lundi 31 janvier 2022

Demande de titre de séjour Documents d'état civil et de nationalité

 TA Nantes, 6ème Chambre, 27 janvier 2022, n°2013651:


" 2...Aux termes de l'article L.313-15 [anc.devenu art.L.435-3]alors en vigueur:A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé.

Aux termes du premier alinéa de l'article R.311-2-2 [anc.devenu art.R 431-10]: L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité...

Aux termes du premier alinéa de l'article L.111-6 du même code [anc.devenu L.811-2]:  La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil.

Enfin, aux termes de l'article 47 du code civil: Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. 

3. La délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L 313 15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas seulement subordonné au respect des conditions de fond qu'ils prévoient, mais également à la recevabilité de la demande et plus particulièrement à l'obligation pour le demandeur énoncées à l'article R 311- 2- 2. du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit de justifier de son état civil et de sa nationalité. À cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établit l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié où inexacte. En pas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger. Il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. La production d'un passeport par un étranger n'emporte aucune force particulière quant à l'état civil qui est indiqué.

4. Il ressort des pièces du dossier que, à l'appui de sa demande de titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L 313- 15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Monsieur K. a présenté à l'administration une copie d'extrait d'acte de naissance en date du 6 novembre 2001 mentionnant sa date de naissance, le 19 octobre 2001, ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivrée sur la base de cet acte, le 7 novembre 2018, par le consulat du Mali à Paris. Pour établir le caractère irrégulier, falsifié où inexact des documents en cause, le préfet de Maine-et-Loire, qui indique avoir été alerté par les services du Conseil Départemental du Maine-et-Loire du refus opposé au requérant par les services consulaires du Mali à l'établissement d'un passeport se borne à produire le récépissé consulaire de la demande de passeport sollicité le 24 décembre 2019 par Monsieur K. sur lequel sont apposées les mentions manuscrites "à vérifier, 22/01/2020" et "changement d'identité Mamadou K. né le  26 février 1993 AAO 2650 produit le 5/06/2017. Toutefois, ce seul élément relatif aux passeports ainsi sollicitées ne suffit pas à démontrer que Monsieur K.A usurpé de l'identité d'un autre ressortissant malien et qu'il ne justifiait pas de sa propre identité à la date de sa demande de titre de séjour. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que postérieurement à la décision critiquée, un récépissé de demande de passeport ne comportant aucune réserve et mentionnant les éléments d'état-civil dont il s'est prévalu à l'appui de sa demande de titre de séjour, a été délivré à Monsieur K. par les autorités consulaires maliennes qui ont également renouvelé, le 8 novembre 2021 sa carte d'identité consulaire. Par ailleurs, l'autorité préfectorale n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le caractère authentique de l'extrait d'acte civil malien, produit à l'appui de la demande de titre de séjour et qui n'a pas été regardé comme apocryphe où frauduleux par les services de la police aux frontières de Nantes. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire ne peut être regardée comme apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié où inexact des documents présentés par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour. Par suite, Monsieur K est fondé à soutenir que la décision litigieuse du préfet de Maine-et-Loire, motivée par l'absence de justification de son identité en application des dispositions de l'article R 311- 2- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'illégalité.

L'arrêté du 20 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire est annulé et il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable durant la période de ce réexamen."



cf également CE, 10 mars 2008, n°299698 concernant la preuve de la fraude

et preuve de la nationalité par tout moyen cf Défenseur des droits décision n°2020-016 du 10 février 2020

Etranger malade Procédure irrégulière Signature des médecins du collège de médecins

 TA Nantes, 6ème chambre, 27 janvier 2022, n°2013418:

"...2.   Aux termes du 11° de l'article L.313-11 [anc. devenu L.425-9]: "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :

11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre...

Aux termes de l'article R.313-22 [anc.devenu R.425-11]: "Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé".

Selon le premier alinéa de l'article R.313-23 [anc.devenu R.425-13]alors en vigueur du même code:Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège./Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle...L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports et avis mentionnés aux articles R.313-22, R.313-23 et R 511-1 du code de l'entrée et du séjour est étrangers et du droit d'asile: "Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant :
a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;
b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;
d) la durée prévisible du traitement.
Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
Cet avis mentionne les éléments de procédure.
Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle.
L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège".
4. Si les actes administratifs doivent être pris, selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise où qu'il a privé l'intéressé d'une garantie. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que la signature de l'avis médical par chacun des 3 médecins membres du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration constituent une garantie pour l'étranger, dont ils examinent le dossier. En cas de litige, il appartient au préfet de fournir les éléments nécessaires afin de permettre aux juges de contrôler le respect de la procédure.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'un rapport concernant la situation médicale de Madame H, rédigé par le Dr B... a été soumis pour avis au collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ce collège a, dans son avis du 5 novembre 2020, considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire elle peut y bénéficier d'un traitement médical approprié.

6. S'il ressort de la copie de l'avis du 12 octobre 2020 transmis par le préfet de la Vendée que le collège de médecins saisi était composé du docteur M, du docteur D et du docteur S, le document produit en défense ne permet toutefois de s'assurer que des signatures du docteur M et du docteur S, celles-ci lisibles étant apposées . sous leur nom, la signature du Dr D. ne figurant pas sur ce document. Dans ces conditions et alors que le préfet n'établit pas ni même allègue que le docteur D aurait utilisé une procédure de signature électronique, l'avis du collège des médecins de l'OFII ne peut être regardé comme ayant été rendu à l'issue d'une délibération collégiale, conformément aux dispositions précitées et alors en vigueur de l'article R 313 23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé la requérante d'une garantie, la décision par laquelle le préfet de la Vendée a refusé de délivrer un titre de séjour à Madame H est entachée d'irrégularité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Madame H est fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que par voie de conséquence des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui enjoignant de se présenter à la préfecture de la Vendée le 2e mardi suivant la notification de cette décision afin d'indiquer les diligences accomplies dans la préparation de son départ.

L'arrêté du 18 novembre 2020 du préfet de la Vendée est annulé et il est enjoint au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de Madame H dans le délai de 3 mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable durant la période de ce réexamen".

vendredi 28 janvier 2022

Afghanistan Statut de réfugié opinions politiques imputées professeur d'anglais

 CNDA, 1ère section, 3ème chambre, 28 janvier 2022, n°21024880:


" Il ressort des pièces du dossier et des déclarations précises et cohérentes de Monsieur A qu'ont pu être tenu pour établir sa nationalité,  sa provenance géographique, ainsi que les faits ayant présidé à son départ d'Afghanistan. En effet, le requérant a été en mesure de décrire dès le stade de l'Office son parcours de vie et ses centres d'intérêt dans la ville de Lashkar Gah. À cet égard, il a retranscrit de façon constante son évolution personnelle en l'inscrivant dans une chronologie cohérente et un contexte géographique précis. En outre, il a été en mesure de s'exprimer de façon précise sur les conditions dans lesquelles il a été amené à enseigner l'anglais dans une école de filles située dans son district. À cet égard, il s'est montré en capacité d'expliciter le contexte dans lequel cette association s'est implantée dans sa localité après avoir répondu à l'appel d'offres lancé par une association plus importante, financé par des fonds étrangers. Interrogé sur les conditions de son embauche comme professeur d'Anglais par l'intermédiaire d'un proche travaillant dans une équipe de reconstruction provinciale, Monsieur A... a été en mesure d'apporter des détails tant sur son recrutement que sur ses conditions de travail, l'intéressé ayant notamment pu décrire la méthodologie pédagogique employée  et présenter les supports sur lesquels il s'appuyait afin de préparer ses cours. La production de la lettre de recommandation établit le 19 mars 2020 par la directrice de KHDO qui réside aujourd'hui aux États-Unis, vient utilement corroborer ses déclarations quant à son emploi. Il a également pu revenir de manière détaillée sur les menaces et violences dont les membres de l'association ont fait l'objet, le conduisant à démissionner en août 2015. Ainsi, en raison de son activité professionnelle en Afghanistan, il est plausible que Monsieur A... présente un profil à risque en cas de retour dans son pays d'origine. Dans les principes directeurs du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies relatifs à l'éligibilité dans le cadre de l'évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d'asile afghans, publié au mois d'août 2018, le HCR appelle l'attention des États sur les individus relevant de l'un des profils à risque qu'il énumère. Il considère ainsi que les personnes associées au gouvernement ou à la communauté internationale peuvent nécessiter la protection internationale de réfugiés sur la base d'une crainte fondée de persécution du fait d'acteurs non étatiques en raison des opinions politiques qui leur sont imputées ou pour d'autres fondements conventionnels, combinés avec l'incapacité générale de l'État à les protéger face à de telles persécutions. Comptent au nombre de tels individus les civils associés où perçus comme favorables aux forces militaires internationales et des civils employés par des organisations humanitaires internationales où afghanes, y compris des ressortissants afghans travaillant pour des organismes et les Nations unies. Des employés d'organisation internationale, des agences de développement et des employés, d'ONG nationales et internationales, dont faisait partie Monsieur A... et des particuliers impliqués dans des projets internationaux. Des personnes ayant ces profils auraient été tués, enlevés et intimidés. Dans le même sens le rapport annuel de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (UNAMA), publié en février 2021 (Afghanistan Protection of civilians in armed conflict) et le rapport du Secrétaire général des Nations unies, intitulé "La situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales", paru le 12 mars 2021, s'accordent sur le fait que les attaques des insurgés ciblent délibérément toute personne refusant d'adhérer à leur doctrine en raison des opinions pro-occidentales et pro-gouvernementales qu'ils leur imputent. Enfin, France Info, le 20 août 2021 dans un article intitulé "Afghanistan : les talibans accusés de traquer les habitants ayant travaillé avec les forces étrangères", mettait en outre en exergue que selon un rapport confidentiel de l'ONU rédigé par un groupe d'experts d'évaluation des risques pour l'ONU depuis la prise du pouvoir par les Talibans le 15 août dernier, ces derniers possédaient des listes prioritaires de personnes qu'ils souhaitaient arrêter. Plus récemment, le Bureau européen en matière d'asile souligne dans son rapport de novembre 2021 que "les travailleurs des ONG ont été ciblés par les insurgés parce que leurs activités étaient perçues comme non neutres ou en violation des normes culturelles ou religieuses". Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur A... craint avec raison ou sans des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui seraient imputées par les talibans. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".

Afghanistan Statut de réfugié Hazara

 CNDA, 28 janvier 2022,1ère section, 3ème chambre, n°21036987:

"En premier lieu, les déclarations du requérant, tant à l'OFPRA que devant la Cour permettent de tenir pour établir sa nationalité afghane et sa provenance de la localité de Qarabaghi, située dans le district éponyme dans la province de Ghazni et son appartenance à la communauté hazara, lesquelles ont également été considérés comme avérés par l'Office. En outre, Monsieur I... été en mesure de revenir sur les fonctions de son père, représentant de la communauté hazara de son village. Questionné à cet égard, les réponses du requérant se sont révélées cohérentes, Monsieur I ayant souligné que son père avait hérité de ses fonctions en raison de la notoriété acquise du fait de son passé de moudjahidine ainsi que de l'ancienneté de son installation dans la localité, essentiellement composée de nouveaux arrivants. De même, il a livré une description constante et vraisemblable de la composition ethnique de la ville et des rapports entre les différentes communautés, le requérant ayant en particulier décrit les sollicitations des insurgés visant à enrôler des nouveaux membres parmi la communauté chiite. Dans ce contexte, si l'on admet que les talibans pouvaient être enclins à recruter dans ce groupe de population, il est apparu plausible que son père était personnellement ciblé après s'être opposé à l'enrôlement de jeunes hazaras. Monsieur I... a en outre, décrit l'assassinat de son père en des termes probants et a pu préciser à cet égard que là dépouille de ces derniers n'avaient pu être récupérée que grâce à l'intercession des barbes blanches.


En 2nd lieu, son récit s'inscrit dans un contexte géopolitique cohérent, dès lors qu'il ressort des sources publiques disponibles et pertinentes, notamment des rapports respectifs de l'Organisation Suisse. d'aide aux réfugiés de septembre 2019, intitulé "Afghanistan: profils à risque" du Bureau européen d'appui en matière d'asile de juin 2019, complété par celui d'août 2020 intitulé "Afghanistan anti government éléments (AGEs)" ou encore des principes directeurs du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés et aux apatrides relatifs relatifs à l'éligibilité, dans le cadre de l'évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d'asile afghans, d'août 2018 que les personnes travaillant où associées au gouvernement ou à la communauté internationale ou perçues comme leur soutien constituent des profils à risques, tout comme leur famille, en cas de retour en Afghanistan, et sont ciblés par les Talibans. Ces craintes sont renforcées par la situation sécuritaire incertaine prévalant en Afghanistan depuis la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021, laquelle est corroborée par plusieurs sources publiques d'information, tels que le communiqué de presse de l'ONG Human Rights Watch du 17 août 2021, titré "Afghanistan:les talibans au pouvoir", ou encore l'article de presse. "Comment les talibans ont repris l'Afghanistan" publié le 17 août 2021 par le journal Le Monde. Si les talibans ont ainsi tenté de se présenter comme un groupe réformé depuis leur récente prise de pouvoir en août 2021, et bien qu'ils aient promis une amnistie générale pour tous ceux qui ont travaillé pour l'ancien gouvernement, les sources publiques disponibles et pertinentes tel que le rapport conjoint de Amnesty International, International Fédération for Human Rights,World Organization Against Torture. Intitulé "The fate of thousands hanging in the balance:Afghanistan's fall into the hands of the Taliban" ou encore le rapport du Danish immigration service intitulé "Afghanistan:Recent developments in the security situation on civilians and targeted individuals", publié en septembre 2021, mettent en lumière que les anciens employés du gouvernement ou ceux perçut comme leur soutien ainsi que les minorités ethniques et religieuses, comme les Hazaras et chiites, sont exposés à des risques accrus en cas de retour dans leur pays d'origine et font état d'attaques ciblées récentes contre ces derniers. Ainsi, s'il  ressort d'un rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile, publié le 12 décembre 2017 intitulé "Afghanistan: Individuals, targeted by actors in the conflict" que l'attitude des talibans à l'égard des Hazaras peut être ambivalente et est tributaire de considérations locales, de récents attentats commis par les talibans démontrent que cette communauté demeure une cible pour eux, tel qu'il ressort par exemple de l'article de Amnesty International publié en août 2021 et intitulé "Afghanistan. Les talibans, responsables du massacre d'hommes Hazaras, nouvelle enquête". Les Hazaras continuent par ailleurs de faire face à une violence ciblée à leur encontre, une violence en nette augmentation ces dernières semaines, tel qu'il ressort des données de l'Armed Conflict Location and Event Data Project dans son article publié le 6 octobre 2021 et intitulé "Regional Overview. South Asia and Afghanistan, 25 septembre. 1 octobre 2021" recensant au moins 7 attaques ciblant des membres de cette communauté perpétrés par les talibans ou plus encore par le groupe État islamique depuis le début de l'année 2021, ainsi que d'autres attaques par des militants non identifiés. Plus d'une centaine de Hazaras ont ainsi été tués lors de ces attaques. Un article du journal Le Monde publié le 8 octobre 2021 fait état, de plus, de l'assassinat d'au moins 55 personnes après un attentat suicide dans une mosquée chiite de Kunduz, revendiquée par le groupe État islamique, qui s'affirme de la sorte comme le principal adversaire du nouveau pouvoir taliban. Dès lors, même si la situation politique de l'Afghanistan est loin d'être encore décanté à la suite des bouleversements de l'été 2021, les déclarations du requérant s'inscrivent dans un contexte géopolitique plausible qui, eu égard à la cohérence de ses propos et de son profil à risque, permettent, dans les circonstances particulières de l'espèce de tenir pour établir qu'il serait susceptible d'être particulièrement exposés et dépourvus de protection. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur I craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays par le pouvoir taliban en raison des opinions politiques qui pourraient lui être prêtés et aussi de son appartenance ethnique. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".


Cf également: CNDA, 5 novembre 2021, n°20025121:

http://www.cnda.fr/Ressources-juridiques-et-geopolitiques/A:ctualite-jurisprudentielle/Selection-de-decisions-de-la-CNDA/La-Cour-nationale-du-droit-d-asile-a-reconnu-la-qualite-de-refugie-a-un-ressortissant-afghan-d-origine-hazara-au-motif-de-son-appartenance-ethnique

mercredi 12 janvier 2022

Parent d'enfant français Titre de séjour

Par un jugement du 6 janvier 2022 (N° 2011209), le tribunal administratif de Nantes à jugé que:

"Il ressort des pièces du dossier que Monsieur M. est le père de. M. née le 10 juin 2016 et de C.née le 18 mai 2020, toutes deux ressortissantes françaises. Si les éléments produits n'attestent d'une participation du requérant à l'entretien et l'éducation de sa fille M. que, à compter du mois de décembre 2019, il ressort des pièces du dossier que ce dernier entretient une vie commune avec la mère de ses filles depuis au moins le mois de mai 2020. Tant l'acte de naissance de C. que la facture d'électricité produite au soutien de ses écritures mentionnent ainsi que le couple réside à la même adresse. Par cette présence quotidienne auprès de sa fille C. il contribue ainsi nécessairement à l'entretien et l'éducation de cette dernière depuis sa naissance.  Monsieur M produit en outre plusieurs attestations indiquant qu'il est présent auprès de ses filles et s'implique dans leur éducation. Il établit ainsi remplir les conditions encadrant la délivrance du titre sollicité en tant que père de C...............................................................................................................

Il résulte de ce qui précède que Monsieur M est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parents d'enfants français et par voie de conséquence l'annulation des décisions. L'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination..............................................................................

Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Monsieur M un titre de séjour en qualité de parents d'enfants français dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement".


cf aussi: https://denisseguinavocat.blogspot.com/2023/04/oqtf-parent-enfant-francais.html

lundi 10 janvier 2022

Refus de visa Mali enfant étranger majeur à charge

 Par un arrêt du 7 janvier 2022, la Cour administrative d'appel de Nantes (n°21NT00261) a jugé que;

" 4. Il ressort du mémoire. En défense présentée par le ministre de l'Intérieur en première instance que la décision implicite de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le motif que le lien de filiation entre l'enfant et le ressortissant français n'est établi ni par les actes d'état-civil produits., dépourvu de caractère, authentique, ni par la possession d'État.

5. Aux termes de l'article L.111 6. du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile:"La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil". Aux termes de l'article 47 du code civil, "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent , le cas échéant, après toute vérification utile, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établis à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié où inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis. le cas. où le jugement produit  aurait un caractère frauduleux.

7. Pour justifier de son lien de filiation avec Monsieur, M T', Monsieur BT produit la copie du jugement supplétif numéro 2031 du 21 mars 2017 rendu par le Tribunal de grande instance de la commune du district de Bamako faisant état de ce qu'il est né le 21 décembre 2000 à Bamako, de Monsieur MT et de Madame FK, ainsi que le volet numéro 3 (Original remis au déclarant), une copie d'extrait et une copie littérale de l'acte de naissance numéro 157RG 04 dressé en transcription de ce jugement dans les registres de l'année 2017 du centre principal de Missira et qui comporte tous la mention de ce jugement. S'il est vrai que Monsieur BM a par ailleurs produit au soutien de sa demande de visa une copie littérale d'acte de naissance numéro 924RG 19 émanant du centre principal de Missira de la commune de Bamako, établit le 24 mars 2017, dont la levée d'actes faites auprès des autorités maliennes chargé de l'état civil a révélé que l'acte portant ce numéro correspondait à une tierce, personne, le ministre de l'Intérieur ne soutient pas que le jugement supplétif du 21 mars 2017 aurait un caractère frauduleux. Dès lors ,c'est par une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à estimé que le lien de filiation n'était pas établi par les documents d'État civil produits".

Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 décembre 2020 et la décision implicite de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.


Sur le point 6 cf aussi CAA Nantes, 20 mars 2015, n°14NT00989.


L'absence de mention de la date de naissance ou de l'âge des parents, due aux transcriptions en vigueur au Mali, n'enlève pas au document son caractère probant (CAA Nantes, 9 juillet 2018, n°17NT03163).


cf également    CE, 10 mars 2008, n°299698

                        CE, 16 mars 2009, n°312060

                        CE, 23 juillet 2010, n°329971

mercredi 5 janvier 2022

Afghanistan Réfugié Afghans occidentalisés

Par une décision n°21025029 du 4 janvier 2022, la CNDA (5ème section, 1ère chambre)a jugé que:


"...4.Néanmoins, en second lieu, il peut être établi que Mr.R. a quitté l'Afghanistan au cours de l'année 2015 et vit en France depuis le mois de juillet 2019. Pour ce motif, ces éléments risquent d'être interprétés par les taliban comme les signes d'une occidentalisation. En effet, il ressort du rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEAA) Afghanistan: individus ciblés par les normes sociétales et juridiques de décembre 2017, que: "les expulsés et les migrants afghans de retour dans leur pays sont considérés avec suspicion et sont parfois vus par leur famille et leur communauté comme "contaminés" par l'Occident, accusés de s'être "occidentalisés" et d'être devenus "non islamiques" pendant leur séjour en Europe, tels que dans le cas des adolescents et jeunes hommes "avec des signes visibles et invisibles de leur changement culturel" identifiables par des différences vestimentaires, comportementales et d'accent". Il ressort également d'autres sources publiques consultées et notamment du rapport de l'OSAR, publié le 26 mars 2021 et intitulé Afghanistan: risques au retour liés "à l'occidentalisation" qu'être allé en Europe est un motif de persécution suffisant aux yeux taliban. Ce rapport affirme en effet que "l'émigration vers l'Europe est perçue par les taliban comme un acte de résistance politique", ce qui a pour conséquence de mettre en danger de mort les individus perçus comme opposants, qui seraient alors déclarés comme apostats, espions ou étrangers. L'attitude ambigüe des taliban depuis leur prise de pouvoir le 15 août 2021 n'apporte en outre aucun éclaircissement positif sur la manière dont les Afghans de retour au  pays seront traités. De fait, le site de la Ligue des droits de l'Homme en France relève que leur porte-parole a affirmé le 30 août 2021 que les Afghans expulsés d'Europe seraient nécessairement "traduits en justice". Dans ces conditions, le requérant serait donc une cible particulière des taliban en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mr R. craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui seraient imputées. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié."


cf aussi dans le même sens:

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2021/12/afghanistan-refugie-afghans.html


A comparer avec une décision publiée le 30 décembre 2021 sur le site de la CNDA:

http://www.cnda.fr/content/download/186744/1798592/version/1/file/CNDA%2029%20novembre%202021%20M.%20A.%20n%C2%B021025924%20C%2B.pdf




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