mardi 28 décembre 2021

Sénégal Homosexualité Statut de réfugié


CNDA, 24 décembre 2021, n°21014690, 3ème section, 1ère chambre,


"...2. Un groupe social est, au sens des dispositions de la Convention de Genève constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et alors conscience auquel il ne peut leur être demandé de renoncer et une identité propres perçu comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. En fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, en raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de c'est disposition. Il convient, dès lors, dans l'hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié en raison de son orientation sexuelle, d'apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d'assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle un groupe social du fait de regard que porte sur ces personnes la société environnante où les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d'être persécution être persécuté du fait même de leur appartenance à ce groupe. 

3. Il résulte de ce qui précède que l'octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l'appartenance à un groupe social fondée sur une orientation sexuelle commune ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié. D'une part, le groupe social n'est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l'existence objectif de caractéristiques qu'on leur prête mais par le regard que porte sur ces personnes la société environnante ou les institutions. D'autre part, il est exclu que le demandeur d'asile doivent, pour éviter le risque de persécution dans son pays d'origine, dissimuler son homosexualité où faire preuve de réserves dans l'expression de son orientation sexuelle. L'existence d'une législation pénale qui réprime spécifiquement les personnes homosexuelles permet de constater que ces personnes doivent être considéré comme formant un certain groupe social. L'absence d'une telle législation ne suffit pas à établir que ces personnes ne subissent pas de persécution en raison de leur orientation sexuelle. Des persécutions peuvent en effet être exercées sur les membres du groupe social considéré sous couvert de dispositions de droit commun abusivement appliquées ou par des comportements émanant des autorités ou encouragés, favorisés ou même simplement tolérés par celles-ci.

 

4.Il ressort des sources publiques que l'homosexualité est pénalisée au Sénégal. Ainsi, d'après le rapport du département d'État des États-Unis concernant les droits de l'homme au Sénégal publié en 2020, les relations homosexuelles sont interdites et punies dans ce pays, en vertu de l'article 319 du code pénal, d'une peine d'un an à cinq ans  d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 à 1 500 000 francs FA.
Cette disposition est effectivement appliquée, des cas de poursuites et des arrestations ayant été recensés ces dernières années, comme en témoigne une communication de Human Rights Watche au Comité des doits économiques, sociaux et culturels, datée du 15 janvier 2019, laquelle évoque trente huit cas d'arrestations sur des motifs d'orientation sexuelle au titre de l'article susmentionné, entre 2011 et 2016. Les sources publiques disponibles s'accordent à dire que de manière générale, l'homosexualité est perçue de manière particulièrement négative par la société sénégalaise. Ainsi, il est habituel que les homosexuels soient victimes de violences, y compris de la part de leur propre famille, de menaces, voire de viols, comme le rapporte l'article intitulé "Nous sommes des personnes à abattre";"le sort des homosexuels s'aggrave au Sénégal", publié par France Inter le 23 mai 2021. Dans ces conditions, les homosexuels sénégalais constituent un groupe social dont la caractéristique essentielle, à laquelle ils ne peuvent renoncer est leur orientation sexuelle, et dont l'identité propre est perçue comme étant différente par la société environnante et par les institutions sénégalaises.

6. Les explications personnalisées et circonstanciées de Mr C. notamment à l'audience ont permis de tenir pour établie son orientation sexuelle et les persécutions qui en ont résulté. Il a décrit de façon précise son entourage familial et ses conditions de vie durant son enfance et son adolescence. C'est de manière concrète qu'il a fait part de la prise de conscience de son homosexualité et des relations qu'il a entretenues avec des camarades de classe au cours de sa scolarité. Ses propos relatifs à la résolution de s conflit entre son orientation sexuelle et son éducation musulmane se sont révélés tout aussi pertinents et crédibles. En outre, il a apporté des indications précises sur les circonstances dans lesquelles son oncle et sa tante ont découvert son homosexualité, de même que sur ses conditions de vie actuelles, en particulier la manière dont il a rencontré d'autres hommes depuis son arrivée en France. A cet égard, il a spontanément cité le nom d'applications de rencontre qu'il utilise à cet effet...
La persistance de risques, actuellement pour les personnes homosexuelles au Sénégal, constituent un indice sérieux que le requérant puisse être persécuté en cas de retour dans son pays..."



La qualité de réfugié est reconnue  à Mr C...


cf aussi:

Somalie Protection subsidiaire Mogadiscio Eléments de vulnérabilité

 CNDA, 21 décembre 2021, n°21050783, 1ère section, 4ème chambre,


"...5. Les déclarations de Mr S.H, notamment au cours de l'audience publique devant la Cour, permettent de tenir pour établie sa nationalité somalienne, son appartenance au clan Ashraf, lesquelles ne sont au demeurant pas contestées par l'OFPRA, et sa provenance de Mogadiscio. Il a, en effet, fourni des indications précises sur son quartier et sa vie dans la capitale et il a su exposer avec clarté des éléments caractéristiques de son clan minoritaire Ashraf....

...12. Dans ces circonstances, il y a lieu de tenir compte de l'existence, le cas échéant, d'un indice sérieux de risque réel pour le requérant de subir des atteintes graves. En l'espèce, Mr. S.H. a su apporter des éléments précis et concrets sur sa situation personnelle permettant de considérer qu'il serait exposé à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en cas de retour en Somalie. En effet, il peut être établi, au regard des ses déclarations à l'audience, qu'il se trouverait en cas de retour à Mogadiscio, dans un état de vulnérabilité du fait de son absence prolongée du pays, du jeune âge au moment de son départ et de sa situation d'isolement, et ce d'autant qu'il ne pourrait bénéficier de l'appui et la protection d'un clan majoritaire en cas de retour à Mogadiscio, étant issu d'un clan minoritaire..."


C'est donc la protection subsidiaire au titre de l'article L.512-1-3° qui lui est accordée.


Précision; l'intéressé était âgé de 15 ans au moment de son départ de Somalie, en 2008. Son épouse vit en Egypte, son père est décédé, sa mère vit au Kenya.


cf dans le même sens, CNDA, 5 mars 2021, n°20041198, https://denisseguinavocat.blogspot.com/2021/03/protection-subsidiaire-somalie_9.html


, cf aussi, CNDA, 23 juillet 2020, n°19047533

mercredi 22 décembre 2021

CNDA Jugement Minute Signature


Nous avions demandé l'aide juridictionnelle devant le Conseil d'Etat à la suite d'un jugement de la CNDA concernant un ressortissant afghan.

Par un arrêt du 21 décembre 2021, n°451230, Section du contentieux,10ème chambre, le Conseil d'Etat a jugé que:

"......................................................................................................................................................

Considérant ce qui suit:

1. Le dernier alinéa de l'article R.733-30 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que: "La minute de chaque décision est signée par le président de la formation de jugement qui a rendu cette décision et par le secrétaire général de la cour ou par un chef de service".

2. Il ne ressort pas des pièces de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile que la minute de la décision attaquée comporte les signatures du président de la formation de jugement qui a rendu cette décision et du chef de service. Il s'ensuit que cette décision est entachée d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. M...est fondé à  en demander l'annulation.

......................................................................................................................................................"

Note:

L'article R.733-30 est devenu l'article R.532-52 depuis le 1er mai 2021.

Cette décision du Conseil d'Etat est publiée sur le site Légifrance:

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044558481?isSuggest=true


Cf également  CE, 24 janvier 2000, n°189812: "Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 25 du décret du 2 mai 1953 susvisé : "La minute de chaque décision est signée par le président de la formation de jugement qui a rendu cette décision et par le secrétaire général de la commission ou par un chef de section" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute de la décision attaquée n'a pu être retrouvée au greffe de la commission où elle devait être conservée ; que, dès lors, en l'absence de cette pièce, le respect des dispositions susrappelées ne peut être présumé et que la décision attaquée doit être annulée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;"

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008081525?isSuggest=true

lundi 20 décembre 2021

Tchad Excision Groupe social

 CNDA, 17 décembre 2021, 6ème section, 4ème chambre, n°20046184:"Les possibilités de protection pour les victimes de MGF au Tchad demeurent limitées, législation en vigueur n'étant pas appliquée. Ainsi, il peut être considéré que l'excision             s'apparente au sein des communautés arabes à une norme sociale et que les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève..."


cf également, CNDA, 5ème section, 3ème chambre,  12 janvier 2021 n°19010484, n°19010598, n°19010726:

"...5. Un groupe social est, au sens de l'article 1er A,2 de la convention de Genève précité, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. L'appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou s'ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe.

6. Il en résulte que, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants non mutilés constituent de ce fait un groupe social. Dès lors, l'existence de ce groupe social ne dépend pas du nombre des personnes qui le composent mais du regard porté par la société environnante et les institutions sur les personnes appartenant à ce groupe, l'observation des variations des taux de prévalence des mutilations sexuelles féminines parmi les populations d'un pays, qui a pour seul objet de mesurer la présence et l'évolution de ce fait social objectif au sein de ces populations, permet d'établir, parmi d'autres facteurs géographiques, ethniques, culturels, sociaux ou familiaux, le lien éventuel entre cette persécution et l'appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées. ll appartient ainsi à une personne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de refugiée en se prévalant de son appartenance à  ce groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu'elle encourt personnellement de manière à permettre à l'OFPRA et, le cas échéant, au juge de l'asile d'apprécier le bien-fondé de sa demande.

7. Au Tchad, bien que les MGF soient pénalisées par la loi n°006/PR/2002 du 15 avril 2002 portant promotion de la santé de reproduction et l'article 318 du code pénal issu de la loi n°2017-01 du 8 mai 2017, la pratique perdure. En effet, si le rapport de novembre 2019 de l'organisation non gouvernementale 28 Too Many et l'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples au Tchad (EDS-MICS) de 2014-2015 révélaient que les taux de prévalence des MGF avaient sensiblement diminué au Tcahd, les pratiques demeurent encore très répandues au sein de plusieurs communautés. Le taux de prévalence de l'excision est d'environ 38 % au niveau national mais varie considérablement selon les régions et les communautés, pouvant aller de 1 à 96 %. Il ressort en outre de l'enquête démographique et de santé à indicateurs multiples pour le Tchad de mai 2016 que le taux de prévalence de l'excision en milieu urbain plus particulièrement à N'Djamena est de 40 %. Toutefois, pour les tribus arabes, le taux de prévalence de l'excision est de  85,4 % et s'agissant de la région du Ouaddaï d'où le père de MMes H... et F... est originaire, celle-ci est l'une des régions au plus fort taux de prévalence des MGF avec un taux de 82 %. Selon un article de Radio France Internationale du 12 septembre 2020, intitulé "Bien qu'interdits, les cas d'excision se multiplient au Tchad", l'Eglise catholique tchadienne et la Commission nationale des droits de l'homme se sont alarmées de la recrudescence de la pratique des MGF dans le pays et de ce que "les autorités semblent se désintéresser du sujet", ayant "préféré la pédagogie à la sanction". De fait, le droit coutumier et le droit musulman s'appliquent concuremment avec le droit écrit, et régissent la plupart des aspects de la vie familiale et le statut de la femme, notamment les MGF...



dimanche 19 décembre 2021

Somalie Statut de réfugié Jilib Opinions politiques imputées Persécutions milices Al-Shabab

 CNDA, 1ère section, 1ère chambre, 17 décembre 2021, n°21045518:

".3. En premier lieu, les pièces du dossier ainsi que les déclarations circonstanciées et personnalisées faites en audience publique devant la Cour par Mr M.ont permis d'établir sa nationalité somalienne, sa provenance du Moyen-Djouba et de tenir pour fondées ses craintes de persécutions par la milice Al-Shabaab à son encontre à raison des opinions politiques qui lui sont imputées. En premier lieu, le requérant a livré des informations précises et corroborées par les cartes publiques disponibles, tant lors de son audition de l'Office qu'en audience devant la Cour, sur son environnement géographique, dont il a cité plusieurs villages des environs en rapport avec son histoire personnelle. L'appartenance du requérant au clan sheekhal (sheikhal)a pu également être établie au vu de la forte présence de ce clan à Jilib, selon les sources disponibles d'information, et au vu de ses explications précises, notamment sur les difficultés rencontrées avec la milice extrémiste Al-Shabaab par certains membres de ce clan qui a un statut religieux par héritage mais qui pratique un islam modéré soufi. Concernant son environnement sécuritaire, le requérant a décrit en des termes précis les conséquences sur la vie quotidienne de sa famille du contrôle de Jilib par la milice Al-Shabaab depuis 2007, qui est attesté par les sources publiques, notamment le rapport intitulé "Somalia-Southern regions" publié en septembre 2013 par Conflict Early Warning Reponse Unit (CEWERU)et les rapports du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) sur la situation sécuritaire en Somalie publiés successivement en 2014,2016,2017 et 2021, qui soulignent que Jilib est l'un des bastions de la milice de 2007 à ce jour.

4. En second lieu, le requérant a décrit en des termes précis les pressions exercées  par la milice Al-Shabaab sur les activités économiques de sa famille. Il a en outre exposé de façon personnalisée les circonstances dans lesquelles son frère aîné a été recruté de force par la milice et les recherches faites, en vain, par son père, désespéré pour tenter en vain de retrouver son fils aîné. Il a, en outre, exposé en termes convaincants ses profondes divergences avec la milice sur son rapport à la religion, la pratique d'un islam soufi par sa famille, opposée au fanatisme des Al-Shabaab. A cet égard, ses explications son apparues plausibles au vu des informations contextuelles issues notamment du rapport de l'EASO sur la Somalie centrale et méridionale de 2014 selon lequel "les Ashraf et les Sheikhal sont généralement respectés et protégés comme chefs religieux modérés par les clans parmi lesquels ils vivent". Il a ensuite rapporté en des termes précis et constants les circonstances dans lesquelles il a été recruté de force au début de l'année 2018 par des miliciens Al-Shabaab  ainsi que l'endoctrinement dont il  fait l'objet pendant les trois semaines suivantes. Les propos du requérant relatifs aux circonstances de sa fuite du camp en 2018, à la faveur d'un bombardement aérien contre son camp sont apparues plausibles au vu des informations contextuelles. A cet égard, en effet, les rapports du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) sur la situation sécuritaire en Somalie publiés en 2017 et 2021, indiquent que la majeure partie des incidents de sécurité dans le Moyen-Djouba, et dans le district de Jilib en particulier, sont liés à l'activité anti-insurrectionnelle ciblant la milice Al-Shabaab sous forme d'attaques aériennes des forces armées américaines. Enfin le requérant a fait valoir en termes convaincants ses craintes d'être victime de représailles en cas de retour en Somalie de la part de la milice Al-Shabaab en tant que déserteur. Sur ce point, les sources publiques, notamment le rapport EASO intitulé "Somalia-Target profiles", publié en septembre 2021, souligne que les insoumis et déserteurs des rangs d'Al-Shabaab sont exposés au risque d'exécution sommaire. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mr M.craint avec raison...d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputées par la milice Al-Shabaab sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités".

C'est donc le statut de réfugié qui est reconnu à notre client.


Denis SEGUIN

Avocat 

Docteur en droit

Spécialiste en droit des étrangers


OQTF étudiant Titre de séjour étudiant refus de renouvellement

 Concernant les refus de renouvellement  d'un titre de séjour étudiant, il "appartient au préfet saisi d'une demande tenant au renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études" (TA Nantes, 8ème chambre, 9 décembre 2021, n°2012658):

" 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E.a été inscrite, au titre de chacune des années universitaires 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019, au sein du parcours de formation d'une année permettant d'accéder aux études de santé, dénommé "PluriPASS", proposé au sein de l'université d'Angers. Pour l'année 2019-2020, elle a été inscrite en première année du cycle préparatoire  l'Ecole supérieure électronique de l'Ouest (ESEO) à Angers et elle s'y est de nouveau inscrite pour l'année universitaire 2020-2021, au titre de laquelle elle a sollicité la délivrance de la carte de séjour temporaire qui lui a été refusée par la décision en litige.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des extraits précis et circonstanciés du dossier médical relatifs à l'hospitalisation de Mme E. du 24 au 27 juillet 2019 au sein de l'unité psychiatrique d'accueil et d'orientation du Centre de santé mentale d'Angers, que l'intéressée souffre, depuis plusieurs années, de dépression d'intensité moyenne à sévère, qui donné lieu, à compter du mois d'avril de l'année 2019, à un traitement qui n'a pas été efficace. Il ressort de ces mêmes pièces que la maladie de la requérante est en lien avec le climat familial, son père, domicilié au Maroc, exerçant des violences sur les membres de sa famille, dont la requérante, laquelle, pour s'extraire de ce cadre familial, a accepté de suivre des études dans le domaine médical imposé par son père, à qui elle a, par la suite, caché ses difficultés. Il ressort également des pièces du dossier que si, après ses trois échecs successifs dans le parcours de formation permettant d'accéder aux études de santé, elle s'est inscrite, au titre de l'année universitaire 2019-2020, en première année du cycle de préparation à l'école d'ingénieurs ESEO, qu'elle n'a pas validée,le directeur des études du groupe ESEO qu'elle a été autorisée par le jury à s'y inscrire de nouveau au titre de l'année universitaire 2020-2021 "compte tenu des problèmes de santé qu'elle a rencontrés" au cours de l'année universitaire précédente. Il ressort effectivement des pièces du dossier que Mme E. a développé, pendant plusieurs mois,des douleurs abdominales s'aggravant progressivement pour être, durant certaines périodes, presque permanentes, ces douleurs s'associant à une anorexie, déjà relevé lors de son hospitalisation du mois de juillet de l'année 2019, provoquant un amaigrissement de 7kg en un mois. Dans l'attestation précitée, le directeur des études du groupe ESEO, évoquant l'autorisation du jury de s'inscrire à nouveau en première année, accordée à  Mme E., précise que "cette décision du jury est rare, la réorientation directe est le cas classique, le jury a considéré que Mme E. présentait toutes les chances de réussir cette nouvelle année compte tenu de ses capacités intrinsèques". Or, il ressort des pièces du dossier, qu'à l'issue de l'année universitaire 2020-2021, Mme E., dont les enseignants soulignent les qualités, a validé sa première année avec les félicitations du jury, ce qui corrobore l'attestation du directeur des études du groupe ESEO concernant les capacités intrinsèques de l'intéressée à réussir le cycle préparatoire au sein de cette école.

Au regard de l'ensemble de ces circonstances particulières, les redoublements de la requérante et la stagnation de son parcours universitaire de 2016 à 2019 ne permettent pas de considérer qu'elle ne peut être raisonnablement regardée comme poursuivant effectivement des études. Par suite, la décision rejetant sa demande tendant au renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" repose sur un motif qui est entaché d'une erreur d'appréciation."



Le tribunal annule les décisions (refus et OQTF) et enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer la carte de séjour portant la mention étudiant.

jeudi 16 décembre 2021

Afghanistan Réfugié Afghans occidentalisés

Par une décision du 10 décembre 2021 (n°21038048, 1ère section 2ème chambre), la CNDA a jugé que:


"5. Cependant, il ressort des sources publiques disponibles, parmi lesquelles le rapport du Home Office britannique intitulé "Country Policy and Information Note.Afghanistan: afghans perceived as Westerneised" publié en janvier 2018, que la perception de la société afghane face aux retours d'afghans en Afghanistan après un séjour en Europe est variée. En effet, un élément central de cette perception découle de la réussite ou non de leur séjour en Europe et du fait qu'il s'agisse d'un retour volontaire ou forcé. De cette absence de réussite peut découler des stigmatisations et des discriminations de la part de la société afghane. Ce même rapport, ainsi que les rapports de l'European Asylum Support Office (EASO), intitulé "Country Guidance: Afghanistan" de décembre 2020 et "Afghans nationals perceived as "westernised", du 9 septembre 2020, celui du Home Office britannique, intitulé "Country Policy and Information Note.Afghanistan: unaccompanied children" publié le 16 avril 2021 et de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), publié le 26 mars 2021 et intitulé "Afghanistan: risques au retour liés à l'occidentalisation" relèvent que les afghans considérés comme occidentalisés s'exposent également à des risques de la part des taliban comprenant des menaces, agressions, des enlèvements et des persécutions du fait de leur séjour en Europe. Ils soulignent que leurs familles peuvent également être ciblées. En effet, une suspicion de conversion religieuse plane sur eux et ils sont perçus comme ayant adopté des valeurs européennes. Ainsi, ils sont accusés d'être des infidèles, des espions et des traitres. En outre, les craintes du requérant sont renforcées par le contexte prévalant, à la date de la décision, en Afghanistan, à savoir la prise de Kaboul par les taliban le dimanche 15 août 2021, corroborée par plusieurs sources publiques d'informations, tel que le communiqué de presse de l'Organisation non gouvernementale Human Rights Watch du 17 août 2021 titré "Afghanistan: les talibans au pouvoir" ou encore l'article de presse "Comment les talibans ont repris l'Afghanistan" publié le 17 août 2021 par le quotidien Le Monde. Enfin, un article publiée par l'agence Reuters, le 30 août 2021, fait état de ce que le porte-parole des talibans, interrogé sur le retour forcé des afghans déboutés de l'asile en Europe, a affirmé que les talibans étaient prêts à accepter le retour de ces personnes, mais que ces derniers supposés revenir en Afghanistan à la suite d'infractions commise en Occident, seraient alors jugés selon les préceptes de la Charia. Dès lors, l'occidentalisation manifeste du profil de Mr.Z; qui a quitté son pays en 2020, et a depuis résidé en Europe, notamment en Bosnie-Herégovine et en France, suffit, en l'espèce, à fonder des craintes de persécutions personnelles vis-à-vis des talibans, en cas de retour en Afghanistan. A cet égard, le requérant porte des marques visibles de son occidentalisation, lesquelles sont des éléments susceptibles de faire de lui, en plus de son jeune âge et de son séjour en Europe, une cible particulière en cas de retour dans son pays d'origine, en raison des opinions politiques et religieuses qui lui seraient imputées, de ce fait. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mr Z. s'expose à des persécutions de la part des taliban en cas de retour en Afghanistan en raison des opinions politiques et religieuses qui lui sont imputées. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié..."



cf aussi dans le même sens:

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2022/01/afghanistan-refugie-afghans.html



A comparer avec une décision publiée le 30 décembre 2021 sur le site de la CNDA:

http://www.cnda.fr/content/download/186744/1798592/version/1/file/CNDA%2029%20novembre%202021%20M.%20A.%20n%C2%B021025924%20C%2B.pdf


lundi 13 décembre 2021

Titre de séjour parent enfant français Reconnaissance de paternité

Jugement TA Nantes, 2 décembre 2021, n°2012397:

"4. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient à l'autorité préfectorale, s'il est établi lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L.313-11 du Ceseda, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité ou d'un titre de séjour de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme mère d'un enfant français.


5. Il ressort des pièces du dossier que Mme BT a déclaré, dans le cadre de son audition, réalisée à la demande du préfet de Maine-et-Loire effectuée dans le cadre de la demande rejetée par la décision en litige, par un officier de police judiciaire le 1er juin 2020, que le père des enfants se trouvait au Gabon. Si cette déclaration tend à établir que M.B... n'est pas le père biologique des enfants N.et R., il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'ils ont vécu ensemble au Gabon y compris après la naissance des enfants et que la communauté de vie perdure en France et le préfet de Maine-et-Loire n'apporte par le moindre élément, ni même n'allègue, que Mr B..., quand bien même il a vécu et vit avec la requérante, n'aurait pas contribué à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il ressort en outre des pièces du dossier que Mr B...a été déclaré comme étant le père des enfants dès le 24 décembre 2014, soit quatre jours après la naissance et plus de 2 ans avant le dépôt de la demande de visa d'entrée et de long séjour par Mme BT. Si cette déclaration ne vaut pas pour les enfants, conformément aux articles 415 et 418 du code civil gabonais reconnaissance de paternité dès lors qu'elle n'a pas été effectué par Mr B...lui-même mais par leur mère, ce dernier a reconnu les enfants le 11 mai 2017 auprès de l'officier de l'état civil du consulat général de France à Libreville. Certes, plus de deux années séparent la naissance des enfants et leur reconnaissance paternelle, mais comme cela a déjà été relevé, d'une part Mme BT a elle-même déclaré dès le 24 décembre 2014 Mr B... comme le père des enfants, d'autre part, elle a vécu ) ses côtés avec ces enfants. Enfin, si le procès-verbal de l'audition de Mr B...indique que '2015" correspond à l'année de sa rencontre avec Mme BT, ce même document précise par ailleurs que l'intéressé a reconnu les enfants en 2014, ce qui corrobore la déclaration effectuée par la requérante le 24 décembre 2014 concernant l'identité du père des enfants. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la reconnaissance de paternité ne peut être regardée comme ayant été effectuée par Mr B...dans le but de faciliter la délivrance d'un titre de séjour à Mme VT en qualité de parent d'enfant français et par suite comme révélant une fraude auquel il aurait appartenu à l'autorité administrative de faire échec, en rejetant la demande de titre de séjour. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que le décision attaquée repose sur sur un motif entaché d'erreur d'appréciation".

Annulation du refus de renouvellement du titre de séjour et injonction de délivrer une carte de séjour mention vie privée et familiale.




mercredi 8 décembre 2021

Interdiction de retour sur le territoire français (IRTF)

Au visa des articles L.612-7 et L.612-10 du Ceseda, le Tribunal administratif de Grenoble (2ème chambre) a jugé par un jugement du 30 novembre 2021, n°2105000 que:

§ 12. "...la durée de l'interdiction de retour doit être décidée au regard des 4 critères mentionnés à l'article L.612-10 du code précité, à savoir la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une mesure d'éloignement antérieure et le fait que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public...


§14. ...L'interdiction de retour ne répond pas aux 4 critères énumérés. Dans le cas d'espèce, le préfet de l'Isère relève que l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public tout en indiquant que celui-ci a été interpellé pour usage illicite de stupéfiants ainsi que pour vol simple, puis interpellé pour port sans motif légitime d'arme blanche. Cette contradiction dans la qualification du critère relatif à l'ordre public et le non cumul des 4 critères prévus à l'article L.612-10 du code précité démontrent l'absence de prise en compte de la situation de Mr F...Il a par suite commis une erreur de droit...".



L.612-7:

"Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour.
Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français".


L.612-10:

"Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français".
Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11.





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