dimanche 20 décembre 2020

#refusdeservicemilitaire #Syrie #statutderéfugié

 Par une décision du 23 novembre 2020, n°20004114 et 20004115, la CNDA a jugé que:

"...4. Les craintes exprimées par un requérant du fait de son insoumission ou de sa désertion ne permettent de regarder l'intéressé comme entrant dans le champ d'application de la convention de Genève que s'il peut être tenu pour établi que l'attitude de celui-ci est dictée par l'un des motifs énumérés à l'article 1er A, 2 de la convention de Genève, ou par des raisons de conscience liées à l'un de ces motifs, et qu'il n'existe pas dans le pays d'origine de service civil de remplacement ou de procédure visant à reconnaitre le statut d'objecteur de conscience. Les motifs de conscience sont ceux qui conduisent un individu à refuser de commettre sur ordre des autorités, des actes contraires à ses convictions.

5 .  Les sanctions prévues par la législation d'un Etat pour punir l'insoumission ou la désertion sont considérées comme légitimes au regard du droit de l'Etat à maintenir une force armée. Toutefois, selon l'article 9 de la directive 2011/95 UE du Parlement européen et du conseil, les mesures légales, administratives, de police judiciaire, ainsi que les sanctions ou poursuites encourues en cas d'acte d'insoumission ou de désertion peuvent être qualifiées de persécutions ou d'atteintes graves si elles sont discriminatoires ou disproportionnées, en soir ou dans leur mise en œuvre. Les poursuites ou sanctions pour refus d'accomplir ses obligations militaires en cas de conflit peuvent constituer une persécution lorsque celles-ci supposeraient de commettre des crimes ou d'accomplir des actes relevant des clauses d'exclusion.

6.  Les déclarations circonstanciées et personnalisées de MM. I...notamment à l'audience permettent de tenir pour établis les faits présentés comme ayant présidé à leur départ de Syrie. En effet, c'est de manière spontanée, précisément argumentée et convaincante qu'ils ont fait valoir leur refus de prendre les armes, et ce faisant, de servir au sein des forces armées régulières en raison des exactions dont celles-ci se rendent coupable, notamment à l'encontre des populations civiles.

7...Il ressort des sources publiques disponibles que le gouvernement syrien considère que l'insoumission est l'expression d'une opinion politique divergente et une réticence à défendre le pays contre des menaces "terroristes". Ainsi, une note publiée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada du 13 août 2014 et intitulée "Syrie: Information sur le service militaire obligatoire, y compris l'âge de recrutement et la durée du service; les circonstances dans lesquelles une personne doit prouver qu'elle a satisfait à ses obligations militaires; information indiquant si le gouvernement peut rappeler les personnes qui ont déjà fait le service militaire obligatoire, information sur les peines pour les réfractaires (2008-juillet 2014)", mentionne que l'insoumission et la désertion sont passibles de peines d'emprisonnement et d'une conscription forcée et que, depuis le début du soulèvement populaire contre le régime, les insoumis et les déserteurs arrêtés par les autorités syriennes sont victimes de tortures ou d'exécutions sommaires. Par ailleurs, la Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, dans ses rapports des 13 août 2015, 11 février 2016 et 8 août 2017, constate que l'insoumission et la désertion sont passibles de peines d'emprisonnement ainsi que d'une conscription forcée et que, depuis le début du soulèvement populaire contre le régime, les insoumis et les déserteurs arrêtés par les autorités syriennes sont victimes de tortures ou d'exécutions sommaires. D'autres sources, telles que les lignes directrices du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR), intitulées "Relevant country of origin information to assist with the application of UNHCR's country guidance on Syria "Illegal exit"from Syria and related issues for determining the international protection needs of asylum-seekers from Syria" et "Relevant Country of Origin Information to Assist with the Application on UNHCR's Country Guidance on Syria. Participation in Anti-Governement Protests; Draft Evasion; Issuance and Application of Partial Amnesty Decrees; Residence in (Formerly) Opposition-Held Areas; Instance on Passports Abroad; Return and "Settling One's Status", publiées respectivement au mois de février 2017 et le 7 mai 2020 corroborent ce constat et soulignent que les insoumis et les déserteurs sont perçus par le régime syrien comme des opposants et qu'ils font l'objet de persécutions. Ces mêmes sources font état par ailleurs de l'absence de dispositions prévoyant le droit à l'objection de conscience en Syrie et indique qu'il n'existe aucun service alternatif...


8...Il résulte de ce qui précède que MM.I...craignent avec raison, au sens des des stipulations de la convention de Genève, d'être persécutées en cas de retour dans leur pays d'origine en raison d'opinions politiques qui leur sont imputées du fait de leur insoumission au service militaire. Dès lors, ils sont fondés à se prévaloir de la qualité de réfugiés...".


C'est donc bien la qualité de réfugié qui leur est reconnue alors même que l'OFPRA n'avait accordé que la protection subsidiaire.


Dane le même sens:

http://denisseguinavocat.blogspot.com/2019/05/syrie-statutderefugie.html

un arrêt de la CJUE:

19 novembre 2020, aff.C-238/19, EZ :

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=3442BE5B510AB96B7C02CB6117B14E17?text=&docid=233922&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=18944396


Denis SEGUIN

Avocat 

Spécialiste en droit des étrangers

Docteur en droit




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