samedi 19 décembre 2020

#protection subsidiaire #MoyenJuba #Somalie

 

Par une décision du 14 décembre 2020 (n°20009912), la CNDA a jugé qu'

"...il ressort des sources d'information publiques pertinentes que le conflit armé opposant les forces du gouvernement fédéral somalien et celles de la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) aux milices Al-Shebab se poursuit dans le centre et le sud de la Somalie, y compris dans la région du Moyen Juba

Ainsi, le rapport du groupe d'expert sur la Somalie publié en novembre 2019 en application de la résolution 2444 (2018) du Conseil de sécurité des Nations Unies atteste que les membres du groupe AL Shabab exercent le contrôle administratif de la majeure partie de la vallée du Juba, notamment de la ville de Jilib.

De ce fait, des incidents mortels, dus aux affrontements entre les milices Al Shabab et les forces gouvernementales, aux conflits interclaniques ou aux bombardements des forces étrangères ^pouvant toucher des civils, continuent d'avoir lieu dans cette région.

A cet égard, l'organisation non gouvernementale, Armed Conflict Location & Event Data Project y a recensé un nombre accru d'incidents sécuritaires au cours des deux premiers trimestres de l'année 2020. Par ailleurs, l'organe de presse du Conseil de sécurité des Nations Unies a publié un communiqué du 29 mai 2020 annonçant la nécessaire prolongation de l'autorisation de déploiement de l'AMISOM jusqu'au 28 février 2021, maintenant ainsi une présence militaire en soutient à l'Etat somalien dans le combat contre les milices.

 Ainsi, Mme U..., qui doit être regardée comme un civil,  courrait len cas de retour dans son pays et plus précisément dans la région du Moyen Juba, affectée par une situation de violence aveugle d'intensité exceptionnelle résultant d'une situation de conflit armé interne, au sens de l'article L.712-1 c, sans pouvoir se prévaloir de la protection effective des autorités. Dès lors,  Mme U... doit se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire..."


Denis SEGUIN

Avocat

Spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit


Dans cette même décision, la Cour reprend la motivation des décisions de la CNDA statuant en grande formation (CNDA GF 19 novembre 2020 M. N n° 19009476 R et CNDA GF 19 novembre 2020 M. M. n° 18054661 R). Elle reprend intégralement les motifs ci-dessous:

"Le bénéfice de la protection subsidiaire, au titre des dispositions précitées du c) de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est accordé lorsque, dans le pays ou la région que l’intéressé a vocation à rejoindre, le degré de violence caractérisant un conflit armé atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir une menace grave et individuelle, l’existence d’une telle menace contre la vie ou la personne du demandeur n’étant pas subordonnée à la condition qu’il rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle. En revanche, lorsque la violence prévalant dans le pays ou la région concernés n’atteint pas un niveau tel que tout civil courrait, du seul fait de sa présence, dans le pays ou la région en question, un risque réel de subir une telle menace, il appartient au demandeur de démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, conformément à la jurisprudence de la CJUE qui a précisé « que plus le n° 19009476 7 demandeur est éventuellement apte à démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, moins sera élevé le degré de violence aveugle requis pour qu’il puisse bénéficier de la protection subsidiaire » (CJUE n° C-465/07 17 février 2009 Elgafaji - point 39). 11. Aux fins de l’application de ces dispositions, le niveau de violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international, doit être évalué en prenant en compte un ensemble de critères tant quantitatifs que qualitatifs appréciés au vu des sources d’informations disponibles et pertinentes à la date de cette évaluation. 12. S’agissant des sources d’informations disponibles et pertinentes, conformément à l’article 4 de la directive 2011/95/UE dite « qualification », relatif à l’évaluation des faits et circonstances : « (…) 3. Il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants : a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ». Et aux termes de l’article 10 de la directive 2013/32/UE dite « Procédure », relatif aux conditions auxquelles est soumis l’examen des demandes : « (…) 3. Les États membres font en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises par l’autorité responsable de la détermination à l’issue d’un examen approprié. À cet effet, les États membres veillent à ce que : (…) b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le BEAA [Bureau européen d’appui en matière d’asile] et le HCR [Haut-Commissariat pour les réfugiés] ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations ». Selon le Guide pratique juridique relatif à l’information sur les pays d’origine publié par le BEEA (EAS0-European Asylum Support Office) en 2018, « L’information sur les pays d’origine est l’ensemble des informations utilisées lors des procédures visant à évaluer les demandes d’octroi du statut de réfugié ou d’autres formes de protection internationale » (paragraphe 1.1 p. 8). On entend ainsi par information sur les pays d’origine (COI, Country of origin information) des informations publiquement accessibles, indépendantes, pertinentes, fiables et objectives, précises, cohérentes et actuelles, corroborées, transparentes et traçables. Conformément aux dispositions précitées de l’article 10 de la directive « Procédure », il y a lieu de s’appuyer sur différentes sources d’information sur les pays d’origine émanant, notamment, des organisations internationales et intergouvernementales, des organisations non gouvernementales, des institutions gouvernementales ou juridictionnelles, des organismes législatifs et administratifs ou encore des sources médiatiques ou académiques. 13. S’agissant des critères tant quantitatifs que qualitatifs, il y a lieu de prendre en compte, sur la base des informations disponibles et pertinentes, notamment, les parties au conflit et leurs forces militaires respectives, les méthodes ou tactiques de guerre employées, les types d’armes utilisées, l’étendue géographique et la durée des combats, le nombre d’incidents liés au conflit, y compris leur localisation, leur fréquence et leur intensité par rapport à la population locale ainsi que les méthodes utilisées par les parties au conflit et leurs cibles, l’étendue géographique de la situation de violence, le nombre de victimes civiles, y compris celles qui ont été blessées en raison des combats, au regard de la population nationale et dans les zones géographiques pertinentes telles que la ville, la province ou la région, administrative, les déplacements provoqués par le conflit, la sécurité des voies de circulation n° 19009476 8 internes. Il doit également être tenu compte des violations des droits de l’homme, de l’accès aux services publics de base, aux soins de santé et à l’éducation, de la capacité des autorités de contrôler la situation du pays et de protéger les civils y compris les minorités, de l’aide ou de l’assistance fournie par des organisations internationales, de la situation des personnes déplacées à leur retour et du nombre de retours volontaires."


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