dimanche 18 décembre 2022

Somalie Protection subsidiaire Bas-Shabelle Gaboye Yibir

 CNDA, 16 décembre 2022, n°21060935, 1ère section,1ère chambre:


"4...Il peut être établi que Mme S...est originaire de Janaale, dans le Bas-Chébéli, et qu'elle appartient aux groupes minoritaires des Gaboye et des Ybir. En outre, il ressort de ses explications étayées que, même si elle a eu la possibilité de choisir son époux, ce dernier est devenu violent après leur mariage et l'a régulièrement maltraitée. Dans ce contexte, ne pouvant compter sur le soutien de sa famille, elle a été contrainte de prendre la fuite et de quitter son pays. Son récit des mauvais traitements dont elle a été victime est d'ailleurs corroboré par les certificats médicaux versés au dossier. Elle a également précisé au cours de l'audience qu'outre le conflit armé en cours, son époux violent était sa seule crainte. A cet égard, plusieurs sources publiques, notamment le rapport 2017/18 d'Amnesty International et le rapport du Département d'Etat des Etats-Unis sur la situation des droits humains en Somalie, publié en mars 2021, indiquent que les violences liées au genre infligées à des femmes et des filles sont répandues dans ce pays. Enfin, le rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile sur la Somalie, publié en août 2014, précise que "la Somalie est l'un des pires endroits au monde pour être une femme (178ème place), selon un rapport publié en mai 2014 par Save The Children". Ainsi, si l'intéressée ne saurait prétendre à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugiée dès lors qu'elle ne fait valoir aucune crainte fondée sur l'un des motifs énumérés à l'article 1A 2 de la Convention de Genève, elle établit être exposée à des atteintes graves au sens de l'article L.512-1-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait de son époux en raison des violences subies, sans être en mesure de bénéficier de la protection des autorités défaillantes. Dès lors, Mme S...doit se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire"...



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit

Somalie Protection subsidiaire Bakool Gaboye

 CNDA  16 décembre 2022, n°22023938, 1ère section, 1ère chambre:

"...13...Dans la région de Bakool, les civils sont exposés à la violence engendrée par les affrontements entre les shabab et les forces qui les combattent et, dans les zones rurales sous le contrôle de ce mouvement terroriste, à la violence de la loi islamique. En outre, ils y subissent des restrictions de déplacement ainsi que des entraves à leur activité commerciale et à l'accès à l'aide humanitaire qui leur sont imposées par les shabab. Comme la plupart des régions en Somalie,la région de Bakool est touchée par des déplacements de populations liés notamment au conflit armé en cours. Enfin, de janvier 2020 à juin 2021, l'ACLED y a recensé 118 incidents sécuritaires et 95 personnes tuées.

14. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la situation sécuritaire prévalant actuellement dans ces régions, en particulier dans la région de Bakool, doit être qualifiée de situation de violence aveugle, comme l'indique d'ailleurs l'AUEA dans ses lignes directrices publiées en juin 2022, dont les Etats membres de l'Union européenne doivent tenir compte conformément à l'article 11 du règlement 2021/2303/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021...

15...Cependant, en application de la jurisprudence de la CJUE mentionnée au point 6, la requérante doit être regardée comme étant exposée à un tel risque en raison de sa vulnérabilité résultant de son jeune âge, des traumatismes subis pendant son parcours d'exil et de la situation d'isolement familiale et social dans laquelle elle risque de se trouver en cas de retour dans son pays. Par ailleurs, sa vulnérabilité risque d'être renforcée par l'impossibilité de bénéficier du soutien et de la protection du groupe minoritaire des Gaboye auquel elle appartient. Dès lors, Mme J...est fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire prévue par le 3° de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile...".



NB:


Dans cette décision sont également classées en situation de violence aveugle les régions du Bénadir, du Bas-Chébéli et de Bay.




Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit

mercredi 30 novembre 2022

Guinée Homosexualité Groupe social Statut de réfugié

 CNDA, 25 novembre 2022, n°22040698, 6ème section, 4ème chambre:

"2.Un groupe social, au sens des stipulations [précitées de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951], est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. En fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, en raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions. Il convient, dès lors, dans l’hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié en raison de son orientation sexuelle, d’apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe. 

3. Il résulte de ce qui précède que l’octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur une orientation sexuelle commune ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié. D’une part, le groupe social n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions. D’autre part, il est exclu que le demandeur d’asile doive, pour éviter le risque de persécution dans son pays d’origine, dissimuler son homosexualité ou faire preuve de réserve dans l’expression de son orientation sexuelle.  L'existence d’une législation pénale, qui réprime spécifiquement les personnes homosexuelles, permet de constater que ces personnes doivent  être considérées comme formant un certain groupe social. L'absence d'une telle législation en suffit pas à établir que ces personnes ne subissent pas de persécutions en raison de leur orientation sexuelle. Des persécutions peuvent en effet être exercées sur les membres du groupe social considéré sous couvert de dispositions de droit commun abusivement appliquées ou par des comportements émanant des autorités, ou encouragé, favorisé ou même simplement tolérés par celles-ci. 

"4.Dès lors que l'homosexualité est criminalisée en Guinée, puisque l'article 274 du nouveau code pénal guinéen, dans sa rédaction issue de la loi 2016/059/AN promulguée le 26 octobre 2016, condamne à une peine d'emprisonnement de 6 mois à 3 ans , ainsi qu'à une amende "tout individu commettant un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe", et que les articles 275 et 276 du même code prévoient des peines allant jusqu'à 2 ans d'emprisonnement pour les personnes accomplissant publiquement "un acte intentionnel accompli publiquement et susceptible d'offenser la pudeur et le sentiment moral des personnes qui en sont les témoins involontaires", les homosexuels constituent en Guinée un groupe social au sens de la convention de Genève. Si aucun cas de poursuites judiciaires fondées sur la législation pénale susmentionnée n'a encore été répertorié, le rapport du centre de recherches belge du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA)le 28 novembre 2017 et intitulé "Guinée-l'homosexualité", rapporte que plusieurs personnes ont été arrêtées par les autorités en 2015,2016 et 2017. En outre, le rapport de mission de l'OFPRA et de la Cour en République de Guinée, publié en 2018, la note de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié au Canada (CISR)intitulée "Guinée: information sur le traitement réservé aux minorités sexuelles, y compris les lois;le traitement réservé aux minorités sexuelles par la société et les autorités; la protection offerte par l'Etat et les services de soutien à la disposition des victimes (2014-septembre 2017)", publiée le 21 septembre 2017, et le rapport du Département d'Etat des Etats-Unis sur les pratiques en matière de droits de l'homme en Guinée, publié le 30 mars 2021 confirment que les membres de la communauté homosexuelle guinéenne sont largement confrontés, dans leur pays, à un environnement culturel et religieux hostile, et qu'ils préfèrent souvent dissimuler leur orientation sexuelle pour ne pas s'exposer à des actes de violences de la part de leur entourage ou des forces de l'ordre. Ainsi, si la seule pénalisation des actes homosexuels en Guinée en constitue pas en tant que telle, une persécution, l'ensemble de ces éléments permet cependant d'estimer que les personnes homosexuelles sont susceptibles d'être exposées dans ce pays à un risque de persécutions en raison de leur orientation sexuelle et y constituent un groupe social...

6. Les déclarations personnalisées de Mr D...devant la Cour, et notamment, au cours de l'audience, ont permis de tenir pour établies l'orientation sexuelle et ses craintes de persécutions en cas de retour en Guinée. En particulier, l'intéressé s'est exprimé de manière personnalisée sur la prise de conscience et son orientation sexuelle en Guinée. Par ailleurs, il a été en mesure de décrire un environnement familial et social au sein duquel il a été contraint de cacher son orientation sexuelle. En outre, ses explications sur les circonstances de son départ de Guinée n'ont pas permis d'exclure la découverte par son père de son homosexualité. Enfin, il a évoqué de manière spontanée et personnalisée sa relation actuelle en France avec un jeune homme rencontré au sein de la fondation le Refuge au contact duquel il a commencé à assumer son identité..."


Dans le même sens, CNDA, 15 janvier 2021, n°20036567 (http://denisseguinavocat.blogspot.com/2021/02/appartenance-au-groupe-social-des.html)

cf aussi:

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2020/05/statutderefugie-guinee-homosexualite.html


Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers 

Docteur en droit




lundi 21 novembre 2022

OQTF Parent enfant français Annulation article 3.1 CIDE

 Tribunal administratif de Nantes, 16 novembre 2022, n°2110279, 7ème chambre:


"...11.La décision obligeant la requérante à quitter le territoire français aura pour conséquence de séparer son enfant du père de ce dernier, qui est un ressortissant français résidant en France. Même s'il n'est pas établi que ce ressortissant participe à l'entretien et à l'éducation de cette enfant dans les conditions prévues à l'article 372-1 du code civil, il verse cependant à la requérante des sommes destinées à cet entretien et il est susceptible de nouer des liens ave cette enfant, née le 22 décembre 2019, et de participer à son éducation. Dans ces conditions, Mme D...est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination doivent être annulées...".

14. ...Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Seguin, avocat de la requérante, d'une somme de 1200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour Me Seguin de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle...".



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité

Docteur en droit




L.423-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile:
"L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1".

L.423-8 : 
"Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant.
Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant".


Convention internationale des droits de l'enfant Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989:
Article 3.1:"Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale"


Côte d'Ivoire Statut de réfugiée mariage forcé


CNDA, 14 novembre 2022, n°22040868, 2ème section, 1ère chambre:


"...3.Dans une population au sein de laquelle le mariage forcé est couramment pratiqué au point de constituer une norme sociale, les jeunes filles et les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté constituent de ce fait un groupe social.

5.Il ressort des sources d'information disponibles qu'en Côte d'Ivoire, si la loi n°2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage a réaffirmé le principe du consentement des deux époux et si le mariage forcé, qu'il soit civil, coutumier ou religieux, est désormais constitutif d'un délit au titre de l'article 439 du nouveau code pénal ivoirien, le durcissement de la législation relative au mariage forcé en Côte d'Ivoire n'affecte pas la permanence de ce phénomène. A cet égard, le Rapport de la mission en République de Côte d'Ivoire de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile publié en 2020 souligne, comme l'avait déjà relevé le précédent rapport de mission publié en 2013 et comme le relèvent d'autres sources publiques disponibles, que la pratique du mariage forcé repose sur des fondements traditionnels et culturels très établis et perdure principalement dans les zones rurales. Le "motif économique" en est la "principale cause", ainsi que le relève le "COI Focus" du 25 octobre 2018 publié par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et intitulé "Côte d'Ivoire-le mariage forcé". Le rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO devenu AUEA)sur la Côte d'Ivoire, publié en juin 2019, constate également la persistance des mariages forcés malgré des efforts conjoints du gouvernement ivoirien, des agences de Nations Unies et de la société civile. Par ailleurs, il demeure particulièrement difficile pour les femmes de se soustraire à des unions, sous peine de subir un ostracisme social, ou même des violences de la part de leur famille. Le département d'Etat des Nations-Unies, dans son rapport sur l'état des droits de l'homme en Côte d'Ivoire pour l'année 2019, qui a été publié le 11 mars 2020, constate ainsi que plusieurs cas de mariages ou de tentatives de mariages forcés ont été documentés au cours de l'année 2019. Les autorités demeurent, en outre, encore peu formées sur la question. Dès lors, les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé en Côte d'Ivoire constituent un groupe social au sens de la convention de Genève et sont susceptibles d'être exposées de ce fait à des persécutions".


Denis SEGUIN
Avocat spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité
Docteur en droit


 

cf aussi article publié le 23/04/2024

mardi 25 octobre 2022

Djibouti Statut de réfugié

 CNDA, 4 octobre 2022, n°22029500 et 22034627:

"...Ils ont fourni des indications tangibles et concordantes concernant les activités politiques de leur père pour le parti Mouvement pour le Renouveau Démocratique (MRD). D'autre part, Monsieur K s'est exprimé de façon substantielle et personnalisée concernant son propre engagement au sein de ce parti à compte de mars 2021. Il a notamment justifié son adhésion par des éléments personnifiés en invoquant notamment les inégalités sociales subies par les membres de son clan, décrites de manière concrète.

"...Ces propos sont, à ce titre, étayés par les sources pertinentes publiquement disponibles dont le rapport du Département d'Etat américain sur la situation des Droits de l'Homme à Djibouti, paru le 12 avril 2022 et selon lequel les membres du clan Samarron sont confrontés à des discriminations ethniques dans l'accès à l'emploi ainsi que dans les évolutions professionnelles. D'autre part, si Monsieur A.produit une carte de membre de ce parti alors que selon ses déclarations constantes il n'en était pas militant, il a expliqué que son père, militant actif de ce parti, était à l'origine de cette délivrance et il ait apparu vraisemblable que l'intéressé ait été identifié et visé du fait du militantisme de ce dernier qui avait acquis une visibilité auprès des autorités. Enfin, ils ont livré un récit circonstancié de leurs arrestations et de leurs incarcérations respectives et ont évoqué en des termes personnalisés l'emprisonnement de leurs parents, qui selon les dernières informations qu'ils ont obtenues seraient toujours maintenus en détention. A cet égard, leurs déclarations s'inscrivent dans un contexte plausible et documenté. En effet, il ressort des sources d'information publiquement disponibles, telles qu'une note de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada du 8 juillet 2015, intitulée "Djibouti: information sur le traitement réservé par les autorités aux membres du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), notamment depuis la prise de position du parti contre l'accord-cadre de décembre 2014 entre l'Union pour le salut national (USN)et le gouvernement (2014-juillet 2015)", que le rapport du Département d'Etat américain précité ou encore un article de RFI publié le 10 octobre 2021 et intitulé "Djibouti: les arrestations arbitraires et illégales se multiplient" que les opposants politiques djiboutiens dont les membres du MRD font l'objet de harcèlement, d'arrestations et de détentions arbitraires et sont victimes de tortures dans les prisons. Ces mêmes sources précisent notamment que les organisations non gouvernementales dénoncent "un climat de terreur instauré par le pouvoir djiboutien contre les populations civiles" à Djibouti. L'organisation "Freedom House" dans son rapport sur Djibouti, inclus dans Freedom in the world 2022, a de surcroît alerté la communauté internationale sur les violations des droits humains perpétrés par le gouvernement d'Ismail Omar Guelleh et notamment à l'encontre de membres de l'opposition politique. Il fait état d'une recrudescence des violences commises en toute impunité par les forces de l'ordre et rappelle l'instrumentalisation de la justice par le régime".


Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en Droit



mercredi 21 septembre 2022

Somalie Bas-Juba Kismayo clan Sheikhal absence prolongée

CNDA, 16 septembre 2022, n°21061565:

4. Compte tenu des explications précises qu’a fournies Mme M., notamment au cours de l’audience publique, au sujet de son environnement socioculturel, géographique et sécuritaire en Somalie où elle a vécu jusqu’en 1992, il peut être établi qu’elle est de nationalité somalienne, originaire de Kismayo et qu’elle appartient au groupe minoritaire des Sheikhal

8. Il ressort des sources d’informations publiques disponibles, notamment des rapports du Secrétaire général des Nations unies des 8 février 2022 (S/2022/101) et 13 mai 2022 (S/2022/392), qui portent sur les principaux faits qui se sont produits en Somalie du 6 novembre 2021 au 6 mai 2022, que la situation sécuritaire en Somalie demeure instable et volatile. Selon le rapport d’Amnesty International sur les droits humains en Somalie en 2021, « Les différentes parties au conflit armé ont cette année encore commis des crimes de droit international en toute impunité. Les Nations unies ont recensé 536 victimes civiles (241 morts et 295 blessés) entre février et juillet, dont 68 % à la suite d’attaques menées sans n° 21061565 4 discernement par le groupe armé Al Shabab, le reste étant attribué aux forces de sécurité gouvernementales, aux milices claniques et aux forces internationales et régionales, notamment la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). ». Les rapports du Secrétaire général des Nations unies sur la situation en Somalie pour la période du 5 novembre 2020 au 4 novembre 2021 recensent un nombre cumulé de victimes civiles de 1093, dont 540 morts et 553 blessés. Le bilan des victimes civiles pour l’année précédente, sur la période du 5 novembre 2019 au 4 novembre 2020, s’élevait à 1245 personnes. Selon les données consultées sur le site de l’organisation non gouvernementale Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) en février 2022, 2695 incidents sécuritaires ont eu lieu en Somalie en 2021, causant 3261 morts, parmi lesquels des civils. En 2020, le nombre d’incidents sécuritaires s’élevait à 2670, avec un bilan humain de 3249 morts. Le conflit armé en cours a également entraîné des déplacements massifs de populations. Le rapport précité d’Amnesty International indique à cet égard qu’en 2021, « Outre les plus de 2,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays au cours des années précédentes, 573 000 autres sont parties de chez elles entre janvier et août selon l’ONU. Parmi elles, plus 70 % ont fui le conflit, dont quelque 207 000 personnes qui ont été temporairement déplacées à Mogadiscio en raison des violences occasionnées par les élections en avril. Environ 50 % des personnes déplacées en 2021 étaient des femmes et des filles, qui étaient exposées à un risque accru de violences sexuelles et de harcèlement ». Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés précise, sur son site Internet, que sur une population totale estimée en 2014 à environ 12 millions de Somaliens par le Fonds des Nations unies pour la population, « Le nombre total de personnes déplacées en Somalie est de près de 3 millions. Ce déplacement à grande échelle est alimenté par les conflits armés et l’insécurité alimentaire » et que 874 000 personnes ont été nouvellement déplacées en 2021 principalement du fait du conflit armé et de l’insécurité. En outre, il ressort du rapport du Bureau européen d’appui en matière d’asile (European Asylum Support Office, EASO), devenu Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), sur la situation sécuritaire en Somalie, publié en septembre 2021, que le conflit entre, d’une part, le groupe armé Al-Shabaab, qui contrôle des étendues rurales du centre, du sud et de l’ouest du pays, et, d’autre part, les forces de sécurité somaliennes et celles de l’AMISOM demeure la principale source de conflit armé dans ce pays. Selon ce rapport, les civils peuvent être délibérément ciblés par la violence sévissant en Somalie et ils sont aussi des victimes collatérales d’attaques indiscriminées. Les rivalités claniques pour le pouvoir politique et le contrôle de territoires et de leurs ressources constituent un autre facteur important d’affrontements au sein de la société somalienne. Les civils sont aussi exposés à la spoliation foncière, à la destruction de leurs biens et de leurs moyens de subsistance. Le conflit armé aggrave l’insécurité alimentaire, provoque une grande insécurité sur les routes, en particulier au niveau des postes de contrôle tenus par les divers groupes armés, entrave l’accès aux services essentiels ainsi qu’à l’assistance humanitaire et place dans une situation particulièrement vulnérable les déplacés internes, les enfants, les femmes et les groupes socialement marginalisés, sans que les autorités, défaillantes, ne soient en mesure de leur assurer une protection. 9. La situation sécuritaire prévalant actuellement en Somalie, si elle se caractérise par un niveau significatif de violence, est cependant marquée par des disparités régionales quant à l’impact du conflit sur les populations civiles. En effet, sur les dix-huit régions que compte la Somalie, douze d’entre elles sont particulièrement affectées par le conflit armé en cours. Il s’agit des régions du Bas-Juba, du Moyen-Juba, de Gedo, de Bay, du Bas-Chébéli, de Bénadir, du Moyen-Chébéli, de Bakool, de Hiraan, de Galgaduud, de Mudug ainsi que de la région de Bari dans l’Etat du Puntland. Ainsi, le rapport de l’EASO de septembre 2021 sur la situation sécuritaire en Somalie précise que, sur un total de 3663 incidents sécuritaires n° 21061565 5 survenus en Somalie et 4820 personnes tuées, sans distinction entre civils et non civils, de janvier 2020 à juin 2021, l’ACLED a recensé respectivement 920 incidents sécuritaires et 1168 personnes tuées dans le Bas-Chébéli, 741 et 701 à Bénadir, 401 et 498 dans le Bas-Juba, 309 et 493 à Bay, 285 et 575 dans le Moyen-Chébéli, 261 et 274 à Hiraan, 151 et 146 à Gedo, 130 et 189 à Galgaduud, 118 et 95 à Bakool, 105 et 230 à Mudug, 48 et 145 dans le MoyenJuba, 90 et 176 à Bari. 

10. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la situation sécuritaire prévalant actuellement dans ces régions, en particulier dans le Bas-Juba dont la requérante est originaire, doit être qualifiée de situation de violence aveugle, comme l’indique d’ailleurs l’AUEA dans ses lignes directrices sur la Somalie publiées en juin 2022 dont les Etats membres de l’Union européenne doivent tenir compte conformément à l’article 11 du règlement 2021/2303/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021. L’intensité de cette violence n’est toutefois pas telle qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui serait amené à y séjourner ou y transiter courrait, du seul fait de sa présence dans ces régions, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens des dispositions précitées du 3° de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. 11. Cependant, en application de la jurisprudence de la CJUE mentionnée au point 6 [CJUE n°C-465/07  17 février 2009 Elgafaji- points 35,43, et 39, CE, 9 juillet 2021, n°448707), la requérante doit être regardée comme étant exposée à un tel risque en raison de la situation d’isolement familial et social dans laquelle elle se trouverait en cas de retour dans son pays, compte tenu notamment de l’ancienneté de son départ. Par ailleurs, sa vulnérabilité risque d’être renforcée par l’impossibilité de bénéficier du soutien et de la protection du groupe minoritaire des Sheikhal auquel elle appartient. Dès lors, Mme M.est fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire prévue par le 3° de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.




Denis SEGUIN

Avocat

Docteur en droit

Spécialiste en droit des étrangers



CE, 9 juillet 2021, n°448707: 

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043799788?isSuggest=true

mardi 6 septembre 2022

Tchad Excision Statut de réfugié

 CNDA, 6 septembre 2022, 5ème section, 3ème chambre, n°21019326:

"3...Il ressort des pièces du dossier et des déclarations de Mme F...et de Mr B..., parents et représentants légaux de la requérante, que son père est de nationalité tchadienne et que sa mère est binationale tchadienne et soudanaise. En effet, la nationalité du père de la requérante n'a jamais été contestée et ressort  de l'ensemble des documents produits à l'appui de la demande de sa fille. Par ailleurs, sa mère a versé son passeport tchadien sur lequel il est précisé qu'elle est née au Sud Darfour. Dès lors, sa double nationalité tchadienne et soudanaise peut être confirmée. Partant, il résulte de l'application de l'article 8,2 ° du code de la nationalité tchadienne que la requérante est de nationalité tchadienne par sa filiation paternelle. Par ailleurs il résulte des dispositions de la section 5, (2) du New Sudan Nationality act du 3 mai 1994 que les personnes nées après l'édition de cet acte ne sont soudanaises que si leur père était soudanais au moment de leur naissance. Il résulte de ce qui précède que Mme B...peut uniquement se prévaloir de la nationalité tchadienne. C'est donc à 'égard du Tchad que ses craintes doivent être examinées.

7....Il ressort des sources publiques consultées que les mutilations sexuelles féminines constituent une norme sociale au Tchad dans la mesure où elles sont une pratique très largement répandue dans la plupart des groupes ethniques. Il ressort notamment de l'Enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS6)sur le Tchad sur l'année 2019, paru au mois de janvier 2021, que l'excision frappe 42,8 % des femmes musulmanes et s'élève à 67,5%, chez lez membres de l'ethnie Zaghawa, ethnie de la mère de la requérante. Il ressort en outre de l'enquête démographique précédemment citée que le taux de prévalence de l'excision en milieu urbain et particulièrement à N'Djamena est de 31,8 %. En outre, si la loi du 15 avril 2002 visant à prohiber la pratique des mutilation sexuelles féminines a été promulguée par les autorités tchadiennes, cette dernière demeure largement ineffective. les poursuites ne sont jamais engagées eu égard à la prégnance des traditions sur cette question comme le souligne un article publié sur le site internet de la radio allemande Deutsche Welle, publié le 23 septembre 2020 et intitulé "Tchad: les jeunes filles toujours livrées à l'excision.De plus, selon un article de Radio France Internationale du 12 septembre 2020, intitulé "Bien qu'interdits, les cas d'excision se multiplient au Tchad", l'Eglise catholique tchadienne et la Commission nationale des droits de l'homme se sont alarmées de la recrudescence de la pratique des MGF dans le pays et de ce que "les autorités semblent se désintéresser du sujet", ayant "préféré la pédagogie à la sanction". De fait, le droit coutumier et le droit musulman s'appliquent concuremment avec le droit écrit, et régissent la plupart des aspects de la vie familiale et le statut de la femme, notamment les MGF... Aussi,, les sources citées soulignent que les possibilités de protection pour les victimes de MGF au Tchad demeurent limitées, la législation en vigueur n'étant pas appliquée.

Par suite, il peut être considéré que l'excision s'apparente au sein de la communauté tchadienne à une norme sociale et que les enfants et femmes non mutilées y constituent un groupe social au sens de la convention de Genève.

Protection subsidiaire Mopti Mali

CNDA, 1er juillet 2022, 5ème section, 2ème chambre, n°22013764

".8.Il ressort des sources d'information publiques que, depuis janvier 2012, le Mali connait une situation d'instabilité et des épisodes répétés de violence en raison de la présence de nombreux groupes armés rebelles sur le territoire, d'origine touareg et djihadistes....

........................................................................................................................................................La région de Mopti, dont est originaire la requérante, doit être regardée, à la date de la présente décision, comme se caractérisant par une situation de violence aveugle d'intensité exceptionnelle. Par suite, il existe des motifs sérieux de croire que Mme Y..., qui doit être considérée comme une civile, serait exposée, en cas de retour dans la région de Mopti, à un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne, au sens du 3° de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, Mme Y...est fondée à se prévaloir de la protection subsidiaire".

 cf: dans le même sens sur le site de la CNDA:

http://www.cnda.fr/content/download/182683/1776272/version/2/file/CNDA%20GF%2015%20juin%202021%20M.%20S.%20n%C2%B020029676%20R.pdf



Denis SEGUIN

Docteur en droit

Avocat à Angers

Spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité

jeudi 30 juin 2022

Somalie Protection subsidiaire Moyen-Shabelle clan Gaboye absence prolongée

 Décision de la CNDA du 24 juin 2022, n°21052708, 21052809,21052660:


"...25. D'une part, Mme O...âgée de 26 ans, a quitté son pays il y a 4 ans, et a donc peu vécu en Somalie en tant qu'adulte. De plus, du fait de son appartenance au groupe professionnel Gaobye, elle ne pourrait bénéficier d'aucune protection clanique. Enfin, selon la documentation publique et notamment un rapport du Home Office d'avril 2018 "Country Information and Guidances, Somalia: Women facing gender based violence", les femmes sont particulièrement vulnérables en Somalie.Dans ces conditions, son jeune âge combiné à un séjour de 4 ans hors de la Somalie, son absence de protection clanique et sa condition de femme sont susceptibles de l'exposer à une atteinte grave en cas de retour en Somalie. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et du fait de sa particulière vulnérabilité, Mme O...doit être regardée comme personnellement exposée à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle résultant d'une situation de conflit armé interne au sens des dispositions de l'article L.512-1 précité du ceseda, sans pouvoir se prévaloir de la protection des autorités.

26...D'autre part, Monsieur A..., âgé de 25 ans, a quitté son pays il y a plus de 4 ans, à l'âge de 25 ans. De plus, il a clairement indiqué que sa famille avait quitté Balcad et s'était dispersée dans différents endroits du pays, sans qu'il ne soit en mesure de les localiser. De surcroit, du fait de son appartenance à un clan minoritaire,  il ne pourrait bénéficier d'une protection clanique...Il doit être regardé comme personnellement exposé à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle résultant d'une situation de conflit armé interne au sens des dispositions de l'article L.512-1 précité du ceseda, sans pouvoir se prévaloir de la protection des autorités...".


Denis SEGUIN

Docteur en droit

Avocat à Angers

Spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité


Somalie Statut de réfugié Excision

Décision de la CNDA du 24 juin 2022, n°21052708, 21052809,21052660:


"...9. Il ressort des sources pertinentes et publiquement disponibles que le taux de prévalence des mutilations génitales féminines est particulièrement élevé en Somalie plaçant ce pays au premier rang du classement mondial et ce, alors même que la Constitution provisoire somalienne du 1er août 2012 en son article 15, prohibe formellement cette pratique. A cet égard, selon le rapport statistique de l'UNICEF intitulé "Mutilations génitales féminines/excision: un problème mondial" daté du mois de février 2016 et non contredit par des sources plus récentes, le taux de prévalence des MGF atteint 98 % des des femmes âgées entre 15 et 49 ans en Somalie. En outre, selon une note de l'OFPRA du 31 août 2017, intitulée "Somalie: les mutilations génitales féminines", les MGF correspondent à une tradition pluriséculaire partagée par l'ensemble des clans somali, uniformément pratiquée quelque soit le lieu de vie ou le niveau de revenu des familles. En dépit des avancées institutionnelles et légales accomplies depuis 2009, notamment à l'initiative du Gouvernement fédéral des autorités respectives du Puntland et du Somaliland et d'organisations de la société civile,en particulier pour interdire ou lutter contre certaines formes de MGF ou contre la "médicalisation" de cette pratique, cette dernière demeure cependant une norme culturelle profondément ancrée globalement ancrée au sein de la société somalienne, sans qu'un recul notable de cette pratique ne soit relevé. Ces informations sont confirmées par le rapport du Département d'Etat des Etats-Unis sur la Somali, publié le 11 mars 2020, qui relève que les MGF sont "presqu'universellement pratiquées dans tout le pays". Enfin, des sources récentes, notamment un article publié le 23 mai 2020, sur le site internet de France Info, intitulé, "En Somalie:des femmes font du porte à porte pour proposer l'excision pendant le confinement" ont fait état de l'intensification de cette pratique pendant la période de confinement consécutive à la crise de la Covid 19. Il suit de là qu'en Somalie, les MGF sont pratiquées dans une proportion telle qu'elles constituent une norme sociale et que, par suite, les enfants et adolescentes somaliennes non mutilées sexuellement constituent un groupe social au sens de la convention de Genève..."

Statut de réfugié


Denis SEGUIN

Docteur en droit

Avocat à Angers

Spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité

mercredi 8 juin 2022

Somalie clan Rahanweyne région de Bay Statut de réfugié exploitant de cinéma

 CNDA 3 juin 2022, n°22011728, 1ère section, 1ère chambre:

"...3...Les déclarations précises, personnalisées et spontanées de M.H.H tant devant l'Office que devant la Cour, permettent d'établir sa nationalité somalienne, sa provenance de la localité de Uffurow, dans la région de Bay, ainsi que son appartenance au clan Rahanweyne...De plus, il a livré des informations personnalisées quant à son parcours professionnel, à savoir l'exploitation d'une salle de cinéma dans sa localité à partir de 2003....Les documents produits, notamment le certificat médical établi par un médecin légiste le 18 novembre 2020 qui relève la présence de plusieurs cicatrices compatibles avec les faits allégués, accréditent le récit du requérant. Ses craintes, qui sont réelles, actuelles et personnelles, essentiellement du fait de son activité professionnelle notoire de plusieurs années en tant qu'exploitant de salle de cinéma, sont corroborées par les sources publiques disponibles. D'une part, celles-ci rapportent que le conflit armé opposant les forces du gouvernement fédéral somalien soutenues par la Mission de l'Union africaine en Somalie (African Union Mission in Somalie-AMISOM), dont le mandat a, de nouveau, été prorogé, est toujours d'actualité et que le groupe Al-Shabaab qui contrôle toujours une portion importante du territoire, se poursuit dans le centre et le sud de la Somalie. En particulier, ce groupe armé est activement engagé dans la région de Bay, notamment dans les zones rurales placées sous son contrôle. D'autre part, le rapport de l'Agence de l'Union Européenne pour l'Asile des septembre 2021 sur les profils particulièrement ciblés en Somalie, confirme que dans les zones sous contrôle des miliciens d'Al-Shabaab, ces derniers imposent une vision restrictive de la Charia, bannissant notamment la télévision, le cinéma et la musique, activités qu'ils considèrent comme antimusulmanes. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mr H.H. craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de  Genève, d'être persécuté par des miliciens Al-Shabaab en cas de retour dans son pays d'origine du fait des opinions politiques qui lui sont imputées. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié..."

Soudan statut de réfugié Darfour Nord zaghawa

 Décision CNDA 27 mai 2022, n°22011716 et 22011870:

"...Or, alors même que l'accord de paix signé à Juba le 3 octobre 2020 était en cours de négociation, "les affrontements impliquant des éléments rebelles, al violence intercommunautaire et les troubles civils se sont intensifiés au niveau local. les zones soumise à l'influence de groupes qui n'ont pas rejoint le processus de paix reste instables.", ainsi que le relevait le rapport spécial du 13 novembre 2020 du Président de la Commission de l'Union Africaine et du Secrétaire général de la MINUAD. Human Rights Watch, dans son article du 14 décembre 2021, intitulé "Darfur:New wave of attacks on civilians by armed groups", reprenant le rapport sur l'UNITAMS du 1er septembre 2021, indique que les délais de mise en œuvre des engagements issus des accords de Juba ont laissé les civils vulnérables à la détérioration de la situation sécuritaire. Cette violence continue d'être dirigée contre les populations non-arabes du Darfour, comme le prouve l'attaque de janvier 2021 menée par des milices arabes au Darfour Ouest et qui a conduit à la mort d'environ 150 personnes issues de groupes ethniques africains, comme le relève le rapport annuel sur les droits humains de Human Rights Watche publié le 13 janvier 2022. Enfin, le Home Office britannique, dans un rapport publié en septembre 2018 et intitulé "Country Policy and Information Note. Soudan: Non-Arab Darfuri" relève aussi que le gouvernement et les milices qui lui sont associées continuent de cibler les membres de l'ethnie Zaghawa, suspectée d'entretenir des liens avec les groupes rebelles du Darfour et le fait qu'une personne soit d'origine Zaghawa est suffisant pour faire naître une suspicion à son encontre. Enfin, un discours de haine et de peur anti-Zaghawa est de plus en plus présent, y compris dans la presse soudanaise. Les Zaghawas y sont régulièrement qualifiés de tribu ennemie de l'islam, de tribu ennemie des arabes, ou encore de "Juifs de l'Afrique".

Statut de réfugié en raison de l'appartenance ethnique

Soudan Darfour Nord Excision Groupe social

 Par décision du 27 mai 2022, n°22011718 et 22011844, la CNDA  a jugé que:

"....5...La prévalence des mutilations sexuelles féminines (MSF) au Soudan est de 86,6 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans...

Si le Soudan a adopté le 10 juillet 2020 une loi pénalisant la pratique de l'excision en tant que crime désormais passible de 3 ans de prison, ce que confirme notamment un article du journal Le Monde intitulé "Au Soudan, l'excision est désormais condamnée par la loi" daté du 11 juillet 2020, le caractère très récent de ladite loi ne permet pas d'infirmer la présente analyse dans la mesure où il n'est pas encore possible de connaître l'impact effectif de ce texte au sein de la population soudanaise.

L'excision s'apparente à une norme sociale au Soudan et les enfants et femmes mutilées y constituent un groupe social au sens de la Convention de Genève.

...7...Il résulte de ce qui précède que Mme H...et Mme...A craignent avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d'être persécutées en cas de retour dans leur pays en raison de leur appartenance au groupe social des enfants exposées à une mutilation sexuelle féminine, sans pouvoir se prévaloir utilement de la protection des autorités soudanaises..."



Denis SEGUIN

Docteur en droit

Avocat à Angers

Spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité

samedi 28 mai 2022

Mali Protection subsidiaire Gao Ségou

 CNDA, 13 mai 2022, n°22000369, 4ème section, 3ème chambre:

"...Toutefois, le bien fondé de la demande de protection doit également être apprécié au regard du contexte prévalant dans son pays d'origine, et plus particulièrement dans la région de Gao, dont il a démontré être originaire ainsi qu'à Bamako et la région de Ségou qu'il devrait traverser pour rejoindre sa région d'origine...

8...Dans ces circonstances, la situation dans la région de Gao doit, à la date de la présente décision, être regardée comme situation de violence aveugle...

10...Compte tenu de ces éléments toujours d'actualité, et au regard du nombre de victimes, d'incidents et de déplacés internes, il y a lieu de considérer, à la date de la présente décision, que le conflit armé en cours au Mali engendre, dans la région de Ségou, une situation de violence aveugle...

11...A cet égard, en cas de retour dans sa région d'origine, Monsieur K...se trouverait dans un état de particulière vulnérabilité en raison de la situation de précarité dans laquelle il se trouverait notamment du fait de l'absence de soutien familial, et de l'absence de protection dont il pourrait se prévaloir face aux groupes armés sévissant dans sa région et celle de Ségou par laquelle il devrait transiter..."

Somalie Protection subsidiaire Bas-Shabelle clan Bandhabow absence prolongée, isolement familial

 

CNDA, 13 mai 2022, n°2207920, 6ème section, 2ème chambre:

"4...Les déclarations précises ont permis d'établir son appartenance clanique et sa nationalité somalienne, au demeurant non contestée par l'Office, ainsi que sa provenance de la région du Bas-Shabelle...

14...Il résulte de ce qui précède que la situation prévalant dans les régions du Bas-Shabelle et du Bénadir doit être qualifiée, à la date de la présente décision, de violence aveugle, dont l'intensité n'est toutefois pas telle qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court, du seul fait de sa présence dans cette ville et ces régions, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens des dispositions de l'article L.512-1-3° du ceseda...

En l'espèce, eu égard à son absence prolongée de Somalie [10 ans], à la situation d'isolement dans laquelle il se trouverait en cas de retour dans son pays, tous les membres de sa famille s'étant également exilés, ainsi qu'à son appartenance à un clan minoritaire, il doit être regardé comme étant personnellement exposé à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle résultant d'une situation de conflit armé interne au sens de l'article L.512-1-3°, sans pouvoir se prévaloir de la protection effective des autorités. Dès lors, Mr H...est fondé à se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire...".


Denis Seguin

Docteur en droit

Avocat spécialiste en droit des étrangers


Somalie Protection subsidiaire Bas-Shabelle Qorioley clan Gaboye

 CNDA 13 mai 2022, n°22008082, 6ème section, 2ème chambre:

"...Les déclarations précises de Mr I...ont permis d'établir sa nationalité somalienne ainsi que sa provenance de la région du Bas-Shabelle [et en particulier de Qorioley]...Ses assertions exactes sur les sous-clans et les caractéristiques des Gaboye ont également permis de tenir pour établie son appartenance ethnique...

16...Il résulte de ce qui précède que la situation prévalant dans les régions du Bas-Shabelle et du Bénadir doit être qualifiée, à la date de la présente décision, de violence aveugle, dont l'intensité n'est toutefois pas telle qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court, du seul fait de sa présence dans cette ville et ces régions, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens des dispositions de l'article L.512-1-3° du ceseda...

En l'espèce, Mr I...dont l'appartenance à un clan minoritaire est de nature à le rendre particulièrement vulnérable en cas de retour en Somalie, doit être regardé comme étant personnellement exposé à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle résultant d'une situation de conflit armé interne au sens de l'article L.512-1-3°, sans pouvoir se prévaloir de la protection effective des autorités. Dès lors, Mr I...est fondé à se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire...".



Denis Seguin

Docteur en droit

Avocat spécialiste en droit des étrangers





dimanche 24 avril 2022

Somalie Réfugié clan Shekhal Moyen Juba

 CNDA 22 avril 2022, n°22003479:

"...En outre interrogé sur son appartenance clanique, il est parvenu à fournir de façon étayée et personnalisée les éléments caractéristiques du clan shekhal auquel il appartient. Ses explications sur ce point ont pu être corroborées par les sources publiques disponibles, notamment un rapport publié conjointement par l'Austrian Red Cross et l'Austrian centre for Country of Origine an Asylum Research and Documentation, intitulé "Clans in Somalia" et publié en décembre 2009, et un rapport publié par l'organisation non gouvernementale Minority Rights Group International, intitulé "No redress: Somalia's forgotten minorities"publié en 2010.

Par ailleurs, il a rapporte de façon circonstanciée et personnalisée les pressions exercées sur sa famille par les miliciens afin de la contraindre à verser un impôt régulier. Il a également expliqué en des termes sobres et convaincants les circonstances dans lesquelles la relation entre son père et Al-Shabab, déjà tendue, s'est dégradée lorsque ces derniers ont exigé de leur verser la moitié de sa récolte en plus de l'impôt dont il s'acquittait. Il a relaté de manière tout aussi crédible les conditions dans lesquelles son père et son frère ont été tués par les miliciens, son père ayant refusé d'obéir à leurs injonctions. Il a exposé de panière personnalisée, que , craignant de subir des représailles après la mort de son père et de son frère, il n'a eu d'autre choix que de quitter son pays. Ses craintes sont par ailleurs corroborées par les sources publiques disponibles, notamment par le rapport du Département d'Etat américain publié le 30 mars 2021, intitulé "Annual report on human rights in 2020: Somalia" qui souligne que cette milice est toujours en mesure de procéder à des assassinats ciblés contre toute personne s'opposant à eux ou perçue comme soutenant le gouvernement somalien ou les forces étrangères, y compris des civils. De surcroît, l'actualité des craintes est corroborée par le rapport de l'EASO du 30 avril 2021, toujours d'actualité, qui indique que le Moyen-Juba, dont le requérant a démontré être originaire est totalement contrôlé par les Al-Shabab. 

Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur A.craint avec raison d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputées par Al-Shabaab. Dès lors il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".

Somalie Protection subsidiaire Bas-Shabelle femme isolée clan Boon tumal

 

CNDA, 22 avril 2022 , n°22003487:

« Les déclarations précises de Madame à devant la cour lors de l’audience publique ont permis de tenir pour établir sa nationalité, son appartenance au clan Boone affilié au clan tumal ainsi que sa provenance de Farsooley [au Sud de Qoryooley] situé dans l’état du Bas Shabelle

Elle a relaté en des termes personnaliser les graves sévices dont elle a été victime par des bandits aux abords de son village…

Son conjoint a été enlevé en 2019 en raison de son refus de rejoindre personnellement [les miliciens Al-Shebab].

Il résulte de ce qui précède que la situation sécuritaire prévalant dans le Bas-Shabellequi compte parmi les plus préoccupantes de Somalie doit toujours être regardée à la date de la présente décision comme une situation de violence aveugle au  sens des dispositions du 3°de l’article L.512 -1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ne s’étant pas dégradée de façon significative au cours de l’année 2021, son intensité n’atteint toutefois pas un niveau tel que toute personne serait exposée, du seul fait de sa présence sur le territoire concerné, à une atteinte grave au sens de l’article L.512-1-3° du Ceseda.

 

En outre pour rejoindre sa région d’origine Madame A.devra d’une part transiter par Mogadiscio où se trouve l’aéroport International le plus proche de sa localité et d’autre part traverser la région du Bénadir à laquelle la capitale est administrativement rattachée

Dans ces conditions il y a lieu de tenir compte de l’existence le cas échéant d’un indice sérieux de risques réel de subir des atteintes graves et il appartient à la requérante d’apporter tous éléments relatifs à sa situation personnelle permettant de penser qu’il court un tel risque .

Or à ce titre le rapport du Secrétaire général des Nations Unies numéro S/2021/312 du 30 mars 2021 soulignent que la combinaison de la prolongation du conflit en Somalie, des crises humanitaires successives et de l’inégalité structurelle imposée aux femmes somaliennes exposent ces dernières à des niveaux de violence sexuelle liée au conflit. L’UNSOM a notamment relevé 419 cas de violences sexuelles  avérées, commises par les militants Al-Shabab et les milices claniques,  tandis que les forces étatiques se sont rendues responsables de 41 occurrences avérées de violences sexuelles. L’augmentation des violences a été relevée tant par l’UNSOM que par le UK Home Office, dans un rapport « Somalia : Women fearing gender-based violence » d’avril 2018.

L’utilisation du viol comme arme de guerre est particulièrement répandue.

Ainsi Madame à dont la qualité de civil la nationalité et la provenance sont établies serait exposée en cas de retour en Somalie et notamment à Mogadiscio, à Bénadir par où elle devrait transiter pour se rendre dans sa région d’origine, à  de graves sévices et serait ainsi particulièrement vulnérable en tant que femme isolée dans le contexte de violence rappelé précédemment .

Il résulte de ce qui précède qu'elle établit être exposée à des atteintes graves au sens de l'article L.512-1-3° du ceseda, en cas de retour dans son pays en raison de la particulière vulnérabilité que lui confère son statut de femme isolée sans être en mesure de bénéficier de la protection effective des autorités. Ainsi, Mme A.doit se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire».

mercredi 20 avril 2022

Refus de visa Réfugié Concubins Guinée

 Selon un jugement du tribunal administratif. du 6 janvier 2022, numéro 210700.0.:

....................................................................................................................................................

Aux termes de l'article L.561-2 

"Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale :
1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ;
2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ;
3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire.
Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective.
L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite".

Aux termes de l'article L.561-4:"Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables.

La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement".

Aux termes de l'article L.561-5:"Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire.

En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux".

5. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de la concubine et de l'enfant d'une personne à laquelle la qualité de réfugié a été reconnu ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir sur un motif d'ordre public.

En ce qui concerne la demanderesse de visa, se présentant comme. Di... D.:

6. Il incombe aux autorités administratives françaises de tenir compte des jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes, sauf à ce qu'ils aient fait l'objet d'une déclaration d'inopposabilité, laquelle ne peut être prononcée que par le juge judiciaire, ou à établir l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L 811- 2. du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil". Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que la force probante d'un acte d'état civil établit à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En pas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui et dépourvu de force probante qu'il soit irrégulier, falsifié où inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. Pour justifier de l'identité de la demanderesse de visa ainsi que de son lien de filiation avec Monsieur D., ont été produites la photocopie d'un jugement supplétif numéro 6172. rendu le 4 décembre 2018 par le Tribunal de première instance de Boké et celle d'un document intitulé "extrait du registre de l'état civil, établi en transcription de ce jugement le 17 octobre 2019 par l'officier d'État civil de la commune urbaine de Boké. A également. été produite la photocopie de la page principale d'un passeport guinéen.

9.Ladministration fait valoir que le numéro personnel apposé sur la page principale du passeport de la demanderesse de visa n'est pas cohérent avec la numérotation de l'acte de transcription du jugement supplétif produit en méconnaissance du système en vigueur en Guinée. Elle en déduit qu'un autre acte de naissance a permis l'établissement du passeport.

10. Toutefois, si cette déduction peut effectivement être opérée au vu des éléments contradictoirement débattus par les parties quant au système en vigueur en Guinée, la preuve n'est pas pour autant rapporté qu'il existerait un acte de naissance comportant des mentions autres que celles présentes sur les documents cités au point 8. D'ailleurs, la partie requérante allègue, sans être contredite que le passeport  été établi à partir d'un autre acte que celui produit du fait d'une erreur dans l'orthographe du prénom de l'enfant dans l'acte initial. Si la partie requérante n'a pas déféré à la dernière mesure d'instruction du tribunal demandant la production de l'acte initial, l'analyse de l'administration ne repose que sur un doute et constitue, au mieux une preuve par défaut. Or cette seule base ne saurait permettre de caractériser le caractère frauduleux du jugement supplétif produit dès lors que l'administration ne fait état d'aucune autre critique à l'égard de ce jugement et notamment n'en conteste ni l'existence ni la régularité. Par conséquent, il doit être tenu compte de ce jugement dans le cadre rappelé au point 6.

11 Dès lors qu'il convenait de prendre en compte ce jugement les seuls éléments avancés au point 9 par l'administration ne permettent pas d'¨ôter la valeur probante que confèrent les dispositions de l'article 47 du code civil à l'acte de transcription.

12 Ensuite, le passeport n'est en lui-même pas contesté par l'administration. S'il ne saurait recevoir la qualification d'acte d'état civil faute d'avoir un caractère authentique, il n'en demeure pas moins utile à la démonstration d'une identité et à la caractérisation d'un lien de filiation. Celui-ci comporte des mentions parfaitement concordantes avec le jugement supplétif et l'acte de transcription.

13 Enfin pour. corroborer l'existence en fait de l'identité et du lien de filiation allégué le requérant et la requérante se sont prévalus d'éléments de possession d'état. Au nombre de ceux-ci figurent notamment les déclarations de Monsieur D. aux autorités administratives et juridictionnelles françaises depuis son entrée sur le territoire français et 2 photographies, dont l'une fait apparaître les 3 enfants demandeurs de visa. Si ces éléments ne suffisaient pas à eux seuls pour caractériser l'identité et le lien de filiation allégués sur le terrain, des éléments de possession d'état, ils permettent de corroborer ce qui a été dit au point précédent.

14 Il résulte de ce qui a été dit au point 6 à 13 que l'identité de la demanderesse de visa ainsi que son lien de filiation avec Monsieur D doivent être tenus pour établis. Par suite, le requérant et la requérante sont fondées à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la demanderesse de visa, se présentant quand Madame Fatoumata D.

15 L'administration fait valoir que le lien de concubinage allégué n'est pas suffisamment caractérisé.

16 Toutefois les parties s'accordent pour considérer que Monsieur D et Madame D ont été mariés religieusement. Cette circonstance, rapprochée de celle de l'existence de 3 enfants dont ils sont les parents et nés en 2013 et 2015, permet de caractériser une vie commune suffisamment stable et continue au sens et pour l'application des dispositions de l'article L 561- 2- 2°du code de l'entrée, du séjour des étrangers du droit d'asile. Par suite et alors que dans ces conditions, l'intérêt des enfants et d'être auprès de leurs 2 parents, Monsieur Madame D, sont fondés à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.

dimanche 3 avril 2022

OQTF Obligation de motivation

 Par jugement du 28 mars 2022 n°220980 et 2202981, le Tribunal de Nantes a jugé que:

"3. Il résulte des dispositions des articles L.614-1 et L.614-7 et suivants du CESEDA que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers lorsque ces derniers sont assignés à résidence.

4.Aux termes de l'article L.611-1 du CESEDA:"L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :(...)3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;(...)5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;"


5.Par ailleurs, aux termes de l'article L.613-1 du même code,"la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée(...)".

6.La décision faisant obligation à Monsieur S. de quitter le territoire sans délai a été prise sur le fondement de l'article L.611-1-5° précité du CESEDA, au motif, d'une part que l'intéressé était défavorablement connu des services de police, dès lors qu'il apparaissait dans les faits délictueux commis le 27 février 2020 et, d'autre part, qu'il avait été interpellé le 6 juillet 2021 à proximité d'un point de vente de cannabis et avait déclaré connaître la personne contrôlée en même temps que lui, sans pour autant reconnaître une participation à un trafic. Le préfet a précisément motivé sa décision en adoptant la rédaction suivante:"au regard de la réitération des faits, de l'attitude de déni de Monsieur S., le risque de récidive est élevé et que par conséquent, il est nécessaire de considérer que son comportement constitue une menace à l'ordre public".


7.Si le jugement précité du 13 septembre 2021 [jugement du Tribunal administratif validant une précédente OQTF], joint par le préfet en pièce 5 de ses écritures en défense, mentionne que Monsieur S.avait précédemment fait l'objet de plusieurs signalements par les services de police, en l'occurrence le 5 octobre 2017 pour vol à l'étalage, et le 29 décembre 2017 pour violences en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, mais encore qu'il avait été reconnu coupable de recel de bien provenant d'un vol commis du 19 décembre 2017 au 27 février 2018 et qu'il avait également fait l'objet d'un autre signalement le 20 juillet 2018, soit après le jugement du tribunal d'Angers du 17 mai 2018 rendu pour des faits antérieurs, pour des faits de menaces de mort réitérée, la motivation adoptée par le préfet dans le présent arrêté du 25 février 2022 pour justifier de l'obligation de quitter le territoire français ne permet toutefois pas, en l'absence de toute mention d'actes répréhensibles imputables à Monsieur S., de déterminer les raisons pour lesquelles il constitue une menace à l'ordre public".

Il résulte de ce qui précède que l'obligation de motivation prévue à l'article L.613-1 du CESEDA a été méconnue par le préfet.

L'OQTF et l'assignation à résidence sont annulées.

L'Etat est condamné à verser 1000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la l du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit

vendredi 4 mars 2022

Demande de titre de séjour Nationalité Apatride de fait


Le Tribunal administratif de Nantes a jugé que (TA Nantes, 3 mars 2022, 8ème chambre, n°2001054):

"4. En dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de délivrance de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé correspondant, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet.

5. Il est constant que Mme S. a présenté un dossier de demande de titre de séjour contenant un acte de naissance de nature à justifier de son état civil, mais sans produire des documents justifiant de sa nationalité. En réponse au courrier du 29 octobre 2019 des services de la préfecture de Maine-et-Loire demandant de produire de tels documents, l'intéressée, a par l'intermédiaire de son avocat, précisé qu'il ne lui était pas possible de les fournir dès lors qu'elle rencontrait des difficultés pour déterminer sa nationalité et qu'elle avait, en vain, déposé une demande auprès de l'Officier français de protection des réfugiés et des apatrides tendant à se voir reconnaître la qualité d'apatride. Compte tenu de ces explications et de la nature du titre de séjour sollicité, le dossier de demande de titre de séjour déposé par Mme S...doit être regardé comme complet. Par suite, la décision du 13 janvier 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a déclaré irrecevable cette demande, qui ne tient pas compte de la situation particulière dans laquelle se trouve la demanderesse, est entachée d'erreur d'appréciation".

Il est enjoint au préfet d'examiner la demande de titre de séjour présentée aux fins de prendre une décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de 8 jours à compter de cette même date.

Même solution et même motivation, pour la mère de Mme S., Mme A (TA Nantes, 3 mars 2022, 8ème chambre, n°2001053).


Note:

Précisons que le titre de séjour était demandé en application de l'article L.435-1 (anc.L313-14) du Ceseda.

Notre cliente se trouvait dans l'impossibilité de prouver sa nationalité. Elle justifiait de son état civil. Par une lettre du 13 janvier 2020, la préfecture rappelait qu'une demande de titre de séjour avait été déposée, qu'une lettre l'informant du caractère incomplet en l'absence de documents de nationalité, lui avait été adressée et que nous avions répondu pour dire que nous n'étions pas en mesure de produire des documents justifiant de la nationalité. Dans cette même lettre du 13 janvier 2020, la préfecture en a déduit que la demande de titre de séjour était "irrecevable", en invitant notre cliente à transmettre un dossier complet.

Même si le statut d’apatride ne lui a pas été reconnu, elle se trouve dans l’impossibilité concrète d’obtenir un quelconque passeport ni même un document justifiant de sa nationalité.

On doit considérer que sa nationalité reste indéterminée. Cette indétermination fait obstacle à toute exécution d’une mesure d’éloignement qui ne pourrait être qu’inapplicable, dès lors qu’aucun Etat n’admettra l’intéressée sur son territoire.

Il résulte de la jurisprudence administrative que l’autorité administrative doit tenir compte de l’impossibilité pour l’intéressée de produire des éléments attestant de sa nationalité dans la mesure où il a été déposé une demande de statut d’apatride. Dans ces cas spécifiques, la Préfecture doit prendre en considération la difficulté pour les demandeurs de produire un passeport ou tout autre document de nationalité (CAA Lyon, 19 mars 2019 n°18LY03311(https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000038338527?init=true&page=1&query=18LY03311&searchField=ALL&tab_selection=all)

 :« Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande de titre de séjour, M.C. a produit un acte de naissance établi en Italie, dont le préfet de la Côte-d’Or ne soutient pas qu’il serait un faux, sans que puisse par ailleurs être opposée au requérant l’absence de légalisation de cet acte, procédure inapplicable à un acte établi en Italie. En outre, le préfet ne saurait, pour exiger la production d’un passeport, qui n’est requise par aucune disposition législative ou réglementaire, opposer à l’intéressé le fait qu’il n’a pas indiqué sa nationalité, alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a entrepris des démarches auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour se voir reconnaître le statut d’apatride. Dans ces conditions, et alors même que M.C. avait produit à l’appui d’une précédente demande de titre de séjour un acte de naissance au Kosovo dont il ne conteste pas le caractère falsifié, le préfet de la Côte-d’Or ne pouvait refuser d’enregistrer sa demande de titre de séjour au motif qu’elle était incomplète en l’absence de documents justifiant de l’état-civil et de la nationalité du demandeur. Par suite, M.C. est fondé à demander l’annulation de la décision du 3 novembre 2017 refusant d’enregistrer sa demande de titre de séjour, qui lui fait grief ».


lundi 14 février 2022

Afghanistan Statut de réfugié père lieutenant-colonel de l'armée nationale afghane

 CNDA, 8 février 2022, 1ère section, 2ème chambre, n° 21038589:


"§4.  Les déclarations détaillées faites par Monsieur P. ont permis à l'audience d'établir sa nationalité afghane, sa provenance de la province de Kaboul ainsi que l'appartenance de son père à l'armée nationale afghane. Si la note en délibéré produite par l'Office permet de remettre en cause la légalité de la taskera présentée par le requérant cet élément ne permet toutefois pas d'infirmer l'analyse faite par la Cour sur son identité et sa nationalité afghane. Il a su apporter de nombreuses précisions sur les fonctions de lieutenant-colonel de son père au sein de l'armée nationale afghane et les circonstances de son meurtre par les talibans. Il a su expliquer de manière cohérente ses craintes en cas de retour du fait des opinions politiques qui lui sont imputés par les talibans en lien avec son père. L'arrivée au pouvoir des Talibans ajoutent à la réalité de ces craintes en cas de retour. Ses propos ont également été détaillées s'agissant du conflit foncier. qui oppose sa famille à une famille rivale et des violences ayant eu lieu entre les différentes parties. Cet élément accentue son profil à risque en pas de retour. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur P. craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en pas de retour dans son pays en raison des opinions politiques qui lui sont imputés. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié..."


Une note en délibéré avait été produite par l'OFPRA faisant état du caractère illégal du document d'identité présenté par le requérant. Nous y avions répondu par une note en délibéré.

L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".L'administration doit apporter des éléments suffisants pour ébranler la force probante des documents étrangers d'état civil produits. 

 La Cour européenne des droits de l’homme considère notamment, à titre d’illustration, que les autorités françaises ne peuvent pas systématiquement refuser la délivrance d'un visa en raison du caractère apocryphe des actes de naissance présentés sans examiner les autres éléments de nature à justifier du lien de filiation (CEDH, 10 juill. 2014, aff. 52701/09,  Mugenzi c/ France CEDH, 10 juill. 2014, aff. 2260/10,  Tanda-Muzinga c/ France CEDH, 10 juill. 2014, aff. 19113/09,  Senigo Longue et a. c/ France).

La Cour de justice des Communautés européennes (devenue Cour de justice de l'Union européenne - CJUE), à l'occasion d'un litige opposant une ressortissante grecque à une caisse de retraite allemande, s'est pour sa part penchée sur la force probante des documents dressés selon la loi locale et en particulier sur un jugement rectificatif d'état civil. Selon elle les institutions nationales compétentes en matière de sécurité sociale et les juridictions nationales d'un État membre sont tenues de respecter les certificats et actes analogues relatifs à l'état des personnes qui émanent des autorités compétentes des autres États membres « à moins que leur exactitude ne soit sérieusement ébranlée par des indices concrets se rapportant au cas individuel en cause » (CJCE, 2 déc. 1997, aff. C-336/94,  Dafeki Eftalia c/ Landesversicherungsanstalt Württemberg).

En l’espèce, les éléments avancés par l’OFPRA ne suffisent pas à considérer que le document d'état civil est falsifié. La seule circonstance relevée par le rapport de la police aux frontières que le document reprendrait les caractères apocryphes d’une fiche « alerte FA 13/2013 » et qu’il serait entièrement réalisé en laser toner au lieu d’offset ne permet pas d’en déduire nécessairement qu’il s’agirait d’une contrefaçon. Cette circonstance n’établit pas non plus que l’identité, comme l’âge de l’intéressé seraient inexacts. Le requérant avait obtenu ce document alors qu’il était âgé de 7 ans pour lui permettre d’être scolarisé. Il a toujours considéré ce document comme authentique et conforme à la législation de son pays de nationalité. Par ailleurs, l’OFPRA n’a jamais fait état auparavant de ce document de la police aux frontières en date du 18 décembre 2020, alors que la décision de l’OFPRA est du 8 juillet 2021.

L’OFPRA n’avait pas manqué de relever dans sa décision que les déclarations de l’intéressé « ont démontré une bonne connaissance générale de sa localité d’origine et se sont révélées suffisamment convaincantes sur son parcours de vie et son vécu au quotidien dans un village contrôlé par les autorités afghanes… ». Il a également retenu que : « …ses déclarations sur son quotidien de vie dans ce contexte sont apparues spontanées… ». Ni la nationalité ni la provenance de l’intéressé n’ont été contestées.

Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...