mercredi 19 juillet 2023

OQTF Jeune majeur état civil Mali

 

Jugement du TA de Nantes du 5 juillet 2023, n°2207170:



2. L'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ». Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de << salarié » ou «< travailleur temporaire », présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française

3. Par ailleurs, selon l'article R. 431-10 du même code : « L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1°Les documents justifiants de son état civil ; 2o Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ». Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : « La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ». L'article 47 du code civil prévoit que : « Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation

4. Il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, pour justifier son identité, M. D... avait produit, tout d'abord, un jugement supplétif d'acte de naissance n° 9344 du tribunal civil de grande instance de la commune I du district de Bamako du 18 novembre 2019, un extrait d'acte de naissance 2398-RG47SP du 22 novembre 2019 et un extrait de registre d'état civil no 990, dont le préfet de Maine-et-Loire relève que des rapports simplifiés de la police aux frontières du 22 janvier 2020 les auraient estimés irréguliers. Figurent au dossier deux copies de l'acte de naissance no 2398/47/SP portant transcription du jugement supplétif du 18 novembre 2019 qui présentent des différences puisque l'un présente une tâche sur un chiffre ne figurant pas sur l'autre tandis que la date de naissance figure également en chiffres sur l'un d'eux et pas l'autre. L'existence de ces deux copies différentes de l'acte de naissance n° 2398/47/SP du 22 novembre 2019 est de nature à faire douter de l'authenticité de cet acte de naissance, ainsi que l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance n° 2398-RG47SP du 22 novembre 2019, qui lui correspond. Néanmoins, les rapports de la police aux frontières du 22 janvier 2020, produits par le préfet défendeur à l'appui de ses écritures, évoquent l'extrait de registre d'état civil établi le 10 octobre 2010 et le jugement supplétif n° 9344 du 18 novembre 2019 sans toutefois établir, par des arguments propres à ces actes précis, leur caractère inauthentique

5. Il ressort par ailleurs de la motivation de l'arrêté attaqué qu'au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. D....a produit de nouveaux actes d'état-civil constitués par un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2329 rendu le 6 avril 2021 par le tribunal de grande instance de la commune I du district de Bamako et l'acte de naissance n° 352/RG/ 07SP de transcription du jugement du 28 avril 2021, dont le préfet de Maine-et-Loire relève que des rapports simplifiés de la police aux frontières du 25 juin 2021 les aurait estimés irréguliers, en raison d'un grattage sur les mentions de transcription du jugement supplétif et d'une faute d'orthographe, d'une absence de numérotation de souche par typographie, d'une absence de références de l'imprimeur et d'une prédécoupe artisanale pour l'acte de naissance. Il ressort en outre des pièces du dossier que le jugement supplétif du 6 avril 2021, qui comporte des raturages au niveau des mentions de transcription, renvoie à un acte de transcription 358/Rg07SP du 28 avril 2021, ce numéro étant également celui de l'acte de transcription déjà évoqué du 22 novembre 2019, antérieur au jugement. Une telle mention est de nature à faire douter de l'authenticité de ce jugement, ainsi que de l'acte de naissance de transcription de ce jugement qui porte, quant à lui, le numéro 352/Rg07SP et comporte au demeurant une faute d'orthographe au niveau de la mention << officier >>

« 

6. Néanmoins, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4 du jugement, le préfet défendeur n'apporte pas suffisamment d'éléments de nature à remettre en cause l'authenticité de l'extrait de registre d'état civil du 10 octobre 2010, certifié conforme à l'original n° 990, et du jugement supplétif no 9344 du 18 novembre 2019, M.D...a également produit, dans le cadre du présent contentieux, un nouveau jugement supplétif n° 8419 du 20 décembre 2021 du tribunal de grande instance de la commune I du district de Bamako, sa transcription par un acte de naissance n° 2012/Rég 40 SJ du 13 janvier 2022 par le centre d'état civil du centre de Boulkassoumbougou, centre au sein de la commune I du district de Bamako, et sa carte d'identité consulaire laquelle fait référence à l'acte de naissance du 13 janvier 2022. L'acte de naissance du 13 janvier 2022 comporte la signature d'un magistrat du tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako et du ministère des affaires étrangères du Mali. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces deux nouveaux actes d'état civil présenteraient un caractère frauduleux, le préfet de Maine-et-Loire n'apporte aucun élément de nature à établir leur caractère inauthentique

7. Dès lors, si le caractère inauthentique de certains des actes d'état civil pourrait être retenu, il n'en va pas de même s'agissant de l'extrait de registre de 2010, des jugements supplétifs de 2019 et de décembre 2021 et de l'acte de naissance du 13 janvier 2022. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire ne saurait être regardé comme ayant renversé la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans ces actes. M. Drame est donc fondé à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'erreur d'appréciation quant à la justification de son état civil, et à demander l'annulation de cette décision, ainsi que celle des autres décisions le concernant par voie de conséquence

Sur les conclusions à fin d'injonction

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors qu'il n'est pas contesté que M. D...remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement demandé, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. D....une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement



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