vendredi 28 janvier 2022

Afghanistan Statut de réfugié Hazara

 CNDA, 28 janvier 2022,1ère section, 3ème chambre, n°21036987:

"En premier lieu, les déclarations du requérant, tant à l'OFPRA que devant la Cour permettent de tenir pour établir sa nationalité afghane et sa provenance de la localité de Qarabaghi, située dans le district éponyme dans la province de Ghazni et son appartenance à la communauté hazara, lesquelles ont également été considérés comme avérés par l'Office. En outre, Monsieur I... été en mesure de revenir sur les fonctions de son père, représentant de la communauté hazara de son village. Questionné à cet égard, les réponses du requérant se sont révélées cohérentes, Monsieur I ayant souligné que son père avait hérité de ses fonctions en raison de la notoriété acquise du fait de son passé de moudjahidine ainsi que de l'ancienneté de son installation dans la localité, essentiellement composée de nouveaux arrivants. De même, il a livré une description constante et vraisemblable de la composition ethnique de la ville et des rapports entre les différentes communautés, le requérant ayant en particulier décrit les sollicitations des insurgés visant à enrôler des nouveaux membres parmi la communauté chiite. Dans ce contexte, si l'on admet que les talibans pouvaient être enclins à recruter dans ce groupe de population, il est apparu plausible que son père était personnellement ciblé après s'être opposé à l'enrôlement de jeunes hazaras. Monsieur I... a en outre, décrit l'assassinat de son père en des termes probants et a pu préciser à cet égard que là dépouille de ces derniers n'avaient pu être récupérée que grâce à l'intercession des barbes blanches.


En 2nd lieu, son récit s'inscrit dans un contexte géopolitique cohérent, dès lors qu'il ressort des sources publiques disponibles et pertinentes, notamment des rapports respectifs de l'Organisation Suisse. d'aide aux réfugiés de septembre 2019, intitulé "Afghanistan: profils à risque" du Bureau européen d'appui en matière d'asile de juin 2019, complété par celui d'août 2020 intitulé "Afghanistan anti government éléments (AGEs)" ou encore des principes directeurs du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés et aux apatrides relatifs relatifs à l'éligibilité, dans le cadre de l'évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d'asile afghans, d'août 2018 que les personnes travaillant où associées au gouvernement ou à la communauté internationale ou perçues comme leur soutien constituent des profils à risques, tout comme leur famille, en cas de retour en Afghanistan, et sont ciblés par les Talibans. Ces craintes sont renforcées par la situation sécuritaire incertaine prévalant en Afghanistan depuis la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021, laquelle est corroborée par plusieurs sources publiques d'information, tels que le communiqué de presse de l'ONG Human Rights Watch du 17 août 2021, titré "Afghanistan:les talibans au pouvoir", ou encore l'article de presse. "Comment les talibans ont repris l'Afghanistan" publié le 17 août 2021 par le journal Le Monde. Si les talibans ont ainsi tenté de se présenter comme un groupe réformé depuis leur récente prise de pouvoir en août 2021, et bien qu'ils aient promis une amnistie générale pour tous ceux qui ont travaillé pour l'ancien gouvernement, les sources publiques disponibles et pertinentes tel que le rapport conjoint de Amnesty International, International Fédération for Human Rights,World Organization Against Torture. Intitulé "The fate of thousands hanging in the balance:Afghanistan's fall into the hands of the Taliban" ou encore le rapport du Danish immigration service intitulé "Afghanistan:Recent developments in the security situation on civilians and targeted individuals", publié en septembre 2021, mettent en lumière que les anciens employés du gouvernement ou ceux perçut comme leur soutien ainsi que les minorités ethniques et religieuses, comme les Hazaras et chiites, sont exposés à des risques accrus en cas de retour dans leur pays d'origine et font état d'attaques ciblées récentes contre ces derniers. Ainsi, s'il  ressort d'un rapport du Bureau européen d'appui en matière d'asile, publié le 12 décembre 2017 intitulé "Afghanistan: Individuals, targeted by actors in the conflict" que l'attitude des talibans à l'égard des Hazaras peut être ambivalente et est tributaire de considérations locales, de récents attentats commis par les talibans démontrent que cette communauté demeure une cible pour eux, tel qu'il ressort par exemple de l'article de Amnesty International publié en août 2021 et intitulé "Afghanistan. Les talibans, responsables du massacre d'hommes Hazaras, nouvelle enquête". Les Hazaras continuent par ailleurs de faire face à une violence ciblée à leur encontre, une violence en nette augmentation ces dernières semaines, tel qu'il ressort des données de l'Armed Conflict Location and Event Data Project dans son article publié le 6 octobre 2021 et intitulé "Regional Overview. South Asia and Afghanistan, 25 septembre. 1 octobre 2021" recensant au moins 7 attaques ciblant des membres de cette communauté perpétrés par les talibans ou plus encore par le groupe État islamique depuis le début de l'année 2021, ainsi que d'autres attaques par des militants non identifiés. Plus d'une centaine de Hazaras ont ainsi été tués lors de ces attaques. Un article du journal Le Monde publié le 8 octobre 2021 fait état, de plus, de l'assassinat d'au moins 55 personnes après un attentat suicide dans une mosquée chiite de Kunduz, revendiquée par le groupe État islamique, qui s'affirme de la sorte comme le principal adversaire du nouveau pouvoir taliban. Dès lors, même si la situation politique de l'Afghanistan est loin d'être encore décanté à la suite des bouleversements de l'été 2021, les déclarations du requérant s'inscrivent dans un contexte géopolitique plausible qui, eu égard à la cohérence de ses propos et de son profil à risque, permettent, dans les circonstances particulières de l'espèce de tenir pour établir qu'il serait susceptible d'être particulièrement exposés et dépourvus de protection. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur I craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour dans son pays par le pouvoir taliban en raison des opinions politiques qui pourraient lui être prêtés et aussi de son appartenance ethnique. Dès lors, il est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié".


Cf également: CNDA, 5 novembre 2021, n°20025121:

http://www.cnda.fr/Ressources-juridiques-et-geopolitiques/A:ctualite-jurisprudentielle/Selection-de-decisions-de-la-CNDA/La-Cour-nationale-du-droit-d-asile-a-reconnu-la-qualite-de-refugie-a-un-ressortissant-afghan-d-origine-hazara-au-motif-de-son-appartenance-ethnique

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