mercredi 30 novembre 2022

Guinée Homosexualité Groupe social Statut de réfugié

 CNDA, 25 novembre 2022, n°22040698, 6ème section, 4ème chambre:

"2.Un groupe social, au sens des stipulations [précitées de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951], est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. En fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, en raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions. Il convient, dès lors, dans l’hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié en raison de son orientation sexuelle, d’apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d’assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d’être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe. 

3. Il résulte de ce qui précède que l’octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur une orientation sexuelle commune ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié. D’une part, le groupe social n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions. D’autre part, il est exclu que le demandeur d’asile doive, pour éviter le risque de persécution dans son pays d’origine, dissimuler son homosexualité ou faire preuve de réserve dans l’expression de son orientation sexuelle.  L'existence d’une législation pénale, qui réprime spécifiquement les personnes homosexuelles, permet de constater que ces personnes doivent  être considérées comme formant un certain groupe social. L'absence d'une telle législation en suffit pas à établir que ces personnes ne subissent pas de persécutions en raison de leur orientation sexuelle. Des persécutions peuvent en effet être exercées sur les membres du groupe social considéré sous couvert de dispositions de droit commun abusivement appliquées ou par des comportements émanant des autorités, ou encouragé, favorisé ou même simplement tolérés par celles-ci. 

"4.Dès lors que l'homosexualité est criminalisée en Guinée, puisque l'article 274 du nouveau code pénal guinéen, dans sa rédaction issue de la loi 2016/059/AN promulguée le 26 octobre 2016, condamne à une peine d'emprisonnement de 6 mois à 3 ans , ainsi qu'à une amende "tout individu commettant un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe", et que les articles 275 et 276 du même code prévoient des peines allant jusqu'à 2 ans d'emprisonnement pour les personnes accomplissant publiquement "un acte intentionnel accompli publiquement et susceptible d'offenser la pudeur et le sentiment moral des personnes qui en sont les témoins involontaires", les homosexuels constituent en Guinée un groupe social au sens de la convention de Genève. Si aucun cas de poursuites judiciaires fondées sur la législation pénale susmentionnée n'a encore été répertorié, le rapport du centre de recherches belge du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA)le 28 novembre 2017 et intitulé "Guinée-l'homosexualité", rapporte que plusieurs personnes ont été arrêtées par les autorités en 2015,2016 et 2017. En outre, le rapport de mission de l'OFPRA et de la Cour en République de Guinée, publié en 2018, la note de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié au Canada (CISR)intitulée "Guinée: information sur le traitement réservé aux minorités sexuelles, y compris les lois;le traitement réservé aux minorités sexuelles par la société et les autorités; la protection offerte par l'Etat et les services de soutien à la disposition des victimes (2014-septembre 2017)", publiée le 21 septembre 2017, et le rapport du Département d'Etat des Etats-Unis sur les pratiques en matière de droits de l'homme en Guinée, publié le 30 mars 2021 confirment que les membres de la communauté homosexuelle guinéenne sont largement confrontés, dans leur pays, à un environnement culturel et religieux hostile, et qu'ils préfèrent souvent dissimuler leur orientation sexuelle pour ne pas s'exposer à des actes de violences de la part de leur entourage ou des forces de l'ordre. Ainsi, si la seule pénalisation des actes homosexuels en Guinée en constitue pas en tant que telle, une persécution, l'ensemble de ces éléments permet cependant d'estimer que les personnes homosexuelles sont susceptibles d'être exposées dans ce pays à un risque de persécutions en raison de leur orientation sexuelle et y constituent un groupe social...

6. Les déclarations personnalisées de Mr D...devant la Cour, et notamment, au cours de l'audience, ont permis de tenir pour établies l'orientation sexuelle et ses craintes de persécutions en cas de retour en Guinée. En particulier, l'intéressé s'est exprimé de manière personnalisée sur la prise de conscience et son orientation sexuelle en Guinée. Par ailleurs, il a été en mesure de décrire un environnement familial et social au sein duquel il a été contraint de cacher son orientation sexuelle. En outre, ses explications sur les circonstances de son départ de Guinée n'ont pas permis d'exclure la découverte par son père de son homosexualité. Enfin, il a évoqué de manière spontanée et personnalisée sa relation actuelle en France avec un jeune homme rencontré au sein de la fondation le Refuge au contact duquel il a commencé à assumer son identité..."


Dans le même sens, CNDA, 15 janvier 2021, n°20036567 (http://denisseguinavocat.blogspot.com/2021/02/appartenance-au-groupe-social-des.html)

cf aussi:

https://denisseguinavocat.blogspot.com/2020/05/statutderefugie-guinee-homosexualite.html


Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers 

Docteur en droit




lundi 21 novembre 2022

OQTF Parent enfant français Annulation article 3.1 CIDE

 Tribunal administratif de Nantes, 16 novembre 2022, n°2110279, 7ème chambre:


"...11.La décision obligeant la requérante à quitter le territoire français aura pour conséquence de séparer son enfant du père de ce dernier, qui est un ressortissant français résidant en France. Même s'il n'est pas établi que ce ressortissant participe à l'entretien et à l'éducation de cette enfant dans les conditions prévues à l'article 372-1 du code civil, il verse cependant à la requérante des sommes destinées à cet entretien et il est susceptible de nouer des liens ave cette enfant, née le 22 décembre 2019, et de participer à son éducation. Dans ces conditions, Mme D...est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination doivent être annulées...".

14. ...Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Seguin, avocat de la requérante, d'une somme de 1200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour Me Seguin de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle...".



Denis SEGUIN

Avocat spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité

Docteur en droit




L.423-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile:
"L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1".

L.423-8 : 
"Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant.
Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant".


Convention internationale des droits de l'enfant Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989:
Article 3.1:"Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale"


Côte d'Ivoire Statut de réfugiée mariage forcé


CNDA, 14 novembre 2022, n°22040868, 2ème section, 1ère chambre:


"...3.Dans une population au sein de laquelle le mariage forcé est couramment pratiqué au point de constituer une norme sociale, les jeunes filles et les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté constituent de ce fait un groupe social.

5.Il ressort des sources d'information disponibles qu'en Côte d'Ivoire, si la loi n°2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage a réaffirmé le principe du consentement des deux époux et si le mariage forcé, qu'il soit civil, coutumier ou religieux, est désormais constitutif d'un délit au titre de l'article 439 du nouveau code pénal ivoirien, le durcissement de la législation relative au mariage forcé en Côte d'Ivoire n'affecte pas la permanence de ce phénomène. A cet égard, le Rapport de la mission en République de Côte d'Ivoire de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile publié en 2020 souligne, comme l'avait déjà relevé le précédent rapport de mission publié en 2013 et comme le relèvent d'autres sources publiques disponibles, que la pratique du mariage forcé repose sur des fondements traditionnels et culturels très établis et perdure principalement dans les zones rurales. Le "motif économique" en est la "principale cause", ainsi que le relève le "COI Focus" du 25 octobre 2018 publié par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et intitulé "Côte d'Ivoire-le mariage forcé". Le rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO devenu AUEA)sur la Côte d'Ivoire, publié en juin 2019, constate également la persistance des mariages forcés malgré des efforts conjoints du gouvernement ivoirien, des agences de Nations Unies et de la société civile. Par ailleurs, il demeure particulièrement difficile pour les femmes de se soustraire à des unions, sous peine de subir un ostracisme social, ou même des violences de la part de leur famille. Le département d'Etat des Nations-Unies, dans son rapport sur l'état des droits de l'homme en Côte d'Ivoire pour l'année 2019, qui a été publié le 11 mars 2020, constate ainsi que plusieurs cas de mariages ou de tentatives de mariages forcés ont été documentés au cours de l'année 2019. Les autorités demeurent, en outre, encore peu formées sur la question. Dès lors, les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé en Côte d'Ivoire constituent un groupe social au sens de la convention de Genève et sont susceptibles d'être exposées de ce fait à des persécutions".


Denis SEGUIN
Avocat spécialiste en droit des étrangers et de la nationalité
Docteur en droit


 

cf aussi article publié le 23/04/2024

Statut de réfugié Opposition à mariage forcé Côte d'Ivoire

  COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE  N° 24002156    19 avril 2024  (6 ème Section, 2 ème Chambre) "...Sur la demande d’asile :  1. Aux te...