Accéder au contenu principal

#Tchad #groupesocial #mariageimposé #mariageforcé


La Cour nationale du droit d'asile a fait application de la notion de "groupe social", par une décision du 7 février 2020 n°19034336, à propos d'un mariage forcé:

"Dans une population au sein de laquelle le mariage forcé est couramment pratiqué au point de constituer une norme sociale, les jeunes filles et femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté constituent de ce fait un groupe social. L'appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres de leur appartenance à ce groupe. Il appartient à la personne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugiée en se prévalant de son appartenance au groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques et sociologiques, relatifs aux risques de persécution qu'elle encourt personnellement. Par ailleurs, la reconnaissance de la qualité de réfugiée peut légalement être refusée, ainsi que le prévoit l'article L.713-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'intéressée peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine,dans laquelle elle est en mesure, en toute sécurité, de se rendre, afin de s'y établir et d'y mener une vie familiale normale.

Il ressort des sources publiques disponibles et notamment de la note intitulée "Tchad. Les mariages forcés", publiée par la Division de l'information et des recherches (DIDR)de l'OFPRA le 11 avril 2017 que "le Tchad a le 3ème taux de prévalence au monde pour les mariages précoces" et que "selon les données onusiennes, plus des deux tiers des tchadiennes ont été mariées avant leur majorité, tandis que 28 %des femmes ont été mariées avant l'âge de 15 ans". Par ailleurs, une note publiée le 21 septembre 2015 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Intitulée "Tchad: information sur le mariage forcé, particulièrement sur la possibilité pour une femme éduquée de fuir un mariage forcé et sur la protection mise à sa disposition par les autorités et les organisations non gouvernementales; information sur la possibilité pour une femme éduquée de vivre seule à N'Djamena et Moundou" met en exergue que "les autorités ne s'impliquent pas [...]pour aider une fille à fuir un mariage forcé" et "qu'en raison de la primauté [...]de la loi coutumière en pareille situation, les autorités ferment les yeux sur sur les agissements des parents". Il ressort donc de l'ensemble des sources précitées que les femmes  tchadiennes s'étant soustraites à un mariage imposé constituent un groupe social au sens de la convention de Genève.

Les déclarations de Mme M..., notamment à l'audience, cohérentes et personnalisées, ont permis de tenir pour établis les motifs et circonstances de son départ du Tchad. Ainsi, c'est en des termes particulièrement personnalisés qu'elle s'est exprimée sur les conditions dans lesquelles elle a été contrainte d'épouser l'homme ayant abusé d'elle en 2008. Ses explications relatives à sa vie quotidienne au domicile conjugal se sont révélées tout aussi précises, notamment en ce qui concerne les mauvais traitements dont elle a fait l'objet de la part de son conjoint. De surcroît, elle a évoqué de façon crédible les démarches administratives qu'elle a entreprises à l'insu de son époux dans le but de poursuivre ses études à  l'étranger. Ses déclarations sur ce point sont au demeurant corroborées par les documents relatifs à ses études supérieures et par les tampons figurant sur son passeport, versés au débat. Pa ailleurs, elle a livré une description personnalisée de  l'attitude de ses parents et la manière dont ces derniers lui ont conseillé d'accepter son sort. Enfin, c'est en des termes réalistes et pertinents qu'elle a fait état de l'indifférence des autorités tchadiennes à son égard et de l'impossibilité de se prévaloir ainsi de leur protection. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme M...craint avec raison d'être persécutée par son conjoint en cas de retour dans son pays en raison de soustraction à un mariage imposé...".


C'est bien la qualité de réfugiée qui est reconnue.

Précisons également que l'OFPRA est condamné à verser la somme de 1000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991...


Denis SEGUIN
Avocat à  Angers

Spécialiste en Droit des étrangers

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Mariage ou naissance après une OQTF

  C'est un schéma assez classique. Une personne étrangère a conclu un PACS avec une personne de nationalité française. Elle demande la délivrance d'un titre de séjour en tant que concubin d'une personne française. La préfecture refuse au motif que le PACS est récent. Elle refuse avec un OQTF (obligation de quitter le territoire français). Un recours est formé devant le Tribunal administratif. En cours de procédure, les personnes concernées se marient. Et le conjoint de français a droit à un titre de séjour précisément en sa qualité de conjoint de français (étant précisé qu'il faut quand même un visa de long séjour sauf cas particulier). Attention: le mariage postérieur à l'OQTF est sans incidence sur la légalité de la décision. Mais il peut être de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement. Le contentieux est ce que l'on appelle le contentieux de l'excès de pouvoir: le juge peut tenir compte de circonstances intervenues postéri

Réunification familiale Soudan date dépôt demande de visa

  TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES, N°2215759 , (9 ème chambre) 16  octobre 2023   _ “1. M. A ressortissant soudanais, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié  par décision du directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du  30 avril 2018. Son épouse et leurs six enfants ont déposé des demandes de visa de long séjour  auprès de l’autorité consulaire française à Khartoum (Soudan) au titre de la réunification familiale.  Par une décision du 11 mai 2022, l’autorité consulaire a refusé de délivrer à Mme  S, aînée de la fratrie, le visa sollicité et par des décisions du 4 août suivant, des  visas ont été délivrés à l’épouse de M. S et à leurs cinq enfants cadets. Par une décision  implicite née le 7 novembre 2022, dont Mme S demande l’annulation, la  commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours  formé contre la décision consulaire du 11 mai 2022.  Sur les conclusions à fin d’annulation :  2. Il re

Parent enfant malade étranger malade Géorgie

  TRIBUNAL ADMINISTRATIF  DE NANTES  N°s 2211919 et 2214025  ___________  Mme L.N ___________  4 octobre 2023   ___________  335-01-03  C  Le tribunal administratif de Nantes  (2 ème chambre) "Considérant ce qui suit :  1. Mme N, ressortissante géorgienne née en 1985, est entrée en  France en juin 2021. Sa demande d’asile a été rejetée par une décision du 15 avril 2022 de l’Office  français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale  du droit d’asile du 11 juillet 2022. Elle a sollicité du préfet de Maine-et-Loire la délivrance d’un  titre de séjour sur le fondement de l’article L. 425-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers  et du droit d’asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 27 juillet 2022. Par un arrêté du  5 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai  de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d’office lorsque le