son père ayant refusé d'obéir à leurs injonctions. Il a exposé de panière personnalisée, que , craignant de subir des représailles après la mort de son père et de son frère, il n'a eu d'autre choix que de quitter son pays. Ses craintes sont par ailleurs corroborées par les sources publiques disponibles, notamment par le rapport du Département d'Etat américain publié le 30 mars 2021, intitulé "Annual report on human rights in 2020: Somalia" qui souligne que cette milice est toujours en mesure de procéder à des assassinats ciblés contre toute personne s'opposant à eux ou perçue comme soutenant le gouvernement somalien ou les forces étrangères, y compris des civils. De surcroît, l'actualité des craintes est corroborée par le rapport de l'EASO du 30 avril 2021, toujours d'actualité, qui indique que le Moyen-Juba, dont le requérant a démontré être originaire est totalement contrôlé par les Al-Shabab. 

Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur A.craint avec raison d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputées par Al-Shabaab. Dès lors il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".

Somalie Protection subsidiaire Bas-Shabelle femme isolée clan Boon tumal

 

CNDA, 22 avril 2022 , n°22003487:

« Les déclarations précises de Madame à devant la cour lors de l’audience publique ont permis de tenir pour établir sa nationalité, son appartenance au clan Boone affilié au clan tumal ainsi que sa provenance de Farsooley [au Sud de Qoryooley] situé dans l’état du Bas Shabelle

Elle a relaté en des termes personnaliser les graves sévices dont elle a été victime par des bandits aux abords de son village…

Son conjoint a été enlevé en 2019 en raison de son refus de rejoindre personnellement [les miliciens Al-Shebab].

Il résulte de ce qui précède que la situation sécuritaire prévalant dans le Bas-Shabellequi compte parmi les plus préoccupantes de Somalie doit toujours être regardée à la date de la présente décision comme une situation de violence aveugle au  sens des dispositions du 3°de l’article L.512 -1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ne s’étant pas dégradée de façon significative au cours de l’année 2021, son intensité n’atteint toutefois pas un niveau tel que toute personne serait exposée, du seul fait de sa présence sur le territoire concerné, à une atteinte grave au sens de l’article L.512-1-3° du Ceseda.

 

En outre pour rejoindre sa région d’origine Madame A.devra d’une part transiter par Mogadiscio où se trouve l’aéroport International le plus proche de sa localité et d’autre part traverser la région du Bénadir à laquelle la capitale est administrativement rattachée

Dans ces conditions il y a lieu de tenir compte de l’existence le cas échéant d’un indice sérieux de risques réel de subir des atteintes graves et il appartient à la requérante d’apporter tous éléments relatifs à sa situation personnelle permettant de penser qu’il court un tel risque .

Or à ce titre le rapport du Secrétaire général des Nations Unies numéro S/2021/312 du 30 mars 2021 soulignent que la combinaison de la prolongation du conflit en Somalie, des crises humanitaires successives et de l’inégalité structurelle imposée aux femmes somaliennes exposent ces dernières à des niveaux de violence sexuelle liée au conflit. L’UNSOM a notamment relevé 419 cas de violences sexuelles  avérées, commises par les militants Al-Shabab et les milices claniques,  tandis que les forces étatiques se sont rendues responsables de 41 occurrences avérées de violences sexuelles. L’augmentation des violences a été relevée tant par l’UNSOM que par le UK Home Office, dans un rapport « Somalia : Women fearing gender-based violence » d’avril 2018.

L’utilisation du viol comme arme de guerre est particulièrement répandue.

Ainsi Madame à dont la qualité de civil la nationalité et la provenance sont établies serait exposée en cas de retour en Somalie et notamment à Mogadiscio, à Bénadir par où elle devrait transiter pour se rendre dans sa région d’origine, à  de graves sévices et serait ainsi particulièrement vulnérable en tant que femme isolée dans le contexte de violence rappelé précédemment .

Il résulte de ce qui précède qu'elle établit être exposée à des atteintes graves au sens de l'article L.512-1-3° du ceseda, en cas de retour dans son pays en raison de la particulière vulnérabilité que lui confère son statut de femme isolée sans être en mesure de bénéficier de la protection effective des autorités. Ainsi, Mme A.doit se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire».

mercredi 20 avril 2022

Refus de visa Réfugié Concubins Guinée

 Selon un jugement du tribunal administratif. du 6 janvier 2022, numéro 210700.0.:

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Aux termes de l'article L.561-2 

"Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale :
1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ;
2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ;
3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire.
Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective.
L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite".

Aux termes de l'article L.561-4:"Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables.

La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement".

Aux termes de l'article L.561-5:"Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire.

En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux".

5. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de la concubine et de l'enfant d'une personne à laquelle la qualité de réfugié a été reconnu ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir sur un motif d'ordre public.

En ce qui concerne la demanderesse de visa, se présentant comme. Di... D.:

6. Il incombe aux autorités administratives françaises de tenir compte des jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes, sauf à ce qu'ils aient fait l'objet d'une déclaration d'inopposabilité, laquelle ne peut être prononcée que par le juge judiciaire, ou à établir l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L 811- 2. du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil". Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que la force probante d'un acte d'état civil établit à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En pas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui et dépourvu de force probante qu'il soit irrégulier, falsifié où inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. Pour justifier de l'identité de la demanderesse de visa ainsi que de son lien de filiation avec Monsieur D., ont été produites la photocopie d'un jugement supplétif numéro 6172. rendu le 4 décembre 2018 par le Tribunal de première instance de Boké et celle d'un document intitulé "extrait du registre de l'état civil, établi en transcription de ce jugement le 17 octobre 2019 par l'officier d'État civil de la commune urbaine de Boké. A également. été produite la photocopie de la page principale d'un passeport guinéen.

9.Ladministration fait valoir que le numéro personnel apposé sur la page principale du passeport de la demanderesse de visa n'est pas cohérent avec la numérotation de l'acte de transcription du jugement supplétif produit en méconnaissance du système en vigueur en Guinée. Elle en déduit qu'un autre acte de naissance a permis l'établissement du passeport.

10. Toutefois, si cette déduction peut effectivement être opérée au vu des éléments contradictoirement débattus par les parties quant au système en vigueur en Guinée, la preuve n'est pas pour autant rapporté qu'il existerait un acte de naissance comportant des mentions autres que celles présentes sur les documents cités au point 8. D'ailleurs, la partie requérante allègue, sans être contredite que le passeport  été établi à partir d'un autre acte que celui produit du fait d'une erreur dans l'orthographe du prénom de l'enfant dans l'acte initial. Si la partie requérante n'a pas déféré à la dernière mesure d'instruction du tribunal demandant la production de l'acte initial, l'analyse de l'administration ne repose que sur un doute et constitue, au mieux une preuve par défaut. Or cette seule base ne saurait permettre de caractériser le caractère frauduleux du jugement supplétif produit dès lors que l'administration ne fait état d'aucune autre critique à l'égard de ce jugement et notamment n'en conteste ni l'existence ni la régularité. Par conséquent, il doit être tenu compte de ce jugement dans le cadre rappelé au point 6.

11 Dès lors qu'il convenait de prendre en compte ce jugement les seuls éléments avancés au point 9 par l'administration ne permettent pas d'¨ôter la valeur probante que confèrent les dispositions de l'article 47 du code civil à l'acte de transcription.

12 Ensuite, le passeport n'est en lui-même pas contesté par l'administration. S'il ne saurait recevoir la qualification d'acte d'état civil faute d'avoir un caractère authentique, il n'en demeure pas moins utile à la démonstration d'une identité et à la caractérisation d'un lien de filiation. Celui-ci comporte des mentions parfaitement concordantes avec le jugement supplétif et l'acte de transcription.

13 Enfin pour. corroborer l'existence en fait de l'identité et du lien de filiation allégué le requérant et la requérante se sont prévalus d'éléments de possession d'état. Au nombre de ceux-ci figurent notamment les déclarations de Monsieur D. aux autorités administratives et juridictionnelles françaises depuis son entrée sur le territoire français et 2 photographies, dont l'une fait apparaître les 3 enfants demandeurs de visa. Si ces éléments ne suffisaient pas à eux seuls pour caractériser l'identité et le lien de filiation allégués sur le terrain, des éléments de possession d'état, ils permettent de corroborer ce qui a été dit au point précédent.

14 Il résulte de ce qui a été dit au point 6 à 13 que l'identité de la demanderesse de visa ainsi que son lien de filiation avec Monsieur D doivent être tenus pour établis. Par suite, le requérant et la requérante sont fondées à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la demanderesse de visa, se présentant quand Madame Fatoumata D.

15 L'administration fait valoir que le lien de concubinage allégué n'est pas suffisamment caractérisé.

16 Toutefois les parties s'accordent pour considérer que Monsieur D et Madame D ont été mariés religieusement. Cette circonstance, rapprochée de celle de l'existence de 3 enfants dont ils sont les parents et nés en 2013 et 2015, permet de caractériser une vie commune suffisamment stable et continue au sens et pour l'application des dispositions de l'article L 561- 2- 2°du code de l'entrée, du séjour des étrangers du droit d'asile. Par suite et alors que dans ces conditions, l'intérêt des enfants et d'être auprès de leurs 2 parents, Monsieur Madame D, sont fondés à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.

dimanche 3 avril 2022

OQTF Obligation de motivation

 Par jugement du 28 mars 2022 n°220980 et 2202981, le Tribunal de Nantes a jugé que:

"3. Il résulte des dispositions des articles L.614-1 et L.614-7 et suivants du CESEDA que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers lorsque ces derniers sont assignés à résidence.

4.Aux termes de l'article L.611-1 du CESEDA:"L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :(...)3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;(...)5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;"


5.Par ailleurs, aux termes de l'article L.613-1 du même code,"la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée(...)".

6.La décision faisant obligation à Monsieur S. de quitter le territoire sans délai a été prise sur le fondement de l'article L.611-1-5° précité du CESEDA, au motif, d'une part que l'intéressé était défavorablement connu des services de police, dès lors qu'il apparaissait dans les faits délictueux commis le 27 février 2020 et, d'autre part, qu'il avait été interpellé le 6 juillet 2021 à proximité d'un point de vente de cannabis et avait déclaré connaître la personne contrôlée en même temps que lui, sans pour autant reconnaître une participation à un trafic. Le préfet a précisément motivé sa décision en adoptant la rédaction suivante:"au regard de la réitération des faits, de l'attitude de déni de Monsieur S., le risque de récidive est élevé et que par conséquent, il est nécessaire de considérer que son comportement constitue une menace à l'ordre public".


7.Si le jugement précité du 13 septembre 2021 [jugement du Tribunal administratif validant une précédente OQTF], joint par le préfet en pièce 5 de ses écritures en défense, mentionne que Monsieur S.avait précédemment fait l'objet de plusieurs signalements par les services de police, en l'occurrence le 5 octobre 2017 pour vol à l'étalage, et le 29 décembre 2017 pour violences en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, mais encore qu'il avait été reconnu coupable de recel de bien provenant d'un vol commis du 19 décembre 2017 au 27 février 2018 et qu'il avait également fait l'objet d'un autre signalement le 20 juillet 2018, soit après le jugement du tribunal d'Angers du 17 mai 2018 rendu pour des faits antérieurs, pour des faits de menaces de mort réitérée, la motivation adoptée par le préfet dans le présent arrêté du 25 février 2022 pour justifier de l'obligation de quitter le territoire français ne permet toutefois pas, en l'absence de toute mention d'actes répréhensibles imputables à Monsieur S., de déterminer les raisons pour lesquelles il constitue une menace à l'ordre public".

Il résulte de ce qui précède que l'obligation de motivation prévue à l'article L.613-1 du CESEDA a été méconnue par le préfet.

L'OQTF et l'assignation à résidence sont annulées.

L'Etat est condamné à verser 1000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la l du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit

Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...